Sur le territoire des communes riveraines du canal entre Malestroit et Redon, la Cour de Launay est un des rares manoirs remontant au 15e siècle, à avoir conservé ses dispositions d’origine.
Le terme de « Cour », associé ici au toponyme Launay - lieu planté d’aulnes -, désigne en Bretagne un lieu noble. Dès 1427, dans la Réformation de la noblesse (recensement des nobles), le manoir, déclaré ancien, n’est plus habité par les propriétaires, enfants d’Olivier Le Bilou : on y mentionne « Maître Guillaume Leset, maître des écoles du Pont d’Oust », dont la présence est peut-être liée à l’établissement hospitalier du Pont d’Oust, dépendant du Temple de Carentoir.
Le manoir passe à la fin du 15e siècle à la puissante famille de Castellan, seigneur de Saint-Martin : c’est sans doute à cette époque qu’il est déclassé en ferme, se fossilisant partiellement dans sa forme ancienne : en 1666, la Réformation de la noblesse mentionne la « métairie dépendant de la terre de Launay ».
Parfaitement homogène, le manoir est aujourd’hui de dimensions modestes, en raison d’une ruine partielle : il manque la partie nord, ainsi que l’étage du logis, qui était peut-être directement ouvert sous la charpente.
Le plan d'origine, en T renversé, est fréquent dans les manoirs du 15e siècle. Par la porte d’entrée, on pénètre dans une vaste salle, divisée au cours du 18e siècle. De cette salle éclairée par une unique grande fenêtre à croisée garnie de coussièges, on accède à la tour d’escalier par une porte dont le linteau repose sur des coussinets, dans la tradition du 15e siècle. Une cheminée monumentale orne le mur-pignon nord de la salle : à sa gauche, une porte obturée débouchait dans la partie disparue, sans doute la cuisine. L’aile en retour, à l’ouest, abrite le cellier, aéré d’un simple jour comme il convient à un cellier et accessible lui aussi par une porte du modèle que celle de l'escalier.
L’étage comprenait plusieurs chambres : avec l’abaissement du toit, celles du corps principal ne sont plus que vestiges, mais les portes jumelées sur le palier de l’escalier montrent la division de l’espace en deux chambres dont on devine les coussièges de trois fenêtres. De la large cheminée sur le mur-pignon nord - si elle a été terminée -, ne subsistent que les piédroits adossés.
À l'ouest, la chambre au-dessus du cellier est la mieux conservée ; sa charpente apparente en berceau, une charpente armoricaine, est blasonnée d’un écu lisse autrefois peint des armes de la famille. Il ne reste que des vestiges de sa cheminée, dont les minces lames de schiste formant consoles saillent fortement sur le mur extérieur - un caractère commun aux cheminées de schiste du secteur. Ce petit espace confortable et soigné est aujourd’hui inaccessible, si ce n'est par sa fenêtre à coussiège : la porte, donnant dans la chambre sud a été bouchée à une époque inconnue.
Le manoir est construit en « pierre du pays », un très beau schiste gris bleu dont les qualités plastiques indéniables alliées au savoir-faire des maîtres maçons ont favorisé la confection de blocs en pierre de taille spectaculaires, tels que le linteau de la cheminée de la salle, les marches portant-noyau de l’escalier ou l’arc de la porte d’entrée.
Malgré des dimensions qui, quels qu’en soient le projet et le stade de sa réalisation, ne furent jamais conséquentes, le manoir de Launay dont les dépendances ont disparu, est un bon exemple de l’habitat de la petite noblesse locale. L’espace limité (à l’exception de celui de la salle) est compensé par la qualité de la réalisation, l’absence de décor étant révélateur de la période de construction. L’accent est mis sur l’imposante tour d’escalier, volontairement mise en évidence sur la façade plutôt que dans l’angle des deux corps, ce qui aurait pourtant facilité la distribution de la chambre haute.
Les nouveaux propriétaires de la Cour de Launay ont décidé de redonner au manoir son éclat d’autrefois et de le restaurer dans les règles de l’art. Il est possible de suivre la progression du chantier sur : www.courdelaunay.com.
Chargée d'études à l'Inventaire