L´enquête de terrain a été réalisée en 2008. Contrairement à certaines communes du P.N.R.A. inventoriées, on ne dispose pas, pour Loqueffret, d'une enquête des années 1970 qui aurait permis d'entrevoir l'évolution du bâti rural. Ce dossier collectif vise deux objectifs : appréhender une ‘famille´ d'édifices représentés en grand nombre et dégager les caractères communs ou spécifiques à cette famille. Reflétant une sélection raisonnée sous forme d´échantillonnage, certains éléments, jugés représentatifs et pas (ou peu) dénaturés, ont été traités en dossiers individuels.
Environ 80 édifices sur un total de 315 logements (chiffres INSEE 2005), soit environ 25 % du bâti, ont été répertoriés. Au sein de ce corpus, 24 oeuvres (édifices individuels ou hameaux entiers) ont fait l'objet d'un dossier individuel alors que 66, simplement repérés, ont été systématiquement illustrées, soit dans un dossier ‘hameau´, soit à la suite de ces observations générales.
Au sein de certains hameaux, entités spatiales ou historiques cohérentes et significatives, plusieurs édifices ou ensembles d´édifices ont pu être retenus.
Le bourg, dont le développement s´est fait à partir de 1850, revêt un caractère ‘urbain´. La synthèse qui suit concerne uniquement le bâti rural, c'est-à-dire les maisons et fermes isolées ou situées en écart ainsi que des hameaux entiers lorsque aucun élément ne méritait, à cause des remaniements successifs, un traitement spécifique. Les maisons du bourg (quatorze édifices) sont traitées dans le dossier bourg.
CONTEXTE HISTORIQUE
Peu de documents permettent de connaître l´espace rural avant la seconde moitié du 18e siècle. La topographie apparaît partiellement sur la carte de Cassini (vers 1770) et surtout sur les premiers relevés cadastraux de 1813 qui reflètent encore le parcellaire et le bâti des siècles précédents. Le réseau des voies de communication et les structures des hameaux, tels qu´ils apparaissent en 1813, perdurent au-delà des modifications de certains tracés intervenues depuis la seconde moitié du 19e siècle.
Ce secteur, situé au sud sud-est des monts d´Arrée, en bordure sud-est du Yeun Elez, est irrigué par quelques cours d´eau dont la rivière de l´Ellez (formant la limite nord de la commune) et ses affluents. L´habitat, dispersé, est regroupé en une dizaine de hameaux de petite et moyenne importance et une bonne vingtaine de fermes isolées, anciennes possessions seigneuriales. Deux anciens manoirs ou métairies nobles, les Tourelles et Quistillic, qui s´apparentent plus à des demeures rurales cossus, ont été traités dans ce dossier. La plupart des hameaux ont évolué pendant la seconde moitié du 19e siècle, tout en gardant leur structure ancienne. Beaucoup de constructions de cette période correspondent à des reconstructions in situ. C´est à cette époque que l´activité agricole est la plus importante.
Loqueffret est également marquée par la présence de nombreux prêtres qui ont laissé leur empreinte (ancien presbytère de Saint-Herbot, ancienne maison de prêtre du bourg, ancien presbytère du bourg reconverti en ‘musée du recteur et des pilhaouerien´).
La carte de localisation des éléments bâtis étudiés montre deux secteurs de densité importante d´édifices repérés ou sélectionnés, le sud-ouest et le nord-est du territoire. Entre ces deux zones et aux abords du Yeun Elez, les densités sont plus faibles (zones de lande, Ménez-Keryéven).
Des résultats observés, et plus particulièrement des chronogrammes relevés sur les bâtiments, se dégagent plusieurs tendances situant le corpus des constructions rurales dans une chronologie allant du début du 17e siècle aux années 1930. Aucun édifice ne semble antérieur à 1602 et rares sont les maisons, fermes ou parties de hameaux remontant aux 17e et 18e siècles.
Le 19e siècle - il se prolonge jusqu´en 1918 - est caractérisé, comme ailleurs en Bretagne, par le renouveau des constructions rurales. Deux cas de figures dominent : la destruction de l´habitat ancien remplacé, in situ, par un nouveau logis ou la conservation des logis anciens alors déclassés en parties agricoles.
42 immeubles seraient, suivant les données de l´INSEE, antérieurs à 1915. Une partie du bâti ancien a connu, suite à la déprise agricole à partir des années 1960, un délaissement progressif suivi de réhabilitations ponctuelles.
COMPOSITION D´ENSEMBLE
La majorité des édifices se situe au sein de villages (ou isolés) à l'origine composés de une ou plusieurs exploitations agricoles disposant chacune de dépendances. En ce qui concerne les parties agricoles (étables, écuries, granges), leurs transformations récentes occultent souvent les fonctions et les dispositions d'origine. Les communs sont la plupart du temps dissociés du logis, se situant soit autour d'une cour (Leïnscoff), soit en alignement de la maison (Poulfoan) ; de rares fermes (quatre au total en comptant celle du bourg) sont de type logis-étable avec une cohabitation des hommes et du bétail sous le même toit. La présence de pierres d'attache pour le bétail s´observe aussi bien sur la façade du logis qu´à l´intérieur des anciennes étables.
Le nombre de puits est très faible. Seulement six exemplaires (repérage non exhaustif), construits en moellon de schiste, granite, grès, quartzite et couverts de dalles d´ardoise posée sur les montants, ont été repérés.
Quant aux fours à pain et fournils, seulement cinq spécimens ont été recensés, trois fours à pain (Kergarrec, Kerprouet, le Rest) ; et deux fournils (Kerguélen, Pennaneac´h). Jadis présents dans tous le écarts, bon nombre d´entre eux a disparu.
Parmi une douzaine de granges et de remises repérées, neuf possèdent une porte charretière en façade. Les granges du Goaffe, Couzanet et Rosingar sont les plus caractéristiques.
Un seul hangar à orthostats a été recensés à Kermarc. Ils est constitué de piles en pierres de taille de granite plantées dans le sol et portant une charpente et couverte de tôle.
MATERIAUX ET MISE EN OEUVRE
Le sous-sol schisteux, granitique ou quartzitique qui affleure par endroits fournit une partie des matériaux de construction dont témoignent plusieurs carrières comme celles de Reundu. Les schistes extraits de ces carrières constituent, depuis des siècles, des matériaux de construction de qualité. Pour le gros oeuvre, l´emploi du schiste, du quartzite et du granite, généralement en moellon et plus rarement en pierre de taille, est majoritaire. Les encadrements des baies ainsi que les chaînages d´angle de nombreuses constructions sont en granite (granite de Brennilis ou de Huelgoat).
Le schiste se débite en lames plus ou moins épaisses qui peuvent atteindre des dimensions importantes ; il a été utilisé comme matériau de couverture (usage marginal), de revêtement de sol (Kergombou) ou pour les logis (Kerguélen, Neaslarc´h Huella).
La mise en oeuvre des matériaux de plusieurs maisons anciennes, essentiellement du 17e ou du 18e siècle, est assez particulière. Alternant des lits réguliers de moellons de schiste et de quartzique soigneusement appareillés, l´accent est mise sur l´effet décoratif des bâtiments (Kermarc, Leïnscoff).
STRUCTURES ET FONCTIONS
Les traits dominants de l´architecture rurale de Loqueffret s´inscrivent dans deux grandes catégories, l´habitat mixte, caractérisé par la cohabitation des hommes et du bétail sous le même toit, et le logis indépendant, défini par l´absence de cohabitation entre hommes et animaux.
1. L'habitat mixte (hommes, bétail, stockage)
Quatre édifices (trois ruraux et un dans le bourg), sur un total de 80 (maisons et fermes rurales et du bourg), entrent dans cette catégorie, soit environ 5 % du corpus étudié (corpus total : rural et urbain). Ces fermes regroupent, sous le même toit, les fonctions d´habitation et d'abris pour le bétail. Le partage existe dès la construction du bâtiment. On observe à Loqueffret un seul type : le logis-étable à deux portes. Toujours en rez-de-chaussée ou à comble à surcroît, les accès sont individualisés, l'un pour les hommes, l'autre pour le bétail. Ainsi, même si les deux fonctions (logement et étable) sont sous le même toit, les espaces dédiés aux hommes et au bétail sont séparés par un mur de refend. Les portes d´accès peuvent être sur la même façade ou sur des façades différentes.
Les exemples de ce type ont été localisés au bourg, à Couzanet, Kermarc et Rosingar. Aucun exemple ne semble antérieur au 19e siècle.
2. Le logis indépendant
62 édifices de cette catégorie sur un total de 66 (édifices ruraux) ont été recensés, soit plus de 94 % du corpus total. On distingue quatre variantes :
Le logis à étage de type ternaire
18 logis ruraux, soit environ 30 % du total repéré, présentent des façades ordonnancées, majoritairement à trois travées. Ils remontent, pour l´essentiel, à la période allant de 1860 à 1930. La normalisation de l´habitat intervient lors du renouveau amorcé depuis le milieu du 19e siècle, avec le recours aux modèles en vogue dans les bourgs et en ville. Des édifices représentatifs ont été repérés, entre autres, au Cosquer, à Kerguélen et à Saint-Herbot.
Le logis à deux pièces
Il peut être considéré comme une variante du précédent duquel il se distingue par l´absence d´un étage habitable. En rez-de-chaussée ou à comble à surcroît, la porte s´ouvre sur un couloir qui sépare la salle de la chambre. 16 logis de ce type ont été recensés, soit 26 % du corpus étudié. Essentiellement du 19e siècle et du début du 20e siècle (un seul exemple date du début du 18e siècle), certains hameaux conservent des exemples significatifs comme Kernon, le Guilly et Toularest.
Le logis à une pièce
En rez-de-chaussée ou à comble à surcroît, il correspond à l'habitat de journaliers ou d'une population modeste. Les ouvertures se résument à une porte et une fenêtre. 17 logis de ce type ont été repérés, soit 27 % du total. Ils datent tous du 19e siècle ou du début du 20e siècle ; les villages de Couzanet, Poulfoan et Rhunguen en conservent quelques exemples.
Le logis à avancée
Il s´agit d´un logis de plan rectangulaire avec un avant-corps de faible largeur ; la partie portée en avant de l'alignement, généralement sur la façade principale, se nomme avancée ou avant-corps. Ces logis ont certaines caractéristiques en commun : les fenêtres de l'avant-corps sont généralement placées vers le pignon abritant le foyer, ce qui correspond à l'aménagement intérieur (place réservée à la table, aux bancs, aux armoires et lits-clos).
Dans cette catégorie, on peut distinguer trois types, en rez-de-chaussée, à comble à surcroît et à étage. Ces trois types se déclinent, à leur tour, en deux variantes qui confèrent aux édifices des morphologies très diversifiées, encore accentuées par deux formes de toitures, le toit rampant et le toit en bâtière.
Le recensement révèle l'existence de 12 logis à avancée, soit 19 % de la totalité des logis indépendants repérés. Selon l´analyse stylistique et les chronogrammes extrêmes relevés, ils ont été bâtis entre le début du 17e siècle (Neslarc´h Izella), et le milieu du 18e siècle à Ty Crenn.
Les avancées sont, sauf à Poulfoan, généralement placées sur l´élévation principale.
Logis à avancée à comble à surcroît : sept édifices (cinq avec toit en bâtière ; deux avec toit rampant). Cette variante, assez répandu au 17e siècle, tend à disparaître au 18e siècle. Les exemples les plus significatifs se trouvent à Couzanet, Leïnscoff et Neslarc´h Izella.
Logis à avancée à étage : cinq édifices (trois avec toit en bâtière ; deux avec toit rampant) ont été recensé. Ils se situent à Bilirit, Couzanet, Kermarc, Poulfoan et Quistillic. La maison à avancée évolue et s´adapte aux besoins des habitants.
Cas particuliers
Au delà des variantes évoquées précédemment, plusieurs logis se démarquent. Les maisons à avancée de Quistillic (ancienne métairie noble) et Coatiligou, restaurée sur le modèle de la première, présentent deux avant-corps. L´avancée de la façade principale est réservée à l´emplacement de la table, bancs, armoires et lits ; celle de la façade postérieure abrite un escalier tournant en pierre. La présence de deux portes en plein cintre en façade (également le cas à Neslarc´h Izella) indique soit une subdivision tardive du logis en deux parties (fonctions indéterminées), soit une division de l´espace dès la construction.
A Couzanet, une maison à avancée (logis 4) abrite un escalier dans-oeuvre en vis en pierre. Unique exemple à Loqueffret, ce type est assez répandu dans les communes voisines de Brasparts (Botbern, le Menglas, Guernandour) et La Feuillée (Kermabilou).
Non comptabilisé dans les maisons à avancée, l'atypique demeure dite ‘pavillon de chasse´ au lieu-dit Manoir de Kerguéven du début du 20e siècle présente pourtant un plan à deux avancées symétriques.
COUVERTURES
La quasi-totalité des maisons rurales est coiffée d'un toit à longs pans, à l'exception des maisons à avancée à toit en bâtière ; dans ce cas, les deux versants de l'avancée sont liés à la charpente principale par une noue.
Durant plusieurs siècles et jusqu´à une période récente, les schistes ardoisiers étaient exploités dans les communes du nord des monts d´Arrée à Plounéour-Ménez, Commana et Sizun. L´emploi le plus visible demeure, aujourd´hui, celui des couvertures. Ces belles toitures se distinguent par une mise en oeuvre particulière : les épaisses ardoises qui, à cause de leurs poids, sont posées à pureau décroissant (la dimension des ardoises diminue entre la partie inférieure du versant du toit et le faîtage). Des exemples subsiste au bourg, Coatiligou, Couzanet et Neslarc´h Izella.
Le remplacement de l´ardoise épaisse par le fibrociment ou la tôle est important pour les bâtiments annexes ou ceux qui attendent une réhabilitation. L´emploi de la tuile mécanique en couverture est marginal et tardif (1er quart 20e siècle) mais existe, en remplacement de l´ardoise, à Bilirit par exemple.
AMÉNAGEMENTS INTÉRIEURS
Six édifices ou ensemble d´édifices parmi les plus représentatifs ont fait l´objet de relevés schématiques (le bourg, Couzanet, Manoir de Kerguéven, Neslarc´h Izella et Toularet). Ils permettent de mieux cerner fonctions, distributions, aménagements intérieurs, constantes ou particularités qui caractérisent l´habitat rural du secteur.
Au rez-de-chaussée, deux tiers de la surface étaient réservés à l'habitation (salle), l'avancée (quand elle existe) abritant généralement table et bancs ; l'autre tiers servait de cellier ou de réserve, avec, parfois, l´aménagement d´armoires murales dans l´épaisseur du mur et des niches hautes et larges situées entre la cheminée et la fenêtre de l'avancée, servant à poser un banc semi-encastré (Couzanet).
La présence de saloirs surmontés d´armoires murales encastrées dans l´épaisseur du mur était habituelle. Malgré un taux de disparition élevé, des exemples significatifs subsistent, entre autres, au bourg, à Neslarc´h Izella et à Toularest. Les sols étaient traditionnellement en terre battue ou couverts de grandes dalles de schiste (environ 1 m de long et 60 cm de large) comme au bourg (ancienne maison de prêtre) ; elles ont souvent été supprimées lors de transformations récentes.
Les linteaux et les corbelets des cheminées sont en généralement en pierre pour les édifice anciens (bourg, Neslarc´h) ou en bois pour les constructions du 19e siècle.
CONCLUSION
Les maisons rurales de la commune de Loqueffret ont, en grande majorité, subi des remaniements importants suite à l´évolution des manières de vivre. La forte récurrence de logis élémentaires à une ou deux pièces (en rez-de-chaussée ou à comble à surcroît), reflète, entre la fin du 18e siècle et le début du 20e siècle, une activité agricole relativement modeste. Quelques rares maisons à avancée antérieures à cette période sont encore en place et toujours lisibles.
A partir du milieu du 19e siècle, la transformation du bâti existant et la reconstruction de nouveaux logis d´allure urbaine et plus standardisé s´imposent.
Le bourg, Couzanet, Kermarc, Neslarc´h Izella et Toularest conservent des réalisations marquantes de l´architecture rurale de la commune.
Quimper