Avec la montée en puissance du pouvoir royal sous Louis XIV vient la nécessité de fortifier le littoral breton et notamment les ports de Saint-Malo, Morlaix, Brest, Port-Louis et Lorient pour les mettre à l’abri des insultes de l’ennemi. Il faut également protéger les petits ports de commerce bretons. De 1689 à 1815, la France est presque continuellement en guerre avec l’Angleterre, certains historiens ayant ainsi parlé de "Seconde guerre de 100 ans" en référence à la première guerre de Cent Ans qui a opposé l'Angleterre à la France.
Vauban inspecte les côtes de Bretagne à six reprises de 1683 à 1699. Le guet de la mer s’organise ; de petits édifices en pierre se dressent partout sur la côte aux points sensibles : simples corps de garde d’observation reliés aux autres par des mâts de signaux, ils peuvent aussi constituer des ensembles fortifiés comprenant : retranchements défensifs, corps de garde, guérites, magasins à poudre et batteries de côte dont les canons sont censés éviter un débarquement de la Royal Navy et protéger des corsaires les navires au mouillage... Dès la fin du 17e siècle, la baie de Morlaix est ainsi dotée d’un véritable système défensif : les forts de Bloscon et du Taureau, les batteries de canons des îles de Sieck, Batz, Sainte-Anne, Callot, des pointes de Perrohen, Saint-Samson et Primel, dissuadent les ennemis de tenter toute action.
Sur la côte nord, de Morlaix à Brest, les ingénieurs militaires ont l'habitude d’écrire que les côtes se défendent d'elles-mêmes de par la présence de nombreux rochers et de courants forts. La capitainerie de Saint-Pol-de Léon couvre le littoral de la Rivière de Morlaix à l'est, à Plouescat à l'ouest. Après Plouescat commence, vers l'ouest, la capitainerie de l'Aber Wrac'h dont le verrou est le fort Cézon à Landéda.
Dans la paroisse de Plouescat, on trouvait sur le littoral, d'est en ouest, les éléments défensifs suivants :
- l'ensemble fortifié de Saint-Eden dit également de Cam Louis. Ce dernier était composé d'une batterie de côte (située sur la pointe ouest de l'anse de Cam Louis), d'un corps de garde à Porznéjen, d'un magasin à poudre et d'une seconde batterie de côte (3 canons en 1793). Selon un état de 1810, la batterie de Saint-Eden est "divisée en deux batteries éloignées de 350 mètres considérée comme une seule batterie en terre gazonnée".
- l'ensemble fortifié de la pointe du Kernic doté d'une batterie de côte (2 canons en 1793), d'un corps de garde, d'un magasin à poudre, d'une guérite et d'un fourneau à rougir les boulets. Aujourd'hui, Il ne subsiste aucun vestige de cet ensemble.
Quoique situé sur le littoral, à l'est de Plouescat, on citera également les corps de garde d'observation des Amiets et de Kerfissien-Lavillo Rocher à Cléder. A l'ouest, le corps de garde de Tréflez dominant la baie de Goulven (propriété privée).
Autrefois entretenus par les paroisses littorales, les corps de garde servaient d’abri aux miliciens garde-côtes qui se réchauffaient devant la cheminée attendant un hypothétique ennemi... Ce sont aussi ces paroisses réunies en capitaineries qui recrutent des milliers d’hommes âgés de 16 à 60 ans qui doivent assurer le guet : les milices garde-côtes commandées par un capitaine. Astreints aux maniements des armes mais somme toute assez inexpérimentés, ces miliciens garde-côtes doivent pouvoir repousser un débarquement en attendant l’arrivée de troupes régulières.
A Plouescat, seul subsiste encore le magasin à poudre de Saint-Eden le long du sentier côtier. Il s'agit d'une petite construction rectangulaire, voûtée, ventilée par deux évents en chicane et autrefois dotée de deux portes comme l'indique la double feuillure (intérieure et extérieure). Il était à l'origine couvert d'un dallage en granite. Ce magasin était destiné au stockage de la poudre à canon en baril.
Il pourrait avoir été construit juste après l'état des batteries et corps de garde des côtes de Bretagne de 1742, c'est à dire pendant la Guerre de Succession d'Autriche (1740-1748). L'armement de 1793 mentionne la présence de canons sur affûts de cote de 18 livres de balle. Ces canons tirent désormais à barbette, c'est à dire directement au-dessus du parapet, ce qui a l’avantage de mieux protéger les servants des pièces. Les nouveaux châssis pivotants évitent d'avoir à repointer les canons après chaque tir. La cadence et la précision des pièces sont également augmentées.
Le magasin à poudre de Saint-Eden est l'un des derniers témoins de la défense des côtes bretonnes au 18e siècle. Il a fait l'objet d'une "cristallisation des maçonneries" en 2004 grâce aux membres de l'association "Sevel Ploueskad" conseillés par le Service territorial de l'architecture et du patrimoine du Finistère. Sa découverte - sur l'actuel chemin côtier (GR 34) - pourrait être favorisée par la mise en place d'une signalétique dédiée à la défense des côtes aux 17e et 18e siècles.
(Guillaume Lécuillier, 2015)
Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.