Milieu naturel et historique
Peu de documents permettent d´entrevoir l´espace rural d´Arzano avant la seconde moitié du 18e siècle. La topographie se lit partiellement sur la carte de Cassini (vers 1770) et surtout sur les premiers relevés cadastraux (1810-1811) qui reflètent encore largement le paysage rural du siècle précédent.
Quant à la toponymie en langue bretonne, elle donne parfois des précisions sur l´environnement du milieu construit ou naturel. Certains lieux-dits font ainsi allusion aux paysages (« Brandérien », colline de Derien ; « Méné Béré », colline élevée), à l´hydrographie (« Talascorn », en face du Scorff), à l´environnement végétal (« Nivinen », bois d´if ; « Keriel », hameau de l´épeautre) ou à la faune (« Stang Ar C´haro », vallée du cerf). D´autres reflètent les étapes du peuplement entre la préhistoire et le Moyen Âge (« Kerharnout », hameau des tas de pierres ; « Kergreff », hameau fortifié ; « Kerhalvé », maison de charpentier).
Le réseau des voies de communication et les structures des hameaux, tels qu´ils apparaissent en 1811, perdurent, pour l´essentiel, au-delà des modifications intervenues dans la seconde moitié du 19e siècle. Dans ce secteur caractérisé par un relief naturel très accidenté, surtout dans la partie nord-ouest (vallée de l´Ellé) et la frange orientale formée par la vallée du Scorff, l´habitat est dispersé en hameaux de dimensions variables. Certains, comme Buzidou, Le Moustoir, Saint-Adrien, Saint-Laurent ou Saint-Durec ont peu évolué depuis le début du 19e siècle, si l´on excepte une densification récente à leurs marges. Même si un grand nombre de constructions a été remplacé in situ, ces hameaux conservent des bâtiments qui comptent parmi les plus anciens encore en place. L´existence d´une chapelle est parfois liée à la formation d´un habitat regroupé. Au sein de ces hameaux, à l´époque de l´activité agricole la plus importante (fin 19e siècle), quatre ou cinq exploitations étaient ainsi regroupées ; ce nombre a constamment diminué depuis une cinquantaine d´années.
Dans ses " Recherches statistiques sur le département du Finistère " publiées en 1837, Armand Duchâtellier signale, pour la commune d´Arzano, un total de 287 maisons d´habitation dont une large majorité, soit 181, était pourvue de deux ouvertures (une porte, une fenêtre), 41 logis avaient trois ouvertures (une porte, deux fenêtres), 10 logis comptaient quatre ouvertures, alors que 18 habitations parmi les plus élémentaires avaient pour unique ouverture la porte.
En 1843, suivant Ogée, sur un total de 3413 hectares, 1006 correspondaient aux terres labourables, 177 aux prés et pâturages, 173 aux bois ; 1873 hectares étaient couverts de landes qui, cultivées, faisaient alors intégralement partie de l´économie rurale. Ces landes seront progressivement défrichées et l´intensification des cultures n´est pas restée sans conséquence sur le renouveau des bâtiments, notamment les communs.
Certaines constructions rurales d´Arzano portent l´empreinte de quatre grands domaines fonciers qui appartenaient à des notables résidant occasionnellement ou en permanence sur place : les Guyonvarc´h au Laz (nord-ouest), les Fichoux à Stang Ar C´haro (nord-est), les Fournas de Botdéru et Mauduit à Kervégan (sud-est), les Kerouallan et Lépineau à Kerlarec (sud-est). Autour de ces domaines, on constate un renouveau des bâtiments dans la seconde moitié du 19e siècle (destructions ou reconstructions près de hameaux ou fermes existantes).
Flanqué de deux pavillons latéraux, le logis sans étage de Brandérien, bâti (ou rebâti) vers 1830 pour un chef d´escadron de gendarmerie, ou encore Keryhuel, propriété des châtelains de Kerlarec, n´étaient pas des exploitations mais des demeures de campagne habitées temporairement par leurs propriétaires.
Quant à la maison d´ouvrier à Nivinen, construit vers 1930 au bord de la route et dépourvue de parties agricoles, elle est l´unique exemple de ce type d´habitat conservé à Arzano.
Parmi une quarantaine d´édifices ou ensembles bâtis recensés par l´Inventaire et parfois traités en dossier « écart », neuf ont fait l'objet d´un dossier individuel.
A travers l´analyse stylistique et morphologique des constructions non datées et les chronogrammes relevés (1741,1782, 1831, 1832, 1835, 1837, 1839, 1845, 1847, 1850, 1851,1860,1883, 1884, 1887, 1889, 1896, 1926) se dessine une famille architecturale qui couvre trois siècles allant de la limite des 16e et 17e siècles (la Villeneuve) à 1926 (bourg, 25-27, rue A. Brizeux), avec des taux de représentation assez faibles pour les 17e et 18e siècles. Puis, à partir de 1850, la progression est sensible, avant d´atteindre, entre 1870 et 1914, un point culminant qui correspond à deux facteurs liés entre eux, l´essor démographique et la modernisation de l´agriculture dans ce secteur situé dans l´orbite de deux villes, Quimperlé et Lorient.
A partir des années 1850, les bâtiments ruraux portent progressivement l´empreinte de modèles standardisés dont l´enseignement agricole, en particulier l´école du Lézardeau à Quimperlé, se fait le relais. La reconstruction d´un nouveau logis, souvent à étage, au détriment de l´ancien déclassé en logement secondaire ou dépendance agricole, est fréquent (Kerharnout, la Villeneuve, Ménébéré).
L´érosion du bâti ancien - désaffectations, dénaturations, disparitions - s´est progressivement accélérée depuis les années 1960, et bon nombre d´anciens bâtiments ruraux ont été transformés en résidences non agricoles.
Composition d´ensemble
Le regroupement de plusieurs unités d´exploitation au sein d´un hameau caractérise l´habitat le plus ancien. En témoignent Saint-Adrien, Saint-Laurent, la Villeneuve ou encore Kerhoël.
Les exploitations sont organisées suivant deux schémas récurrents : bâtiments disposés en alignement - cas le plus fréquent - et bâtiments disposés autour d'une cour plus ou moins régulière en L ou en U. Les formes d´alignement vont de la simple association d´un logis et d´une étable aux alignements associant plusieurs logis, étables et remises rajoutées au fil du temps (Kerhoël, Keriel).
Les dépendances , en raison de l´évolution des modes de cultures et des affectations successives, sont trop peu nombreuses pour appréhender les structures et les fonctions d´origine. Certaines remises se distinguent par des particularités architecturales, soit la présence d'un toit à croupe coiffant le pignon d´accès (Buzidou), soit des portes plus ou moins grandes placées en pignon (Feunteuniou, Kerbonalec), ce qui correspond à des manières de construire également observées dans la haute vallée du Scorff.
Des fours à pain, individuels ou à usage commun et élevés à distance des habitations, faisaient partie de chaque ferme ou hameau. Des exemplaires ont été localisés à Poulbreign, Ar Porc´h, Kerigouarc´h (repérage non exhaustif).
A l´instar des autres communes du canton, des environs de Quimperlé et du Morbihan voisin, des petites porcheries de plan circulaire, à l´origine couvertes de chaume, existaient à Arzano ; un exemplaire, fortement remanié, a été localisé à Coat Sapin, deux autres, ruinés, à Kerhoël et au Cosquer. Un certain nombre d´édifices circulaires de petites dimensions figurent sur le cadastre de 1811, mais il est difficile de savoir s´il s´agit de porcheries ou de fours à pain.
L´existence d´un puits par ferme est la règle, même au niveau d´un habitat regroupé où le puits à usage commun reste l´exception. Les puits de Kergreff, Kerangoarec, Botvé, la Villeneuve, Buzidou, Botlan, Bonalo, Saint-Durec, du Moustoir, Kerhoël et du Cleuziou sont toujours en place. Ils sont majoritairement de structure circulaire, qui, conformément à une typologie récurrente du secteur, désigne aussi les exemplaires les plus anciens ; les margelles monolithes sont soit en granite, soit en schiste. Les superstructures, en pierre, portent parfois, sur la traverse, la date et un décor à boules, une croix ou un décor sculpté ; celui de Buzido est particulièrement soigné.
Des chronogrammes ont été relevés sur les puits de Botvé (1847), Buzidou (1782), Buzido (1883), Kerhoël (1851), la
Villeneuve (1837), le Cleuziou (1832).
Matériaux
Le recours au granite et au schiste d´extraction locale est majoritaire pour l´ensemble des constructions rurales. Si l´appareil peut être mixte, les encadrements des baies sont toujours en granite. Une mise en oeuvre de moellons de schiste soignée s´observe, entre autres, sur une grange à Feunteuniou bâtie au 17e ou 18e siècle. Quant aux façades des réalisations les plus tardives, et notamment à partir de 1850 (Ar Porc´h, Feunteuniou, Keriel), elles sont couvertes d´un enduit dont la suppression, dans le cadre d´une réhabilitation, est à déplorer ; elle entraîne la mise à nu d´un gros oeuvre de moindre qualité qui était destiné, comme le montrent les encadrements des baies légèrement saillants et laissés sous le coup de l´outil, à recevoir un enduit (Kerhalvé, Nivinen).
Les couvertures végétales traditionnelles, très répandues et encore largement présentes jusqu´à une époque récente, ont disparu ; seul un logis à Saint-Laurent, bien que provisoirement couvert d´un toit en tôle, garde en 2004 des vestiges d´un toit en chaume. Un grand nombre de bâtiments porte, sur les pignons, les traces de transformations intervenues lors du remplacement des anciennes toitures en chaume et du rehaussement du volume des combles. Parfois, la tuile mécanique a remplacé le chaume (Ménébéré, Petit Saint-Adrien).
Elévations, distributions intérieures et typologie
Le classement en deux grandes catégories, « l´habitat mixte », caractérisé par la cohabitation des hommes et du bétail sous le même toit ou associée au sein d´un alignement, et le « logis indépendant », défini par l´absence de la cohabitation entre hommes et animaux, peut être appliqué au territoire d´Arzano où la seconde catégorie arrive largement en tête.
« L´habitat mixte » est encore décelable au Cleuziou, à Coat Sapin, Cosquer, Kergoutine, Ménébéré, Kerhoël ou Saint-Laurent. Le « logis indépendant », c´est-à-dire dissocié des parties agricoles, représente une catégorie très répandue dans ce secteur et correspond généralement à des réalisations plus récentes. On peut distinguer deux variantes, le logis sans étage et le logis à étage, souvent à trois travées. Dans le premier cas, la présence d´une lucarne centrale en forme de pignon (Keriel, la Garenne, Nivinen), en rompant avec les formules traditionnelles, dénote l'influence des réalisations urbaines et des modèles proposés par des entrepreneurs de maçonnerie entre 1900 et 1930.
Les intérieurs, non vus systématiquement, ont subi de telles modifications que, dans bien des cas, les dispositifs d´origine ne sont plus lisibles. Les éléments d´origine encore en place sont rares, mis à part les cheminées dont les linteaux et les corbelets sont généralement en bois (Kerharnout, Ar Porc´h) ; traversant le pignon, ces corbelets sont souvent protégés par un larmier en pierre.
Conclusion
L´habitat rural de la commune d´Arzano reflète en grande partie les traits architecturaux spécifiques de la région de Quimperlé. La prospérité rurale du 19e siècle entraîne des transformations profondes du bâti existant qui doit s´adapter aux nouvelles formes de cultures et d´élevage, alors que la construction de nouveaux logis d´allure urbaine s´intensifie. Dans ce cadre de renouveau agricole du 19e siècle s´inscrit aussi la ferme « rationnelle » de Kerlarec, la seule de ce type répertoriée dans ce secteur ; bien que modifiée, il s´agit d´une réalisation intéressante conçue suivant un plan qui marque une rupture avec les constructions rurales issues de la tradition architecturale locale.