L´enquête de terrain a été réalisée en 2009 par un chercheur et un chargé de mission, en intégrant les éléments recueillis lors de deux anciennes études (une de 1969, relativement succincte, l´autre de 1974, plus développée mais partielle).
Ce dossier collectif vise deux objectifs : appréhender une « famille » d'édifices représentés en grand nombre et dégager les caractères communs ou spécifiques à cette famille. Reflétant une sélection raisonnée sous forme d´échantillonnage, certains éléments, jugés représentatifs et pas (ou peu) dénaturés, ont été traités en dossiers individuels.
Environ 93 édifices sur un total de 225 immeubles (chiffres INSEE 1999), soit environ 40 % du bâti, ont été répertoriés. Au sein de ce corpus, 18 oeuvres (édifices individuels ou hameaux entiers) ont fait l'objet d'un dossier individuel alors que 87, simplement repérés, ont été systématiquement illustrées, soit dans un dossier « hameau », soit à la suite de ces observations générales.
Au sein de certains hameaux, entités spatiales ou historiques cohérentes et significatives, plusieurs édifices ou ensembles d´édifices ont pu être retenus.
Le bourg, qui n´est chef-lieu de paroisse que depuis 1802, revêt un caractère essentiellement rural ; la synthèse qui suit concerne aussi bien le bâti du bourg (une quinzaine d'édifices) que l´habitat rural, c'est-à-dire les maisons et fermes isolées ou situées en écart ainsi que des hameaux entiers lorsque aucun élément ne méritait, à cause des remaniements successifs, un traitement spécifique.
CONTEXTE HISTORIQUE
Peu de documents permettent de connaître l´espace rural avant la seconde moitié du 18e siècle. La topographie apparaît partiellement sur la carte de Cassini (vers 1770) et surtout sur les premiers relevés cadastraux de 1835 qui reflètent encore le parcellaire et le bâti des siècles précédents. Le réseau des voies de communication et les structures des hameaux, tels qu´ils apparaissent en 1813, perdurent au-delà des modifications de certains tracés intervenues depuis la seconde moitié du 19e siècle.
Ce secteur situé à l´est sud-est des monts d´Arrée, en bordure sud-est de la forêt domaniale de Saint-Ambroise, est irrigué par quelques cours d´eau dont l´Aulne (formant la limite est de la commune) et ses affluents, le Beurc´hoat et la Rivière d´Argent. L´habitat, dispersé, est regroupé en une petite dizaine de hameaux de petite et moyenne importance et une bonne vingtaine de petits hameaux et de fermes isolées. Une ancienne métairie noble, La Haie-Douar, qui s´apparente plus à une demeure rurale cossue, a été traitée dans ce dossier. La plupart des hameaux ont évolué pendant la seconde moitié du 19e siècle, tout en gardant leur structure ancienne. Beaucoup de constructions de cette période correspondent à des reconstructions in situ. C´est à cette époque que l´activité agricole est la plus importante.
La carte de localisation des éléments bâtis étudiés montre une répartition relativement bien équilibrée, à l´exception de l´extrémité sud-est et de la frange nord-ouest occupée par des zones forestières (forêt de Botvarec et bois du Hélas).
Des résultats observés, et dans une moindre mesure les chronogrammes relevés sur les bâtiments, se dégagent plusieurs tendances situant le corpus des constructions rurales dans une chronologie allant du début du 17e siècle aux années 1930. Aucun édifice ne semble antérieur au 17e siècle et rares sont les maisons, fermes ou parties de hameaux remontant aux 17e et 18e siècles.
Le 19e siècle - il se prolonge jusqu´en 1918 - est caractérisé, comme ailleurs en Bretagne, par le renouveau des constructions rurales. Deux cas de figures dominent : la destruction de l´habitat ancien remplacé, in situ, par un nouveau logis ou la conservation des logis anciens alors déclassés en parties agricoles.
Une partie du bâti ancien a connu, suite à la déprise agricole à partir des années 1960, un délaissement progressif suivi de réhabilitations ponctuelles.
COMPOSITION D´ENSEMBLE
La majorité des édifices se situe au sein de villages (ou isolés) à l'origine composés de une ou plusieurs exploitations agricoles disposant chacune de dépendances. En ce qui concerne les parties agricoles (étables, écuries, granges), leurs transformations récentes occultent souvent les fonctions et les dispositions d'origine. Les communs sont la plupart du temps dissociés du logis, se situant soit autour d'une cour (Pont Miquel), soit en alignement du logis (Kerliou-Vraz) ; de rares fermes (cinq au total en comptant celles du bourg) étaient de type logis-étable, avec une cohabitation des hommes et du bétail sous le même toit.
Le nombre de puits est très faible. Seulement neuf exemplaires (repérage non exhaustif), construits en moellon de schiste, de granite, de grès et couverts de dalles d´ardoise ou de granite posée sur les montants, ont été repérés.
Quant aux fours à pain et fournils, huit spécimens ont été recensés : cinq fours à pain (Kerliou-Vraz, Saint-Ambroise, Kerjoly, maison forestière du bois du Hélas, Rouzoucon) ; un fournil (Kerret) et deux fournils associés à une étable (bourg, Bruguec). Jadis présents dans tous le écarts, bon nombre d´entre eux a disparu.
Parmi environ sept granges ou remises repérées, deux possèdent une porte charretière en façade. Les granges de Resthervé et de Saint-Ambroise sont les plus caractéristiques.
MATERIAUX ET MISE EN OEUVRE
Le sous-sol schisteux, granitique ou gréseux qui affleure par endroits fournit la quasi totalité des matériaux de construction dont témoignent plusieurs petites carrières. Les granites et les schistes extraits de ces carrières constituent, depuis des siècles, des matériaux de construction de qualité. Pour le gros oeuvre, l´emploi du schiste, du grés et du granite, généralement en moellon et plus rarement en pierre de taille, est majoritaire. Les encadrements des baies ainsi que les chaînages d´angle de nombreuses constructions sont en granite (granite local ou de Huelgoat).
Le schiste se débite en lames plus ou moins épaisses qui peuvent atteindre des dimensions importantes ; il a été utilisé comme matériau de couverture (usage marginal à Rumeïn par exemple), de revêtement de sol ou pour le parement des logis.
L´emploi de la brique, essentiellement pour les encadrements des baies, reste marginal. Il apparaît à la fin du 19e et au début du 20e siècle et coïncide avec l´arrivée du chemin de fer. Les premières constructions employant ce type de matériau sont d´ailleurs les infrastructures ferroviaires (gare, maisons de garde barrière), puis certaines maisons, notamment au bourg.
STRUCTURES ET FONCTIONS
Les traits dominants de l´architecture rurale de Locmaria-Berrien s´inscrivent dans deux grandes catégories, l´habitat mixte, caractérisé par la cohabitation des hommes et du bétail sous le même toit, et le logis indépendant, défini par l´absence de cohabitation entre hommes et animaux.
1. L'habitat mixte (hommes, bétail, stockage)
Six édifices (quatre ruraux et deux dans le bourg), sur un total de 93 (maisons et fermes rurales et du bourg), entrent dans cette catégorie, soit environ 6 % du corpus étudié (corpus total : rural et urbain). Ces fermes regroupent, sous le même toit, les fonctions d´habitation et d'abri pour le bétail. Le partage existe dès la construction du bâtiment. On observe à Locmaria-Berrien un seul type : le logis-étable à deux portes. Pour ces édifices toujours en rez-de-chaussée ou à comble à surcroît, les accès sont individualisés, l'un pour les hommes, l'autre pour le bétail. Ainsi, même si les deux fonctions (logement et étable) regroupéesont sous le même toit, les espaces dédiés aux hommes et au bétail sont séparés par un mur de refend. Les portes d´accès se situent sur la même façade ou sur des façades différentes.
Les exemples de ce type ont été localisés au bourg, à Kerambellec, Kerret, Saint-Ambroise, Ty-ar-Gall et Rosingar. Aucun exemple ne semble antérieur au 19e siècle.
Une variante, représentée par un seul édifice, existe cependant : il s´agit d´un logis sur étable présent au bourg. Adapté à la déclivité du terrain, l´accès à l´étable se fait sur la façade opposée à celle du logis, accessible par un escalier extérieur.
2. Le logis indépendant
87 édifices de cette catégorie sur un total de 93 ont été recensés, soit plus de 93 % du corpus total. On distingue essentiellement trois variantes :
Le logis de type ternaire
27 logis, soit environ 29 % du total repéré, présentent des façades ordonnancées, majoritairement à trois travées. Ils remontent, pour l´essentiel, à la période allant de 1840 à 1940. La normalisation de l´habitat intervient lors du renouveau amorcé depuis le milieu du 19e siècle, avec le recours aux modèles en vogue dans les bourgs et en ville. Le plus souvent à étage, mais également à haut comble à surcroît (faux ternaire), des édifices représentatifs ont été repérés, entre autres, à la Gare, au Hélas Izella et à Kervallon.
Le logis à deux pièces
Il peut être considéré comme une variante du précédent duquel il se distingue par l´absence d´un étage habitable. En rez-de-chaussée ou à comble à surcroît, la porte s´ouvre sur un couloir qui sépare la salle de la chambre. 30 logis de ce type ont été recensés, soit 32 % du corpus étudié. Datant essentiellement du 19e siècle et du début du 20e siècle (un exemple, non repéré car dénaturé, à Camblan, semble dater du 18e siècle), certains hameaux conservent des exemples significatifs comme Rumeïn, Saint-Ambroise et Ty-ar-Gall.
Le logis à une pièce
En rez-de-chaussée ou à comble à surcroît, il correspond à l'habitat de journaliers ou d'une population modeste. Les ouvertures se résument à une porte et une fenêtre. 29 logis de ce type ont été repérés, soit 31 % du total. Ils datent essentiellement du 19e siècle ou du début du 20e siècle ; les villages de Bruguet, Kerliou-Vraz et Resthervé en conservent quelques exemples.
Cas particuliers : Parmi eux, deux logis double à Rumein (constitué de deux logis à pièce unique à comble à surcroît) remontent vraisemblablement au 17e siècle. Dans l´un des deux (dossier individuel), un escalier dans-oeuvre en vis en pierre permet d´accéder au comble.
Cas particuliers
Un dernier type de logis, que l´on retrouve dans bon nombre de secteurs de la Bretagne, est très minoritaire à Locmaria-Berrien. Il s´agit de la maison à avancée dont une seule (non repérée car dénaturée) subsiste à Camblan (à comble à surcroît et toit en bâtière) datant probablement du 17e siècle. Malgré un taux d´érosion certainement important, cet unique témoin montre également que ce type d´habitat devait être minoritaire.
Au delà des variantes évoquées précédemment, deux logis se démarquent : l´ancienne ferme de Saint-Ambroise et l´ancienne métairie noble de La Haie Douar (voir dossiers individuels). A Saint-Ambroise, l´ancienne ferme, certainement de type logis-étable du 17e siècle, présente, sur la façade postérieure, un appentis abritant l'escalier et le cellier accessibles depuis la salle par des portes en plein cintre jumelées.
La Haie Douar conserve une distribution particulière : salle et chambre au rez-de-chaussée, chambre à l'étage desservi par un escalier demi-hors-oeuvre en vis en granite. Cet espace pourrait correspondre aux appartements du seigneur venant séjourner à la métairie.
COUVERTURES
La quasi-totalité des maisons rurales est coiffée d'un toit à longs pans.
Durant plusieurs siècles et jusqu´à une période récente, les schistes ardoisiers étaient exploités dans les communes du nord des monts d´Arrée (Plounéour-Ménez, Commana et Sizun). L´emploi le plus visible demeure, aujourd´hui, celui des couvertures. Ces belles toitures se distinguent par une mise en oeuvre particulière : les épaisses ardoises qui, à cause de leurs poids, sont posées à pureau décroissant (la dimension des ardoises diminue entre la partie inférieure du versant du toit et le faîtage). Des exemples subsistent notamment à Rumeïn.
Le remplacement de l´ardoise épaisse par le fibrociment ou la tôle est important pour les bâtiments annexes (bourg, Kerliou-Vraz) ou ceux qui attendent une réhabilitation. L´emploi de la tuile mécanique en couverture est marginal et tardif (1er quart 20e siècle) mais existe, en remplacement de l´ardoise, au Bruguec, à la Gare ou à Toul-Trink.
AMÉNAGEMENTS INTÉRIEURS
Quatre édifices ou ensemble d´édifices parmi les plus représentatifs ont fait l´objet de relevés schématiques (La Haie Douar, deux ensembles d´édifices à Rumeïn, Saint-Ambroise). Ils permettent de mieux cerner fonctions, distributions, aménagements intérieurs, constantes ou particularités qui caractérisent l´habitat rural du secteur.
Au rez-de-chaussée, deux tiers de la surface étaient réservés à l'habitation (salle) ; l'autre tiers servait de cellier ou de réserve, avec, parfois, l´aménagement d´armoires murales dans l´épaisseur du mur et des niches hautes et larges situées dans le mur gouttereau du côté de la cheminée, servant à poser un banc semi-encastré ou de place au lit-clos, le kuz-gwele (Saint-Ambroise).
La présence de saloirs surmontés d´armoires murales encastrées dans l´épaisseur du mur était habituelle. Malgré un taux de disparition élevé, des exemples significatifs subsistent, entre autres, au bourg, au Hélas Izella, à Kerliou-Vraz, Resthervé, Rumein, Saint-Ambroise. Les sols étaient traditionnellement en terre battue ou couverts de grandes dalles de schiste (environ 1 m de long et 60 cm de large) ; elles ont souvent été supprimées lors de transformations récentes.
Les linteaux et les corbelets des cheminées sont en généralement en pierre pour les édifice anciens (Rumeïn, Saint-Ambroise) ou en bois pour les constructions du 19e siècle.
CONCLUSION
Les maisons rurales de la commune de Locmaria-Berrien ont, en grande majorité, subi des remaniements importants suite à l´évolution des manières de vivre. La forte récurrence de logis élémentaires à une ou deux pièces (en rez-de-chaussée ou à comble à surcroît), reflète, entre la fin du 18e siècle et le début du 20e siècle, une activité agricole relativement modeste. Quelques rares maisons antérieures à cette période sont encore en place et toujours lisibles.
A partir du milieu du 19e siècle, la transformation du bâti existant et la reconstruction de nouveaux logis d´allure urbaine et plus standardisé s´imposent.
La Haie Douar, Le Hélas Izella, Resthervé, Rumein et Saint-Ambroise conservent des réalisations marquantes de l´architecture rurale de la commune.