Dossier de présentation du mobilier IM29005728 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, Lycées en Bretagne
Décoration au titre du 1% artistique de la cité scolaire de l'Iroise, dite aussi lycée et collège de l'Iroise, anciennement lycée de Saint-Marc (Brest), Cité scolaire de l'Iroise, dite aussi lycée et collège de l'Iroise, anciennement lycée de Saint-Marc (Brest)

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  • Aire d'étude et canton Bretagne

La décoration au titre du 1% artistique de la cité scolaire de l'Iroise a connu une genèse tourmentée. Plusieurs décisions de la commission provisoire pour l'étude des projets de décoration dans les édifices publics (ministère de la Culture) ainsi qu’un changement d'artiste, furent nécessaires. Entre le printemps 1967 et 1973, six ans s’écoulèrent avant qu'aboutisse la réalisation de la sculpture de Philippe Hiquily, artiste français de notoriété internationale. Comme c'est souvent le cas dans ce type de situation, les multiples avis et la correspondance sont riches en enseignements sur les différents acteurs, leurs préoccupations et leurs regards sur l'art.

Cinq années d'avis et de réunions avant d'aboutir à l'agrément de Philippe Hiquily.

A partir de 1967, ce sont tout d'abord deux projets de sculptures en bronze de Jean-Claude Taburet qui sont examinés par les différentes instances. La première, de 3,2 m, devait s’intituler "L'Homme et la mouette" et être implantée à gauche du bâtiment administratif. La seconde, de 40 centimètres environ, appelée "Buste à deux visages" (masculin et féminin), devait prendre place dans le "patio situé au centre des activités du Lycée", pour reprendre les mots de l'architecte (25/7/1969). Ce deuxième projet fut rapidement abandonné, suite à son rejet par le Conseil général des bâtiments civils et palais nationaux (11/10/1967), qui la jugeait inutile étant donné sa petite taille et l'échelle des bâtiments environnants. L'architecte proposa alors d'implanter dans le bassin du patio "LHomme et la mouette".

La maquette de ce projet, fut ensuite fort décriée, tout d’abord par l'inspecteur d'académie, dans son avis, en date du 19 juin 1967 : ""L'Homme et la Mouette", trop décharné, évoque fâcheusement un rescapé des camps de la mort. Si le symbole est clair, le choix de l'oiseau est malheureux : la mouette se laisse difficilement saisir. On souhaiterait un personnage plus gracieux et il me semble que, sans tomber dans l'académisme, ses proportions devraient être plus proches de la réalité." C'est cependant la commission provisoire pour l'étude des projets qui statue, le 24 septembre 1969, en refusant d'agréer M. Taburet . Elle demande alors à l'architecte de la cité scolaire, Jean Lacaille, de proposer un autre artiste. Elle se conforme en cela au rapport de l'inspecteur Maurice Allemand, en date du 19 septembre 1969, qui étrille le projet : "Mon avis est que cette œuvre est très faible, d'un académisme qui se veut moderne avec maladresse, et que le projet est inacceptable. Il est certain que pour 82.000 francs, on peut obtenir une œuvre de haute qualité due à un grand artiste, ou, si l'on préfère, un environnement intelligent" (sic !). Il reçoit en commission le soutien explicite du représentant du Conseil général des bâtiments civils et palais nationaux, l'architecte en chef Pierre Roux-Dorlut qui "observe que l'emplacement choisit par l'architecte aurait nécessité une sculpture plus affirmée et que le bronze ne convient pas. Sur le plan esthétique le projet n'a pas de qualité."

Inox et hélices : deux évolutions du projet de Philippe Hiquily à la demande de la commission

C'est ainsi que l'architecte propose, dans un rapport remis à l'administration du ministère de la Culture, le 14 janvier 1971, la candidature de Philippe Hiquily qui décrit lui-même son projet :

"Cette fontaine mobile sera constituée de trois plaques d'acier de 10 mm d'épaisseur découpées et assemblées verticalement supportant chacune un tourniquet mobile composé de trois disques d'aluminium de 45 cm de diamètre colorés par un procédé électrolytique et tournant perpendiculairement à des axes placés dans le même plan que les plaques d'acier.

Le mouvement est obtenu par un jet d'eau conique qui part de la jonction des plaques, et provoque ainsi un brouillard d'eau en frappant tour à tour les disques."

Si le projet reçoit un avis défavorable de la municipalité, le 29 juin 1971, sous la signature de l'adjoint au maire de Brest chargé des beaux-arts : "aussi bien sur le plan esthétique qu'au point de vue du matériau utilisé qui risque de se dégrader compte-tenu du climat de notre région", il est accueilli très favorablement par l'inspecteur Maurice Allemand. Ce dernier estime en effet, le 26 novembre 1971, que :

"Le projet d'HIQUILY est intéressant et empreint d'une poésie qui le rend sympathique.

Il est cependant un peu regrettable que les formes des plaques d'acier fassent penser à des formes inventées par Calder...

Au moins, le mouvement des éléments mobiles est provoqué, ici par un jet d'eau, ce qui est une originalité par rapport à Calder."

Informé de l'avis défavorable du "Maire" de Brest, il ne pense pas devoir modifier son propre avis concernant l'esthétique mais s'accorde avec la nécessité de discuter du matériau avec l'architecte.

Son  rapport est une nouvelle fois suivi par la commission qui : "est d'avis de faire confiance à l'artiste, dont le talent est connu, pour mener à bien cette œuvre. Toutefois, il devra présenter à M. Allemand la mise au point de son projet et notamment en ce qui concerne sa réalisation en acier inoxydable". Le représentant des sculpteurs au sein de la commission, M. Lardera, avait indiqué que l'acier inoxydable offrait toutes les garanties ; le conseiller artistique régional, M. Bergot, avait réclamé une plus grande unité plastique entre les éléments fixes et mobiles ; quant au représentant des critiques d'art, M. Weelen, il devait porter la contradiction à l'architecte Jean Lacaille. Ce dernier insistant sur le grand rôle que l'eau était amenée à jouer "dans l'expression plastique, puisque les jets partiront du fond du bassin et retomberont en pluie formant un "dôme" de gouttelettes" ; le critique lui répondit "le fonctionnement de la fontaine risque d'être intermittent (...) il est donc important que l'œuvre ait une présence plastique en tant que telle". L'arrêté d'agrément est signé par le préfet du Finistère, le 6 juillet 1972.

Ces échanges ont compté dans le processus créatif. Maurice Allemand, dans son rapport final, précise que la description initiale de l'œuvre proposée par Philippe Hiquily demeure la même, "sauf la substitution au Corten de plaques d'inox de 8 millimètres" et une légère modification apportée par le sculpteur à "la disposition des trois tourniquets de façon qu'ils ne puissent pas se heurter, et surtout il a prévu, au lieu des disques, des pales en forme de feuille d'environ 50 cm de long, mues soit par le jet d'eau de la fontaine, soit par le vent". Les dimensions de la sculpture sont : hauteur : 3,8 m ; largeur à la base : 2 m ; largeur maximum : 3 m.

Six mois de retard : l'art n'est pas un "quelconque artisanat"

La réalisation prit six mois de retard. Philippe Hiquily dut s'en justifier, le 19 juillet 1973, auprès du Chef de section principale de l'équipement du Finistère, M. Jacolot, qui l'avait tancé par courrier quelques jours plus tôt. Il évoque à sa décharge les délais de livraison des entreprises brestoises sollicitées de préférence à des sociétés parisiennes, lui-même "n'étant pas un sculpteur local", et les déplacements ainsi rendus nécessaires. Plus intéressant, il argumente : "J'ai réalisé une sculpture mobile qui est également un prototype et dont la mise au point n'est pas aussi facile qu'on pourrait le penser, il est normal que je tâtonne un peu si je veux que la réalisation soit acceptable", précisant que ses mises au point furent encore plus longues à Salies-de-Béarn (CES), Mont-de-Marsan (lycée) et Bordeaux (IUT). Il ajoute : "Si j'ai été accepté par les Affaires culturelles c'est en tant qu'artiste, la création n'est pas une chose aussi simple que la réalisation d'un travail quelconque par un artisan". La mise au point de M. Jacolot, appuyée par l'architecte Jean Lacaille, était intervenue suite à la casse de l'axe de l'une des hélices, pendant une "faible tempête", l'œuvre n'étant pas encore scellée, mais simplement maintenue par des tirants. Les entreprises brestoises évoquées sont Pronost pour le travail du métal et Courte pour le socle.

L'œuvre est réceptionnée le 20 septembre 1973, par les architectes MM. Lacaille et Lechat, en présence du Proviseur et de l'Intendant du lycée mixte de Saint-Marc. Ils estiment, après "examen et vérification", qu'elle satisfait aux conditions de la convention signée un an plus tôt, le 24 août 1972, pour un coût total de 77 000 francs.

Evolution du rapport à l'architecture et aux élèves.

Par-delà la qualité plastique de cette sculpture et son originalité parmi les décorations au titre du 1% artistique dans les lycées bretons, cette œuvre est également intéressante par son rapport à l'architecture, lequel a cependant a été modifié au fil du temps. La "fontaine mobile" prend en effet place au centre d'un bassin recouvert de mosaïque et d'un espace pensés par l’architecte qu’il présente lui-même comme étant "au centre des activités du lycée". Cet ensemble est très dessiné, au milieu d'un paysage de barres scolaires très normées. Le traitement des sols alterne végétal et minéral. Différents matériaux sont présents : ardoise, carreaux de grès, galets et inox, in fine. Notons que le bassin est achevé vers 1967, antérieurement au choix de l'artiste, mais que le socle de la sculpture est lié à l'œuvre. Une photographie prise peu après la réception de l'oeuvre montre le fonctionnement des jets d'eau.

La construction d'un CDI en 1993, ainsi que l'adjonction de vitres aux galeries ont complètement clôturé cet espace, qui est devenu un "patio", au sens propre. Cette évolution du plan de masse a contribué à en écarter les élèves, d'autant plus que l'entrée principale du CDI, face à la sculpture, ne leur est plus accessible et que les sols sont, par ailleurs, fort glissants. L'œuvre s'offre cependant à leur vue, mais essentiellement à travers les baies vitrées du CDI, du self et des galeries. Le bassin n'est plus en eau, pour des raisons de sécurité, mais aussi de délabrement. En dehors de toute intervention humaine, la croissance des arbres, comme la chute de leurs feuilles en hiver, modifient au fil des saisons l'écrin de la sculpture.

 

Sculpture réalisée en 1972 et 1973. Arrêté d'agrément signé par le préfet du Finistère, le 6 juillet 1972.

  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Hiquily Philippe
      Hiquily Philippe

      Sculpteur formé à l'école nationale supérieure des beaux-arts de Paris de 1948 à 1953, longtemps installé dans son atelier 32 rue Raymond Losserand à paris (14e). Des musées internationaux (MOMA, Guggenheim, Smithsonian, Montréal, La Havane) et français (musée national d'art moderne, musée d'art moderne de Saint-Etienne, musée d'Arts de Nantes) ont acheté ses œuvres.

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      sculpteur attribution par source
  • Précisions inscription

    Fontaine mobile constituée de trois plaques d'inox de 8 mm d'épaisseur, découpées et assemblées verticalement supportant chacune un tourniquet mobile composé de trois pales en forme de feuille d'environ 50 cm de long.

    Hauteur : 3,8 m

    Largeur à la base : 2 m

    Largeur maximum : 3 m

Documents d'archives

  • Archives Nationales : 19880466/74. Dossier du ministère de la Culture, bureau de la commande publique, 1% / lycée mixte classique et moderne et de premier cycle annexe de Saint-Marc, 1967-1972.

    Archives Nationales : 19880466/74
  • Archives municipales et communautaires de Brest : 230W3. Marchés de construction et de l'œuvre du 1% artistique de la cité scolaire de Saint-Marc.

    Archives municipales et communautaires de Brest : 230W3
    Marchés de construction et de l'œuvre du 1% artistique de la cité scolaire de Saint-Marc.

Bibliographie

  • Hottin [Christian] Et Roullier [Clothilde], Un art d’État ? Commandes publiques aux artistes plasticiens, 1945-1965, Rennes, PUR, 2017, 257p.

  • Corre [Olivier], "Du "Colmo" à la cité scolaire de l'Iroise. Une histoire de la massification de l'enseignement secondaire à Brest", Les Cahiers de l'Iroise, Hors-Série N° 9 - septembre 2021, pp. 103-140.

Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021