Dossier collectif IA22132900 | Réalisé par
  • inventaire topographique, Communauté de communes du Haut Trégor
Les manoirs sur la commune de Pommerit-Jaudy (fusionnée en La Roche-Jaudy en 2019)
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  • (c) Archives départementales des Côtes-d'Armor

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    manoir
  • Aires d'études
    Schéma de cohérence territoriale du Trégor
  • Adresse
    • Commune : Pommerit-Jaudy

Une forte densité de manoirs sur le territoire paroissial

Pommerit-Jaudy compte treize anciens lieux nobles ayant conservé des éléments d'architecture parmi lesquels huit ont été sélectionnés pour étude : Kersaliou, Kermézen, Rocumelin, Le Cosquer, Kericuff, Chef du Bois, Keressé, Lillois. Cette densité assez importante de seigneuries dans la paroisse de Pommerit-Jaudy (cf. carte de localisation des manoirs) est liée, d'une part, à la proximité de La Roche-Derrien, centre de pouvoir ducal et cité commerçante, d'autre part, à l'attraction de Tréguier, cité épiscopale située à 8 kilomètres. Ces deux villes offrent des possibilités de ravitaillement et d'échanges tout en permettant aux seigneurs de rester proches de leurs terres. Elles permettent également à certains d'entre eux d'avoir des offices liés au fonctionnement de l'évêché et de la cité ducale avant la destruction définitive de la place forte (1420). Au 15e siècle, avec le développement urbain et marchand de ces cités, les lieux nobles se multiplient à Pommerit-jaudy. En 1481, à la "montre" (réunion de tous les hommes d'armes) de Tréguier, 17 nobles sont comptabilisés dont l'écart des revenus révèle la diversité des réalités économiques (de 400 livres à 5 livres). Ces diversités de fortune se traduisent dans l'architecture manoriale.

De nombreuses traces de cette occupation seigneuriale dans le paysage rural

Justice et fourches patibulaires

La plus puissante d'entre ces seigneuries est celle de Kersaliou qui est aussi la plus ancienne (fin 14e siècle), dans la mouvance de la châtellenie de La Roche-Derrien. Son droit de haute justice s'exerce dans l'auditoire de La Roche-Derrien, en la chapelle Saint-Eutrope que les seigneurs de Kersaliou font construire au 13e siècle avec l'hôpital adjacent. Ce droit de haute justice se traduit matériellement par les fourches patibulaires à quatre "posts", installées à "Park-ar-Justis" au sommet d'une colline, face à La Roche-Derrien. Il subsiste aujourd'hui encore, au lieu dit Justisso, des éléments de colonnes de ces "posts" ainsi que dans les fermes avoisinantes. Avec Kersaliou, seul Chef du Bois possède un droit de haute justice qui s'exerce également dans l'auditoire de La Roche-Derrien comme les droits de moyenne et basse justice d'une grande partie des seigneurs de la paroisse de Pommerit-Jaudy.

Mottes castrales, manoirs, métairies et convenants

Les mottes castrales de Coat Névénez, de Pen Bizien et de Chef du Bois, encore perceptibles dans le paysage rural ou sur le cadastre ancien, témoignent de l'occupation médiévale des lieux dès les 11e et 12e siècles. Les manoirs qui ont succédé à ces mottes se sont installés à proximité sans les détruire afin de prouver l'ancienneté de la seigneurie. Ces traces attestent de la permanence de l'occupation des sites seigneuriaux sur plusieurs siècles.

Parmi les lieux nobles, seuls quatre seigneuries ont conservé leur manoir ou construit un nouveau château à l'emplacement de l'ancien logis manorial (Kersaliou, Kermézen, Le Cosquer, Chef du Bois), les autres, déclassés en fermes ont été reconstruits entre la fin du 18e siècle et le 3e quart du 19e siècle (1774-1857) en conservant des éléments anciens (grange, cheminées, escalier, façade arrière, métairie de la porte, colombier...) qui attestent l'ancienneté et le statut des lieux. Les types sont variés en fonction de l'époque de construction et du statut du commanditaire : logis-porte (Kersaliou) ; manoir à plan dit "en T renversé" (Le Cosquer) ; manoir à plan en L (Kermezen)...

Les métairies nobles, exemptes d'impôt, sont construites à proximité des manoirs ou dans ses environs proches pour assurer la mise en valeur des terres agricoles. Elles participent également de cette organisation du territoire depuis l'époque médiévale. Leur haute silhouette s'inspire de celle des manoirs, reconnaissable dans le paysage rural au même titre que celles des manoirs : logis à étage avec tour d'escalier plus ou moins saillante (Ty Glaz Braz, Kermenguy, métairie de la porte à Kericuff...) ou sans tour (Lanvéac, Kerébers). Le fait d'habiter l'étage et de mettre l'accent sur les pièces hautes suffit à se démarquer dans le paysage rural.

La présence de nombreux "Convenants" dans la toponymie (Convenant des îles, convenant Person, Convenant Lescop, Convenant mabo, Convenant Charles, Convenant Sivy, Convenant Gélard...) témoigne également de l'emprise seigneuriale sur le territoire paroissial. Ces convenants sont des baux ruraux d'un type fréquent dans le Trégor, passés entre le propriétaire terrien (le seigneur) et l'exploitant agricole : le seigneur cède la propriété des "superfices" (ce que l'exploitant plante et construit), moyennant un fermage annuel, mais reste propriétaire du fond. En cas de départ de l'exploitant, le propriétaire reprend possession de l'ensemble en échange du versement d'une indemnité. Ce système semble avoir été avantageux pour les convenanciers comme l'atteste la qualité des vestiges anciens et les reconstructions in situ aux 18e et 19e siècles. Ces convenanciers enrichis rachètent les droits de leurs terres dès avant la Révolution et font reconstruire leur ferme, véritables modèles pour l'architecture rurale.

Bibliographie

  • PRIZIAC, Michel. Pommerit-Jaudy. Histoire et toponymie. Kidour Editions, 2012

  • LE FELL, Georges et Marie-Louise. La Roche-Derrien de nos jours aux origines. Presses de Roudenn Grafik, Guingamp, 2012.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel)
  • COLLECTIF. Le manoir en Bretagne : 1380-1600. Paris, Monum, Cahiers de l´Inventaire, Imprimerie nationale Editions, Inventaire général, 1993, 348 p.

Documents figurés

  • Fonds du cadastre ancien. Tableau d'assemblage et plans parcellaires de la commune de Pommerit-Jaudy, 1835

    Archives départementales des Côtes-d'Armor : série 3 P 247
  • Série Fi. Documents figurés. Fonds Frotier de La Messelière

    Archives départementales des Côtes-d'Armor : Fi
Date(s) d'enquête : 2015; Date(s) de rédaction : 2015