Spécifité des Côtes d'Armor, les blandieries - terme local qui signifie blanchisseries, et qui sont aussi parfois appelées blandiries, buanderies, blanchiries ... - étaient du XVIIIe au XIXe siècle des lieux de blanchiment des toiles dites Bretagnes. A cette époque, d'autres méthodes étaient utilisées pour blanchir le lin comme le montrent les kanndi, maisons buandières, qui étaient implantées dans le Finistère nord et où le fil était directement blanchi dans des cuves. Dans l'échêvé de Saint-Brieuc on envoyait alors "au blanc" les balles de toiles.
L'implantation des blandieries
Les quelques blandieries attestées aujourd'hui ne permettent pas de se rendre compte de l'importance qu'elles ont eu autrefois, bien ancrées dans la vie quotidienne.
Jean Martin affirme qu'il en a existé plus de 220 entre 1730 et 1840, majoritairement situées autour des villages du Quillio (42 blandieries), de Merléac (27) et de Saint-Thélo (21), à la limite de l'arrondissement de Saint-Brieuc et du Centre Bretagne. En 1751, l'inspecteur des Manufactures de Bretagne Antoine de Coisy compte 117 blanchisseries, tandis que l'historien François-Marie-Guillaume Habasque n'en répertorie plus que 52 dans le premier tiers du XIXe siècle. Cette décadence correspond bien au déclin que subissent les manufactures des toiles dites Bretagnes à partir de la moitié du siècle.
Dans l'ensemble, l'origine des blandieries est à rechercher dans l'activité marchande toilière du territoire : "Au Quillio, pour vingt-huit établissements dont les noms des propriétaires sont connus, vingt-et-un étaient entre les mains des Ollitrault, Ollitrault-Kermarec, Ollitrault-Dureste, Ollitrault-Keryvalan, Glais-Bizon, Du Couédic du Cosquer, Fraboulet, Colin-Questenguy, Le Déist de Botidoux. Les propriétaires sont principalement des marchands de toile ou bien des marchands qui ont accédé à la noblesse, et il arrive qu'une famille possède plusieurs blandieries à la fois ; peu de nobles sont quant à eux propriétaires.
Les blanchisseurs sont alors à rapprocher des fermiers : ce sont des locataires. Quasiment tous les membres d'une même famille de blanchisseurs participaient à l'activité. Ils pouvaient être blanchisseurs et agriculteurs ou simplement blanchisseurs pour les plus modestes d'entre eux.
Architecture
Les blandieries sont généralement pourvues de plusieurs éléments : un à trois doués (lavoir), une source qui alimente ces doués, un bâti avec une cheminée, et des étendoués (séchoirs à l'air libre). Cependant, il en existe différents types des typologies suivant les propriétés qui ont été relevées dans les archives par Jean Martin.
- Blanchisserie-métairie
"L'exemple de La Ville Auray (Lanfains) [...] est le type même d'une activité artisanale qui est venue se greffer sur l'activité rurale préexistante. Cette association procurait au propriétaire des lieux un accroissement de revenus." C'est le type de blandieries la plus importante en terme de surface, elle pouvait dépasser la dizaine d'hectares.
ex : Bras d'Argent (Saint-Brandan), La Prise SImon (Lanfains) et La Noerenan (Le Foeil).
- Blanchisserie-borderie
Le type que l'on retrouve le plus dans les archives et qui semble être au plus grand nombre est la blandierie qui est aussi borderie, et qui s'étendait sur moins de trois hectares.
"Dans le cas de La Baillée (Merléac), les édifices se composaient d'une maison et d'une étable sous couverture de paille, d'une fontaine et de deux doués en pierre de "palisses" [J.Martin : terme local désignant les grandes dalles de schistes utilisées pour réaliser les lavoirs. Ces palisses sont utilisées entre Loudéac et Uzel]. Un sol inculte de près d'un hectare, "l'étendoué", était destiné au séchage des toiles. Seuls quarante-huit ares portaient des labours."
ex : La Crolais (Lanfains), Le Cosquer (Le Quillio) et Les Sarrazins (Le Foeil).
- Blanchisserie avec doués communs de la ville
De même que les paysans n'étaient pas toujours propriétaires de terres labourables, de même un petit nombre de blanchisseurs sans doués ont pu être retrouvés. Il utilisaient alors des doués communs construits après une autorisation seigneuriale.
ex : Bois-de-Saint-Morice (Le Quillio).
Technique de blanchiment
- La trempe : les toiles sont trempées à leur réception dans de grandes cuves pendant trois à quatre jours dans un mélange d'eau, de farine de seigle ou de blé noir.
- Lavage dans les doués : elles sont plusieurs fois lavées puis battues avec des battoirs de buis, et placées sur l'étendoir. L'opération se renouvelle pendant deux ou trois jours.
- Lessivage : les toiles séchées sont empilées dans les cuveaux avec un sac rempli de cendre de bois placé à son sommet (la charrée). En même temps, on fait bouillir de l'eau de chaux qui est déversée sur le sac afin de favoriser le lessivage.
- Lavages dans les doués et autres lessivages.
- L'empois : la pièce de toile est plongée dans de grands bassins en cuivre contenant un mélange d'amidon et de bleu ou d'azur, puis elle est séchée.