CONDITIONS DE L'ENQUETE
L´enquête de terrain a été réalisée en 2009, en intégrant des éléments recueillis en 1968 lors d´un pré-inventaire qui n´avait que partiellement inclus le bâti du 19e siècle.
Ce dossier collectif vise deux objectifs : appréhender une « famille » d'édifices représentés en grand nombre et dégager les caractères communs ou spécifiques à cette famille. Reflétant une sélection raisonnée sous forme d´échantillonnage, certains éléments, jugés représentatifs et pas ou peu dénaturés, ont été traités en dossiers individuels.
Environ 90 édifices sur un total de 224 immeubles (chiffres INSEE 1999), soit environ 40% du bâti, ont été répertoriés. Au sein de ce corpus, 16 oeuvres (édifices individuels ou hameaux entiers) ont fait l'objet d'un dossier individuel alors que, 80 simplement repérées, ont été systématiquement illustrées, soit dans un dossier « hameau », soit à la suite de ces observations générales.
Au sein de certains hameaux, entités spatiales ou historiques cohérentes et significatives, plusieurs édifices ou ensembles d´édifices ont pu être retenus.
Les maisons situées au chef-lieu de commune, en raison de leurs spécificités ou leur caractère tardif ou répétitif, n'ont pas été traitées ici ; les observations les concernant ont été intégrées dans le dossier « bourg ».
La synthèse qui suit concerne uniquement l'habitat rural proprement dit, c'est-à-dire les maisons et fermes isolées ou situées en écart ainsi que des hameaux entiers lorsque aucun élément ne méritait, à cause des remaniements successifs, un traitement spécifique.
CONTEXTE HISTORIQUE ET ECONOMIQUE.
Peu de documents permettent de connaître l´espace rural avant la seconde moitié du 18e siècle. La topographie apparaît partiellement sur la carte de Cassini (vers 1770) et les premiers relevés cadastraux de 1847 qui reflètent encore largement le parcellaire et le bâti des siècles précédents. Tels qu´ils apparaissent en 1847, le réseau des voies de communication et les structures des hameaux ont perduré pour l´essentiel. Certains tracés de chemins ont été abandonnés ou modifiés depuis le milieu du 19e siècle.
Au recensement de 1846, quinze fermes sont isolées tandis que trente hameaux sont composés de deux à trois fermes, les deux écarts les plus importants comprenant huit à dix fermes (Coscammec, Saint-Sébastien). Les autres, Campoul, Kerrun, Penfrat Izella, Pont Réal, Kergreach et Lanveur Huella regroupent cinq à six fermes. Ces données n´ont pas beaucoup évolué, malgré la reconstruction quasi généralisée des fermes entre 1840 et le deuxième quart du 20e siècle en lien avec l´essor démographique, corollaire d´une économie agricole florissante.
La reconstruction des fermes va de pair avec une standardisation de l´habitat : le logis à étage et trois travées symétriques devient la norme, à l´imitation des modèles urbains. Il est séparé des fonctions agricoles, dès lors regroupées dans des dépendances indépendantes.
Territoire à dominante agricole depuis sa séparation d´avec Port-Launay et Pont-de-Buis, Saint-Ségal est réputé dans le monde agricole pour ses produits de qualité : pommes de terre, blé, chevaux, cidre. Les différentes productions sont encouragées par la possibilité de les vendre et de les exporter par le train. La commune est également connue pour la précocité de ses progrès techniques facilitée par la proximité des voies de communication et des foyers urbains. La révolution agricole amorcée au milieu du 19e siècle se poursuit et s'accélère au début du 20e siècle.
Les cultures évoluent avec le temps. Le sarrasin et l´avoine qui occupent chacun une centaine d´hectares en 1795, ne connaissent pas le même développement : tandis que la culture de l´avoine en lien avec l´élevage des chevaux augmente, celle du sarrasin est divisée par dix en 1940. Même phénomène pour le seigle et le blé : la culture du blé va s´étendre au détriment du seigle qui n´est plus cultivé en 1940. Au 19e siècle, la construction du canal de Nantes à Brest va permettre de transporter les sables calcaires des bords de mer à l´intérieur des terres afin d´amender les sols et d´augmenter les revenus des paysans. La chaux fournie par la carrière du Poull Du en Saint-Ségal complètera cet apport. Les terres du Goulig, marécageuses avant la construction du chemin de halage, deviennent de riches prairies irriguées, fournissant du foin en abondance.
Si la pomme de terre est déjà cultivée en 1799 à Saint-Ségal, c´est au début du 20e siècle que sa culture prend de l´ampleur et aboutit, en 1926, à la création d´un « Syndicat des producteurs de plants de pommes de terre de la région de Châteaulin », à l´origine d´une pomme de terre de sélection qui a fait la richesse de nombreux agriculteurs jusque dans les années 1950. De grandes maisons cossues des années 1930 et 1940 comme de celles de Kerbriant, Kerveur et Campoul témoignent de cet enrichissement.
L´élevage, notamment celui des chevaux, a également fait la renommée de Saint-Ségal de la deuxième moitié du 19e siècle jusqu´aux années 1950. Les anciennes écuries et étables témoignent de cette activité, en particulier à Saint-Sébastien, Kerascoët, Traon Izella, Kerdraon, Ty Douar. Le nombre de 549 chevaux est signalé en 1930. La ferme de Traon Izella entretient jusqu´en 1914, une douzaine de chevaux de trait qui servent uniquement à l´activité de halage des bateaux. La commune compte deux écuries de reproducteurs réputés à Kerascoët dès les années 1870, puis à Ty Douar à partir de 1900, écurie de chevaux de trait de renommée nationale.
La carte de localisation des édifices recensés montre des implantations plus nombreuses dans la partie ouest de la commune correspondant à la zone fertile du Goulid. La partie est, le Gorred, plus élevée est aussi moins riche et moins peuplée.
Des résultats observés, et plus particulièrement des chronogrammes, se dégagent plusieurs tendances situant le corpus des constructions rurales dans une chronologie allant du début du 18e siècle aux années 1940. On constate la quasi absence de témoins antérieurs au 18e siècle, bien que les travaux historiques révèlent une occupation généralisée des sites dès le 15e ou 16e siècle, surtout par des manoirs, moulins et métairies nobles (Kerbriant, Toul ar C´ham, Les Salles, Lezaon, Kergadalen).
COMPOSITION D'ENSEMBLE.
Les habitations sont isolées ou regroupées au sein de petits hameaux composés de deux à six fermes ou anciennes fermes. Chacune dispose de dépendances et donnent sur des espaces semi-ouverts ou des voies de passage. A quelques rares exceptions, les dépendances sont dissociées du logis et se situent autour d´une cour ou en alignement de l´habitation.
Seulement cinq PUITS et cinq FOURS ou FOURNILS ont été localisés (repérage non exhaustif) bien qu´il en ait existé autrefois dans chaque hameau ou chaque ferme comme cela est figuré le cadastre ancien.
Les POELES A CREPES, présents dans de nombreuses fermes dans la seconde moitié du 19e et au début du 20e siècles, ont presque tous disparus faute d´usage. Ces massifs en pierre jouxtant la cheminée étaient souvent aménagés dans de petits bâtiments à fonctions multiples. Le seul exemple en place localisé (repérage non exhaustif), bien que partiellement ruiné, se trouve dans la ferme de Penfrat an Traon. La tradition orale permet cependant de se faire une idée de leur importance.
Les LAITERIES abritaient l'écrémeuse, la baratte et parfois le poêle à crêpes : en appentis postérieur ou latéral au logis (Cosquérou, Coscammec) ; jumelée avec le logis (Lezaon) ou abritée dans un bâtiment annexe construit en alignement de l´habitation (Penfrat an Traon).
L´omniprésence et le volume des ETABLES et des ECURIES montrent l´importance de l´élevage dans ce secteur, notamment à partir du 3e quart du 19e siècle et au début du 20e. Des exemples particulièrement représentatifs se trouvent à Saint-Sébastien, Traon Izella, Kerascoët, Ty Douar, Lanveur, Campoul, Penfrat an Traon, Penfrat an Trec´h, Kergadalen, Kerbleiben, Kerdraon, Lanziou.
Une bonne vingtaine de GRANGES et de REMISES, toutes du 19e siècle ou du premier quart du 20e siècle, ont été localisées (repérage non exhaustif), utilisées pour le stockage des céréales mais aussi des pommes de terre et du foin. Leur taille et leur nombre reflètent la bonne santé économique de la commune à ces époques. Certains exemples présentent une porte charretière en pignon (Coscammec, Campoul, Lanveur, Kerbleiben), d´autres une porte charretière placée sur la façade. A Ty Raden et Kerbriant, les granges présentent un étage carré et une façade à trois travées semblable à celle des maisons.
MATERIAUX ET MISES EN OEUVRE.
Omniprésent sur la totalité du sous-sol communal, les schistes ardoisiers de Châteaulin sont, toutes époques confondues, prédominants dans les constructions rurales. Impropres à être débité en longues lames ou en pierre de taille, leur mise en oeuvre est le plus souvent en petits moellons plus ou moins irréguliers, sans chaînages d´angle. A Pontréal, au nord de la commune, une carrière est exploitée à ciel ouvert autour de 1840, comme celles de Guily-Glas (commune de Port-Launay), mais elle est vite abandonnée après les années 1870 en raison de sa position excentrée par rapport au canal. Une partie des constructions les plus anciennes présentent des linteaux de fenêtres et de portes en bois (Campoul, Pontréal, au bourg, Lanveur, Ty Raden, Kerzunou Huella, Penhoaden). Faute d´un linteau en pierre, les dates sont parfois sculptées sur une pierre de granite insérée dans la maçonnerie (Ty Raden 1737, Kerzunou Huella 1738). Cependant sur les édifices les plus soignés, on trouve des linteaux et des pierres d´encadrement en granite provenant pour partie de Locronan ou en grès schisteux d´extraction locale (Ar Groas Ven 1721, Kerveur 1734, 1780, Campoul 1798, Lanziou 1820). A partir de la seconde moitié du 19e siècle, des enduits commencent à être posés sur les murs des logis afin d´unifier les façades et de dissimuler les maçonnerie en petits moellons irréguliers. Ces enduits mettent en valeur les encadrements des baies, les chaînes d´angle, les bandeaux, les corniches en granite ou en kersantite de ces nouvelles maisons inspirées des modèles urbains.
STRUCTURES ET ELEVATIONS.
Avec l´essor économique qu´a connu Saint-Ségal à partir du milieu du 19e siècle, l´habitat a été presque totalement renouvelé, largement inspiré des modèles urbains alors en vigueur dans toute la France. Les fermes qui sont antérieures à cette période sont rares.
Les maisons de type ternaire. Avec 42 occurences, le type dominant dit logis de type ternaire présente un étage carré, trois travées et un plan symétrique avec couloir central au fond duquel est logé un escalier tournant. Il se traduit par une nouvelle organisation de l´espace domestique et montre une recherche évidente de modernité. Les exemples les plus cossus présentent une façade à quatre ou cinq travées, un plan double en profondeur et une double orientation (Pen ar Menez, Kerascoët, Coscammec). Les parties agricoles sont rejetées dans d´autres bâtiments en alignement du logis, perpendiculaires ou un peu à l´écart. Dans tous les cas, le logis est indépendant, à seul usage d´habitation : l´espace dévolu à l´habitat ne cohabite pas avec ceux attribués aux activités agricoles.
L'habitat mixte. Sur certains logis antérieurs à 1850, l'ordonnance régulière de la façade fait illusion sur l'utilisation réelle de l'espace intérieur (Ar Groas Ven 1721, Lanveur, Campoul 1798, Lanziou 1820). A Lanveur et à Ar Groas Ven, la disposition des baies sur la façade arrière indique qu´il s´agit d´habitats mixtes se différenciant du logis indépendant par la cohabitation des hommes et du bétail sous le même toit : l´étable et la salle réunies dans un même volume sont surmontées d´un comble à usage mixte chambre/grenier accessible par un escalier extérieur. Cette catégorie d´habitat très peu représentée aujourd´hui l´était peut-être davantage jusque dans la première moitié du 19e siècle.
Les logis à avancée. Comme l´habitat mixte, les logis à avancée ont également disparu à quelques exceptions près. L´aire d´extension de ces logis semble cependant atteindre ici sa limite occidentale. Kerzunou, Campoul, Penhoaden et Ty Raden conservent des exemples de ce type qui se caractérise par un avant-corps de faible largeur placé sur la façade principale pour abriter la table et les bancs. L´avancée peut être en rez-de-chaussée couverte en appentis (Campoul), à comble à surcroît (Penhoaden) ou à haut comble à surcroît (Kerzunou) couverts en bâtière. Ces variantes confèrent aux édifices des morphologies très diversifiées. La présence de deux avancées sur l´élévation principale à Kerzunou correspond à un ajout tardif. A Ty Raden, l´emplacement en façade postérieure semble correspondre à une modification tardive pour abriter un nouvel escalier en retour. Le logis à avancée connaît un regain d´intérêt dans les années 1930 ; en témoignent les maisons construites à Kerveur et Kerbriant grâce aux fortunes faites avec la pommes de terre de sélection.
Les maisons de plan massé à étage. Avec trois exemplaires (Ty Raden 1721, Pontréal, Lanziou) le type est peu représentatif. A Ty Raden, le logis avec chambre haute pourvue d´une cheminée, accessible par un escalier extérieur place cet exemple parmi les logis de notables ruraux, peut-être celui d´un prêtre.
COUVERTURES.
Les couvertures végétales (genêts, chaume) étaient étaient très répandues, notamment sur les dépendances. Les photos du pré-inventaire de 1968 montrent encore quelques exemples de toitures en chaume à Lezaon, Saint-Sébastien, Toul ar C´ham. Le remplacement du chaume par l´ardoise, le fibrociment ou la tôle est devenu majoritaire pour les bâtiments annexes ou ceux qui attendent une réhabilitation. Les maisons construites à partir de la seconde moitié du 19e siècle ont en revanche toujours été couvertes en ardoise.
CONCLUSION.
Les maisons rurales de Saint-Ségal antérieures au milieu du 19e siècle sont peu fréquentes. La forte récurrence des maisons de type ternaire, les trois quarts du corpus repéré, témoigne, entre la deuxième moitié du 19e siècle et le 1er quart du 20e siècle, d´une « mode » architecturale commune à toute la France, adoptée massivement par une paysannerie aisée soucieuse de modernité. Cette architecture standardisée présente un intérêt patrimonial, témoin matériel de la révolution agricole particulièrement sensible à Saint-Ségal.
Les hameaux de Campoul, Coscammec, Penn ar Menez, Ar Groas Ven, Lanveur, Lanziou, conservent des réalisations marquantes de l´architecture rurale de la commune.