CONDITIONS DE L´ENQUÊTE.
L´enquête de terrain a été réalisée en 2008, en intégrant quelques éléments recueillis en 1969 lors d´un pré-inventaire succinct.
Ce dossier collectif vise deux objectifs : appréhender une « famille » d'édifices représentés en grand nombre et dégager les caractères communs ou spécifiques à cette famille. Reflétant une sélection raisonnée sous forme d´échantillonnage, certains éléments, jugés représentatifs et pas ou peu dénaturés, ont été traités en dossiers individuels.
Environ 65 édifices sur un total de 316 immeubles (chiffres INSEE 1999), soit environ 20 % du bâti, ont été répertoriés. Au sein de ce corpus, 12 oeuvres (édifices individuels ou hameaux entiers) ont fait l'objet d'un dossier individuel alors que 53, simplement repérées, ont été systématiquement illustrées, soit dans un dossier « hameau », soit à la suite de ces observations générales.
Au sein de certains hameaux, entités spatiales ou historiques cohérentes et significatives, plusieurs édifices ou ensembles d´édifices ont pu être retenus.
Les maisons situées au chef-lieu de commune, en raison de leurs spécificités ou leur caractère tardif ou répétitif, n'ont pas été traitées ici ; les observations les concernant ont été intégrées dans le dossier « bourg ».
La synthèse qui suit concerne uniquement l'habitat rural proprement dit, c'est-à-dire les maisons et fermes isolées ou situées en écart ainsi que des hameaux entiers lorsque aucun élément ne méritait, à cause des remaniements successifs, un traitement spécifique.
CONTEXTE HISTORIQUE ET ÉCONOMIQUE.
La topographie du secteur apparaît partiellement sur la carte de Cassini (vers 1770) ainsi que sur les premiers relevés cadastraux de 1813 qui reflètent encore largement le parcellaire et le bâti des siècles précédents. Le réseau des voies de communication et les structures des hameaux, en place en 1813, ont perduré pour l´essentiel. Certains tracés de chemins ont été abandonnés ou modifiés depuis le milieu du 19e siècle, surtout après le détachement de Loqueffret, en 1884 : au sud, en traversant la rivière de l´Ellez, entre Cosforn et Kermarc (Loqueffret), Nestavel et Forc´han (Loqueffret), Kerflaconnier et Kerguévenou (Loqueffret), tout comme autour de Kerrannou, au sud-est ou entre entre Kervéguénet et Botbihan (La Feuillée) au nord ou Leintan et Kerelcun (La Feuillée) au nord-est.
Les chiffres avancés par Ogée en 1843 relatifs aux terres labourables, prés, pâturages, bois et landes concernent la totalité du territoire de Loqueffret dont Brennilis, non traité individuellement, faisait alors partie. Toutefois, les landes et les marais (tourbières) étaient, et sont toujours, prédominants dans la moitié ouest du territoire communal alors que la partie est se prête davantage à la culture et à l´élevage.
En 1906, la population de Brennilis atteint, avec 1142 habitants, son niveau le plus élevé, fait en rapport direct avec la construction ou reconstruction partielle de l´habitat rural (Ploénez, Keriou, Kerflaconnier, Kermorvan, Kerrolland).
La carte de localisation des édifices recensés montre des implantations nettement plus nombreuses dans la frange centrale et orientale de la commune alors que l´ouest correspondant aux landes et aux marais, est dépourvu d´habitat.
Des résultats observés, et plus particulièrement des chronogrammes, se dégagent plusieurs tendances situant le corpus des constructions rurales dans une chronologie allant du premier quart du 17e siècle (Ploénez, 1622) aux années 1928. On constate l´absence de témoins antérieurs au 17e siècle, bien que les travaux historiques et des résultats de fouilles révèlent une occupation de certains sites dès le 11e siècle (Karaes Vihan), et surtout dès les 15e ou 16e siècles pour les métairies nobles (Kerrannou).
Une partie du bâti ancien a connu, suite à la déprise agricole à partir des années 1960, un délaissement progressif suivi de réhabilitations ponctuelles. Entre la perte d´un patrimoine vernaculaire intéressant et sa réhabilitation, les réalités sont multiples : on assiste aussi bien à des disparitions (Cosforn, Keriou), à une érosion forte pouvant aboutir à court terme à des disparitions (Nestavel Bihan, Kergaradec, Kerhornou, Kervéguénet, Ploénez) ou encore à des réhabilitations (Leintan).
LES COMMANDITAIRES.
Certaines implantations médiévales, parfois disparues comme Karhaes Vihan, reposent sur l´initiative de seigneurs ecclésiastiques comme les cisterciens du Relec (Plounéour-Ménez) ou les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (La Feuillée). Certaines familles nobles dont les seigneurs du Rusquec (manoir éponyme en Loqueffret) font bâtir des fermes et des métairies qu´ils font exploiter par des fermiers (Kerrannou). Quant aux inscriptions figurant sur les bâtiments et révélant le nom des bâtisseurs, elles sont exceptionnelles ; un seul exemple a été localisé à Kerhornou (Rolland, 1838).
COMPOSITION D´ENSEMBLE.
La majorité des édifices se situe au sein de villages à l'origine composés de plusieurs exploitations agricoles disposant chacune de dépendances et donnant sur des espaces ouverts ou des voies de passage. Kerhornou, Kermorvan et surtout Ploénez se distinguent des autres écarts de la commune par leur ampleur et le nombre d´édifices regroupés, avec la pérennité d´espaces publics très anciens. Les abandons ou transformations récentes des parties agricoles (étables, écuries, granges) masquent souvent les fonctions et dispositions d'origine. En règle générale, les dépendances sont dissociées du logis et se situent autour d'une cour.
5 PUITS (repérage non exhaustif) ont été localisés (Kermorvan, à l´est de Kermorvan, Nestavel Bas, Nestavel Bihan, Leintan). Cette faible récurrence indique un taux de disparition important. De structure semi-circulaire ou carrée, construits en moellon de schiste et de granite, ils sont couverts de dalles d´ardoise parfois remplacées par une couverture en fibrociment. Bien qu´en mauvais état, le puits de Leintan, partiellement en grand appareil de granit, mérite conservation et mise en valeur.
Deux FOURS A PAIN (Nestavel Bihan, Ploénez) et un FOURNIL (Kerflaconnier), petit bâtiment abritant le four, ont été répertoriés. A Ploénez, la cheminée d´un ancien logis déclassé à été tardivement aménagée en four à pain. Le taux de disparition de ces édicules est sans doute important.
Quant aux GRANGES, seulement deux exemples ont été retentenus, correspondant aux deux types du secteur : avec une porte charretière en pignon (Kerhornou) et avec porte charretière placée au centre de la façade (Nestavel Bihan).
MATÉRIAUX ET MISE EN OEUVRE.
L´usage du granite d´extraction locale est prédominant, en moellon pour le gros oeuve, la pierre de taille étant réservée à l´encadrement des baies et des chaînages d´angle (Nestavel Bihan, Rozvéguen, Kerveur). A Nestavel Bihan et Nestavel Bras, des pierres portant un décor sculpté (coeur et trèfle), insérées dans les façades (fin 19e-début 20e siècle), semblent correspondre à la signature d´un maçon. L´enduit, présent pour le bâti tardif (Nestavel Bihan 1923, Kerhornou, Nestavel Bras), semble exister pour des constructions plus anciennes (Kergaradec, fin 18e siècle). Aujourd'hui, la carrière de granite de Roz Pérez, située entre Ploénez et Rozvéguen et près des limites communales avec Locmaria-Berrien et Huelgoat, est toujours en activité.
STRUCTURE ET TYPLOGIES.
Dans ce secteur d´élevage et dans une moindre mesure de cultures, les constructions rurales s´inscrivent dans deux grandes catégories, 'l´habitat mixte', caractérisé par la cohabitation des hommes et du bétail sous le même toit, et le 'logis indépendant', défini par l´absence de cohabitation entre hommes et animaux. Pour l´habitat mixte, suite aux transformations successives, les fonctions d´origine ne sont pas toujours lisibles, sauf, par exemple, à Kerhornou (daté 1862) et à Kergaradec. En place dès l´époque médiévale comme le prouvent les fouilles de Karaes Vihan, cette catégorie correspond au bâti le plus ancien mais rares sont les édifices conservés.
LOGIS INDEPENDANT.
Les maisons à avancée . Elles rentrent en grande partie dans la catégorie des logis indépendants (absence de cohabitation entre hommes et animaux), même si l´analyse doit prendre en compte les modifications intervenues au cours du temps ; la présence de trous d´attache ne plaide pas systématiquement en faveur d´un habitat mixte d´origine. Beaucoup de maisons de ce type étaient uniquement réservées à l´habitation, avec, parfois, une cloison séparant la salle du cellier utilisé tardivement comme étable (Kerhornou).
Avec plusieurs variantes, la maison à avancée, caractéristique d´une grande partie des campagnes du Léon et de la Cornouaille, est présente à Brennilis. Il s´agit d´un logis de plan rectangulaire avec un avant-corps de faible largeur ; la partie portée en avant de l'alignement, généralement sur la façade principale, se nomme avancée ou avant-corps (apoteiz en breton). Ces logis ont certaines caractéristiques en commun : les fenêtres de l'avant-corps sont généralement décalées vers le pignon abritant le foyer en raison de l'aménagement intérieur (place réservée à la table, aux bancs, aux armoires et lits-clos).
Dans cette catégorie, on peut distinguer deux types, la maison en rez-de-chaussée (ou à comble à surcroît), et la maison à étage. Ces deux types se déclinent, à leur tour, en deux et trois variantes qui confèrent aux édifices des morphologies très diversifiées, encore accentuées par deux formes de toitures, le toit rampant ou en appentis et le toit en bâtière.
Environ 14 maisons à avancée ont été localisées, soit 26 % de la totalité des maisons rurales repérées. Elles ont été bâties entre la première moitié du 17e siècle (Ploénez 1622) et la fin du 18e siècle (Kergaradec).
Les avancées sont majoritairement situées sur l´élévation principale, l´emplacement en façade postérieure est marginal mais existe à Ploénez. La concomitance d´une avancée et d´un escalier de distribution extérieur n´a été observée qu´à Nestavel Bihan.
Les maisons à avancée en rez-de-chaussée ou à comble à surcroît : sur un total de 11 bâtiments repérés, 6 ont un toit en bâtière et 5 un toit rampant. Ce type, majoritaire, représente près de 80% du corpus.
Les maisons à avancée à étage : elles sont minoritaires ; sur un total de 3 édifices repérés, 1 a un toit en bâtière (Kerflaconnier, dénaturé et non retenu), 2 ont un toit rampant (Rozvéguen, Nestavel Bihan).
Les maisons de type ternaire. Environ 50 logis ruraux, en rez-de-chaussée (maison élémentaire) ou à étage à trois travées, soit environ 77 % du total repéré, correspondent à cette catégorie. Ils remontent, pour l´essentiel, à la période allant de 1830 à 1928 (Kerhornou 1838, Kerhornou 1858, Kerrolland 1887, Kermorvan 1890, Kerhornou 1928).
Deux édifices situés respectivement à Roc´h ar Had et Kervéguénet (non repéré car dénaturé) ont été conçus suivant un plan particulier et minoritaire dans le secteur. Le sous-sol, semi-enterré, abritait les parties agricoles (étable, écurie ou cave), le rez-de-chaussée surélevé était réservé à l´habitation. Adaptés à la déclivité du terrain, ils possèdent une double orientation. Des édifices similaires ont été localisés dans les communes de Brasparts, Le Cloître-Saint-Thégonnec, La Feuillée, Plounéour-Ménez et Saint-Rivoal.
COUVERTURES. La quasi-totalité des maisons rurales de la commune est coiffée d'un toit à longs pans, à l'exception des maisons à avancée au toit en bâtière ; dans ce cas, les deux versants de l'avancée sont liés à la charpente principale par une noue. Aujourd´hui, l´ardoise comme matériau de couverture des logis est prédominante alors que le recours à la tôle ondulée ou au fibro-ciment est significatif pour les dépendances ou les logis en attente de réhabilitation ou en déclin. On constate la rareté de couvertures anciennes en ardoises épaisses extraites des monts d´Arrée (Kergaradec, Kerhornou, Nestavel Bras). Les documents anciens et l´enquête de 1969 localisent de telles toitures au Ploénez, Pennarhars ou Nestavel Bihan.
DISTRIBUTION INTERIEURE. Six édifices parmi les plus représentatifs ont fait l´objet de plans schématiques : Kergaradec, Kerhornou, Kerveur (2), Pennarhars et Rozvéguen. Ils permettent de mieux cerner fonctions, distributions, aménagements intérieurs, constantes ou particularités qui caractérisent les constructions rurales de la commune.
Pour les maisons à avancée, deux tiers de la surface du rez-de-chaussée étaient réservés à l'habitation (salle), l'avancée abritant généralement table et bancs ; l'autre tiers servait en général de cellier ou de resserre. Des niches assez hautes et larges, situées entre la cheminée et la fenêtre de l'avancée, servaient à poser un banc semi-encastré (Kerveur, Kerhornou). La présence de saloirs surmontés d´armoires murales encastrés dans l´épaisseur du mur était habituelle. Malgré un taux de disparition élevé, des exemples significatifs subsistent, entre autres, à Kerhornou et Kerveur. Une avancée destinée à abriter le lit-clos (kuz gwele) a été localisée à Kerveur. Sans doute en rapport avec l´augmentation démographique du 19e siècle, le partage d´un ancien logis individuel en deux logements indépendants a été observé à Kerveur et Rozvéguen.
Les linteaux et les corbelets des cheminées sont généralement en bois (Kergaradec, Rozvéguen), rarement en granite comme à Pennarhars.
CONCLUSION. Les maisons rurales traditionnelles de Brennilis, avec un taux de reconstruction notable au cours du 19e siècle, ont connu des remaniements importants. La récurrence de maisons à avancée, un quart du corpus repéré, témoigne, entre la première moitié du 17e siècle et le milieu du 19e siècle, d´une « mode » architecturale largement adoptée dans un vaste secteur des monts d´Arrée. Des réalisations marquantes de l´architecture rurale de la commune, parfois dans un état critique de conservation, subsistent à Ploénez, Nestavel Bihan et Kerhornou.