Dossier d’œuvre architecture IA29005110 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, L'architecture gothique en Bretagne
Chapelle Notre-Dame-de-Tronoën (Saint-Jean-Trolimon)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Bretagne
  • Commune Saint-Jean-Trolimon
  • Lieu-dit Tronoën
  • Dénominations
    chapelle
  • Parties constituantes non étudiées
    calvaire

Malgré ses dimensions réduites, la chapelle Notre-Dame de Tronoën, image du mécénat d'un puissant lignage féodal proche de la cour ducale, témoigne de l'inventivité des bâtisseurs bretons en ce milieu du XVe siècle. Son architecture, de grande qualité, l'équilibre des proportions, le raffinement de la modénature et du décor, signalent un atelier de tout premier plan, proche des grands chantiers contemporains comme celui de la nef de la cathédrale de Quimper. Elle apparaît aussi comme la synthèse heureuse d'archétypes comme le plan à deux vaisseaux et l'accentuation de la façade méridionale essentiellement due ici aux deux porches de la nef et du choeur et d'autres plus rares comme l'emploi de voûtes d'ogives qui la singularise dans la très nombreuse famille des chapelles de pèlerinage, et surtout l'originalité de son clocher médian, qui servira de modèle pour de nombreux édifices postérieurs de la Bretagne occidentale.

Face à l’immensité de la baie d'Audierne, la chapelle de Tronoën, sujet d'inspiration pour de nombreux peintres, a principalement retenu l'attention des spécialistes de l'art breton pour son remarquable calvaire, l'un des plus anciens du genre en Bretagne. La chapelle est bâtie au sud d’une ancienne enceinte cultuelle gauloise près de laquelle aurait existé à l’époque romaine un sanctuaire dédié à Vénus : on a trouvé aux alentours du site au XIXe siècle une importante quantité de figurines en terre cuite de cette divinité. On ignore tout des édifices qui ont précédé l'actuelle construction. La mention à “ BodocKapsithun ” (Beuzec-Cap-Sizun) d’une dépendance de l'ordre des Hospitaliers, alors que Saint-Jean-Trolimon relevait anciennement de la paroisse-mère de Beuzec-Cap-Caval, a entraîné l’attribution hâtive et erronée de l’édifice aux Hospitaliers.

Les circonstances de la construction de l’actuelle chapelle, une des rares du diocèse de Cornouaille entièrement voûtée, sont mal connues. Il faut toutefois très certainement en attribuer la commande à la famille des barons du Pont sur le territoire de laquelle elle se situe et qui par d'importants travaux transforme au cours du XVe siècle son château de Pont-L’Abbé en une puissante forteresse doublée d’une luxueuse résidence. Il est possible que la reconstruction de la chapelle de Tronoën ait été initiée vers 1420 par Hervé V, baron du Pont, personnage de premier plan qui représente le duc en Cornouaille à la charnière entre le XIVe et le XVe siècle. Le chantier, interrompu par la mort de ce dernier puis par celle de son fils Hervé VI en 1425, aurait pu reprendre vers 1440 sous Jean II qui, par son mariage avec Marguerite de Rostrenen, hisse la maison de Pont-L’Abbé aux premiers rangs parmi les lignages féodaux de Bretagne. Enfin, la personnalité de l’évêque Bertrand de Rosmadec, qui eut un rôle de premier plan dans la construction du couvent des Carmes de Pont-L’Abbé, n’est certainement pas étrangère à la qualité exceptionnelle de la chapelle de Tronoën dont le chantier est contemporain de la reconstruction de la nef de la cathédrale de Quimper.

Sans doute en partie à cause de son isolement, la chapelle est parvenue jusqu'au XXe siècle dans un état d'authenticité remarquable, sans transformations ni ajouts. Elle se trouvait en très mauvais état à la fin des années 1960 et fit l'objet à partir de 1982 d’une importante restauration qui a permis, à partir de vestiges retrouvés, de restituer l'idée de la polychromie intérerieure d’origine, en deux couleurs d'ocre, rouge et jaune. Le calvaire a été restauré en 2000.

Plan et ordonnance intérieure

La chapelle, de plan rectangulaire, faisant 25 m de long sur 12 m de large, se compose d’un vaisseau principal comprenant un chœur et une nef de deux travées chacun, séparés par un puissant arc diaphragme, et d’un unique collatéral au nord.

On accède directement dans le chœur du côté sud par une porte à larges ébrasements et multiples colonnettes. Ce chœur est éclairé sur tous ses côtés, à l'est par une haute et large maîtresse vitre, au nord et au sud par des fenêtres à deux lancettes dont les ébrasement reproduisent fidèlement le modèle de la baie axiale. A l'exception de cette dernière le sommet des fenêtres se trouve très en dessous du niveau des voûtes, disposition qui témoigne bien de la grande prudence du constructeur. A gauche de la maîtresse vitre, la pile recevant la croisée d'ogives présente un repentir : un premier chapiteau, au même niveau que ceux des arcades, puis un deuxième sur lequel s'alignent l'ensemble des chapiteaux qui reçoivent les voûtes. L'ensemble du décor du chœur s'impose par sa qualité et son unité de style : la modénature des arcades, à faisceaux de colonnettes alternant avec des cavets, les petits chapiteaux à tailloir polygonal et feuillages stylisés ainsi que les bases en flacons ornent de façon identique les ébrasements des fenêtres et les deux crédences liturgiques. La fenêtre étroite à lancette unique immédiatement à l'est de l'entrée témoigne d'un souci d'éclairer la première travée du chœur, probablement lié à l'existence de divisions intérieures de l'espace liturgique par une ou plusieurs clôtures en bois aujourd'hui disparues.

L'arc diaphragme qui sépare la nef du chœur est beaucoup plus épais au dessus du vaisseau principal où il supporte le clocher médian. Le traitement de ces énormes piles carrées posées à l'oblique est particulièrement remarquable. Les bases polygonales de chaque colonnette, légèrement évasées et renflées en partie basse y viennent pénétrer dans un glacis puissamment mouluré puis réapparaissent dans le creux de la moulure. On retrouve ici probablement à la même date, vers 1420-1430, un traitement des bases semblable à celui de l'intérieur du porche de La Martyre dont le chantier est contemporain de Tronoën. Ces bases, encore proches des modèles un peu raides de la fin du XIVe ou du début du XVe siècle, comme celles de la nef des Carmes de Pont-L’Abbé, représentent les prototypes du modèle “en flacon”. Leur association ici à une modénature à prismes imbriqués, témoin de la haute qualité de la construction, montre une fois de plus que, dans le cas d'édifices majeurs, ces jeux de formes sont souvent plus précoces qu'on ne l'imagine.

La nef dont l'entrée au sud, au droit de la première travée, est précédée d'un porche, n'est éclairée que par une fenêtre ouverte du même côté, dans la travée qui précède le chœur. A partir de l'arc diaphragme, la première arcade qui commence par une mouluration identique à celle des arcs du chœur, est brutalement modifiée et simplifiée, prenant la forme de deux cavets encadrant un redent, et vient pénétrer directement dans une pile intermédiaire cylindrique cantonnée de quatre colonnettes, changement qui indique une interruption du chantier. Cette nouvelle ordonnance, version simplifiée de celle des arcades de la nef de la cathédrale de Quimper, reconstruite par l'évêque Bertrand de Rosmadec entre 1424 et 1445, pourrait se situer peu après, aux environs de 1450. Il est possible d'associer cette reprise du chantier aux importants travaux alors effectués au château de Pont-L'Abbé par Jean II, baron du Pont. Au bas de la nef, dans la portion de mur qui la sépare du collatéral, un passage en escalier devait conduire à une tribune de chant, installée au dessus de la porte ouest, disposition que l'on retrouve à la même époque au revers de la façade ouest de la chapelle de Kernascléden. Dans l'angle nord-ouest du collatéral enfin, une porte ouvrait sur une sacristie surmontée d'un logement pour le chapelain qui a été restaurée dans les dernières années pour servir d'accueil.

Au dessus des voûtes de la nef, une charpente à liens courbes, entraits sculptés d’engoulants, sablières sculptées et poinçons à base ornée, indique que, comme dans bien des cas, les voûtes prévues n’ont été mises en œuvre qu'après coup. L'antériorité d'un vaisseau principal sous charpente précédant l'installation des voûtes pourrait expliquer par ailleurs les différences repérables entre les voûtes du collatéral, dépourvues de liernes et dont les quartiers se raccordent parfaitement aux formerets et les voûtes du vaisseau principal pourvues de liernes, dont les quartiers se raccordent bien au dessus des arcs formerets transversaux.

Ordonnance extérieure

Le pignon ouest frappe par sa nudité et son absence de décor : il n'est percé que d'une porte basse à double chanfrein, actuellement murée et d'un jour de comble pourvu de la même mouluration, détails qui montrent bien que cette modénature, largement employée au XIVe siècle, était réservée au XVe aux parties les plus modestes des édifices. Sur des photographies anciennes, des arrachements à la moitié inférieure du contrefort sud indiquent qu'il existait probablement à cet endroit une clôture fermant la cour au devant de la maison du chapelain. Près de l'angle supérieur nord, la reprise de la pente du pignon indique que, dans un même parti de simplicité, le collatéral nord ne comportait pas à cet endroit de balustrade.

Le front sud de la chapelle est marqué par l'importance presque surdimensionnée de ses deux porches et l'axe vertical de la tour d'escalier et du clocher médian qui équilibre la composition. Les deux porches de la nef et du chœur se présentent comme de subtiles variantes sur une même composition : en ressaut et plus important pour celui de la nef, plus petit et plaqué pour celui du chœur. Malgré les attaques de l'érosion, la qualité de leur sculpture est encore perceptible. La composition du porche de la nef à deux pilastres encadrant un haut gâble rappelle en plus simple celle du grand porche de la collégiale de Pont-Croix. Sa base largement évasée, ses contreforts cantonnés de fines colonnettes, couronnés de petites flèches, l'arc en plein cintre que surmonte une timide accolade, les proportions du gâble, ainsi que le traitement des ornements sculptés employés avec parcimonie, forment un ensemble d'un goût parfait. Curieusement, ce porche qui reproduit en miniature les grands modèles paroissiaux ne comporte que deux séries de quatre niches surmontées d'arcs en accolade. Il présente des traces d'ancienne polychromie. Le porche du chœur présente une version simplifiée du même modèle. Son appareillage est complètement solidaire du contrefort médian de la façade sud dont la position est légèrement décalée vers l'ouest pour permettre à la fois le développement des ébrasements du portail, l'intégration de la cage de l'escalier qui dessert le clocher et le percement d'une demi fenêtre éclairant la travée.

La vis d'escalier qui conduit au clocher dessert deux niveaux, d'abord les combles ainsi que la coursière qui cernait le toit du collatéral sud, puis au-dessus la plate-forme du clocheton. L'assise du clocher qui dépasse à peine le faîte du toit, est prolongée latéralement par deux guérites de plan carré ouvertes au nord et au sud, surmontées de tambours octogones en retrait qui portent des petites flèches. Le principe d'associer un clocheton à deux petites flèches latérales, déjà présent sur le pignon occidental de l'église Notre Dame du Kreisker vers 1400 se retrouve sur la croisée de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon aux alentours de 1440. La composition de Tronoën s'en distingue toutefois par le maintien d'un clocheton quadrangulaire et non polygonal qui puise probablement ses origines dans des formes antérieures locales comme le montre par exemple le clocher très simple de l'ancienne chapelle Saint-Jean-de-Locquéran près d'Audierne, bâtie au XIIIe siècle ou celle de Saint-Vio à Tréguennec, des XIVe et XVe siècles.

Le clocher de Tronoën inaugure une formule promise à un succès considérable en Cornouaille durant le XVe et le XVIe siècle. La composition générale en sera reprise aux alentours de 1500 sur les façades de Notre-Dame-de-la-Joie et de l'église de Kerity à Penmarc'h, celle de l'ancienne église détruite de Plonévez-Porzay et enfin dans une transposition superbe sur le clocher médian de l'église Saint-Nonna de Penmarc'h.

Les deux baies du chevet sont les seules de l'édifice à comporter des chapiteaux sur les meneaux qui séparent les lancettes, détail qui rappelle la maîtresse vitre de l'église des Carmes de Pont-L'Abbé mise en œuvre aux alentours de 1420. La reprise en couture oblique du pignon, les vestiges de la balustrade d'une ancienne coursière périphérique, des gargouilles destinées à évacuer un chéneau, enfin à la base du clocher, au nord, une porte d'accès murée aux trois quarts indiquent que le collatéral était à l'origine couvert par un toit à pente plus faible, indépendant du toit principal, disposition encore parfaitement visible sur l'église de Locronan.

L’examen de l’exceptionnel calvaire, au sud de la chapelle, en particulier le style des personnages et des costumes avait incité R. Couffon à y voir à juste titre une réalisation des années 1450-1470, contemporaine du chantier d’achèvement de la chapelle. Ce calvaire remarquable, l'un des premiers à comporter les croix du Christ et des larrons surmontant des scènes de la Vie de la Vierge, de l’Enfance et de la Passion du Christ réparties sur deux registres, serait le prototype des grands calvaires bretons. Sa dimension monumentale et la qualité exceptionnelle de certains de ses groupes sculptés en accord avec celle de la chapelle confirment l'intervention de commanditaires de tout premier plan.

  • Murs
    • granite pierre de taille
  • Toits
    ardoise
  • Couvrements
    • voûte d'ogives
  • Couvertures
    • flèche en maçonnerie
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier en vis sans jour
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Protections
    classé MH, 1907/08/27
  • Précisions sur la protection

    Chapelle (cad. B 101) : classement par arrêté du 27 août 1907.

  • Référence MH

Périodiques

  • COUFFON (René). “Saint-Jean-Trolimon. Chapelle Notre-Dame-de-Tronoën”, dans Congrès archéologique de France. Cornouaille 1957. p. 238-243.

Date(s) d'enquête : 2003; Date(s) de rédaction : 2003
Articulation des dossiers