Plan et ordonnance intérieure
Le parti à trois vaisseaux couverts par un toit unique et chevet plat, typiquement breton, atteint ici des proportions extrêmes, bien perceptibles lorsque l’on regarde le chevet de l’édifice. A l’intérieur, le vaisseau central s'élève à plus de 16,50 m, à la limite de la rupture d’équilibre. Sur la base de ce plan simple, sont venus se greffer du côté sud un porche surmonté d’une chambre haute, édifié dans la deuxième phase du chantier, puis, contre le côté oriental de ce même porche, au début du XVIe siècle, une chapelle privative, et un ossuaire d’attache à l’ouest.La première campagne, qui se déroule au cours de la première moitié du XVe siècle, probablement à partir de 1425 si l'on y rattache l'inscription citée plus haut, correspond globalement à toute la partie de la chapelle située à l’ouest du porche sud, à l’exception de la travée centrale de la façade ouest qui ne date que de 1512. A cette première phase appartiennent les bases de la tour de clocher implantée au bas du collatéral sud – comme le prouve, à l’intérieur, la liaison de sa maçonnerie de pierre de taille avec les premières piles de la nef – ainsi que les trois premières travées de la nef, y compris les deux piles de la troisième travée, plus importantes que toutes les autres. A l’intérieur, la partie basse de la tour est ouverte sur la première travée de la nef et le collatéral sud par deux arcades identiques, à double ressaut et larges chanfreins, sans bases ni chapiteaux, qui déterminent depuis l’origine une chapelle des fonts baptismaux. En face, au nord, une travée fermée comprend deux salles superposées, l'une au rez-de-chaussée qui passe pour avoir servi de prison, et l'autre au-dessus, qui abritait les ornements liturgiques, les bannières et les livres de chant. Les piles de la troisième travée, plus volumineuses que les autres, présentent du côté du vaisseau central un massif triangulaire à colonnettes qui était destiné à recevoir un grand arc diaphragme. Cet arc central devait être épaulé par deux autres en contrebas, au-dessus des collatéraux. En fait, seul a été réalisé l'arc qui traverse le collatéral nord, tandis que l'amorce d'un arc identique existe du côté sud. A l'évidence, ces éléments déterminent la limite initialement prévue entre la nef et le chœur de la chapelle. Si l'on ajoute au même alignement de ce côté la porte qui dessert la tour d'escalier sur le flanc sud de l'église, on peut imaginer facilement qu'il y eut à cet endroit un projet de clocher mur. C’est donc très probablement un édifice beaucoup plus court, avec une nef réduite de trois travées qui est alors prévu dans un premier temps ; au bas de la nef, des portes dans les collatéraux devaient servir d’accès ordinaire aux fidèles. Il faut enfin remarquer que les contreforts, dans l’axe des piles pour les trois premières travées de la nef du côté nord, se trouvent complètement désaxés sur tout le reste de la chapelle, argument supplémentaire qui plaide dans le sens de la chronologie avancée et d’un changement de parti en cours de construction.
Au cours de la deuxième moitié du XVe siècle, devant l’afflux des dons et des pèlerins, les dimensions initialement prévues ne suffisent probablement plus et l’on décide d’augmenter de deux travées la longueur de la nef et de décaler d’autant le commencement du chœur. Ce nouveau choix explique sans doute le retour à des piles octogonales, identiques à celles du bas de la nef, à l’exception d'une pile cruciforme du côté nord, déjà montée, pile qui devait correspondre au premier projet de chœur. L’entrée du nouveau chœur, décalée vers l'est n'est plus marquée par un arc transversal, mais, au niveau de la cinquième travée, par une poutre de gloire portée sur des corbelets de pierre, présente à cet endroit jusqu'à l'incendie de 1955. Sans doute faut-il imaginer à son aplomb au XVe siècle, une clôture ou un jubé de bois. Les colonnes des piles cruciformes, ornées d’un filet ou réglet, rappellent des modèles employés dans plusieurs édifices du Trégor et du Léon vers le milieu du XVe siècle.
La comparaison des baies du chevet avec celles du chœur de la chapelle de Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic, dont la maitresse-vitre date des années 1460, permet de situer l’édification du pignon dans la deuxième moitié du XVe siècle, en tout cas et de façon certaine, avant les années 1470-1480. Le dessin remarquable de la rosace, en forme d’étoile à six branches rappelle la baie de la chapelle de la commanderie de Runan achevée en 1438, également dédiée à “ Monseigneur saint Jean-Baptiste ”, selon les termes d’un mandement de Jean V en 1439. Les photographies de l’état ancien du chevet de Saint-Jean-du-Doigt présentent à la place de la branche inférieure de l’étoile, qui est une restitution fautive moderne, une queue de comète, allusion à l’étoile de Béthléem ainsi qu’à saint Jean, précurseur du Christ. Ce dessin au fort contenu symbolique est à rapprocher d’un rituel célébré à l’occasion du pardon de Saint-Jean-du-Doigt, celui d’une statuette d'ange tenant une torche enflammée, glissant le long d’un câble depuis le haut du clocher pour aller allumer un bûcher en contrebas. Les baies de la côtière sud, présentent toutes un dessin plus délié ainsi qu’un réseau plus aéré et des meneaux à arêtes qui les situent vers les années 1460-1480, l’une d’elles, la plus proche du chevet, comportant un réseau semblable à celui de la lucarne à claire-voie ouverte dans le versant du toit du cloître de Tréguier, construit vers 1460.
La construction du porche sud, traditionnellement réservé aux fidèles, est à mettre en relation avec cette extension de la nef vers l’est. Avec le décalage du chœur de deux travées lié au nouveau projet, ce porche ouvre bien sur la nef. Tous les détails de son architecture, son archivolte simple sans larmier saillant, ses crossettes de pignon encore larges, les chapiteaux et les bases en flacons des portes géminées de même que l'absence de larmier sur leurs accolades, le situent vers les années 1470-1480. L'inscription et la date de 1513, apposés sur le tympan, qui ont induit en erreur certains auteurs, ne concernent en réalité, que la fin du chantier [Selon P de Courcy, “ la clef porte les armes d’Yves de Goësbriand, possesseur, en 1513, de la seigneurie du Roslan ”]. La chapelle seigneuriale de l’Isle est venue se coller à l'est contre le porche sud dont elle occulte, à l'étage, une petite baie semblable à celle de l'ouest. Sa fenêtre à larmier en accolade et choux frisés, et pinacles latéraux portés sur des culots de feuillages, qui rappelle le porche sud de Saint-Melaine de Morlaix daté de 1489 permet d'en situer la construction vers 1490-1500.
Ordonnance extérieure
La silhouette contrastée de cette grande chapelle oppose ses grands pans de toiture descendant près du sol et, jaillissant de l’angle sud-ouest, son haut et fin clocher à galeries ajourées.
La façade ouest
La grande baie ouest porte, au revers, en haut de l'ébrasement nord, le chronogramme de 1512. Cette date précède de peu la date de consécration de l'édifice, en 1513, livrée par une inscription sous le porche sud. On peut raisonnablement se poser la question des motifs de cette réfection totale de la façade primitive, près d'un siècle après le début du chantier. Des éléments de réponse sont donnés par l'observation de son revers : on y découvre, du côté sud, une pile simple quadrangulaire, dépourvue de modénature, parfaitement liaisonnée avec la première pile de la nef qui supporte la tour. Cette pile carrée qui monte un peu au dessus des tailloirs de la nef comporte, à quelques assises en contrebas de son sommet, une console. Ces éléments sont probablement les vestiges de la disposition du revers de la façade primitive, destinée à recevoir à cet endroit une tribune d'orgue. Lors de la fin du chantier, au début du XVIe siècle, on aurait alors décidé, pour faire entrer davantage de lumière dans le vaisseau, de transférer la tribune d'orgue dans la deuxième travée de la nef au nord – emplacement que montrent les anciennes photographies de l'édifice – et de reconstruire la façade ouest pour y créer une grande baie, équivalente à celle du chevet. En même temps, on dut décider l'aménagement au nord des deux salles superposées. Lors de cette reprise, la pile carrée équivalente du côté nord à celle du sud n'a donc pas été refaite.
Le clocher Cette création exceptionnelle présente une originalité de conception et une ampleur qui n’est guère comparable qu’au clocher de la chapelle du-Kreisker à Saint-Pol-de-Léon, entrepris entre 1436 et 1439 sous l’évêque Jean Prigent. Son parti architectural est totalement inédit. Dès la conception d’origine, son accès se fait depuis la tourelle construite dans l’angle sud-ouest du porche sud, au droit de l’arc diaphragme initialement prévu entre la nef et le chœur, par une coursière ajourée qui longe au sud les deux premières travées de la nef. Le maître inconnu de Saint-Jean-du-Doigt reprend sur les deux tiers de la hauteur du clocher ce motif de coursières à claire-voie pour en souligner les différents étages. Leur dessin à arcatures trilobées et garde-corps à quadrilobes s’inspire en le simplifiant de celui des triforiums de Lamballe, de Saint-Brieuc et de Tréguier. La coursière qui joint la tourelle du porche sud à la tour et celle du premier étage au sud de la tour, identiques, correspondent à la première campagne d’édification du clocher, dans la première moitié du XVe siècle. Aux deuxième et troisième étages, des différences d’exécution permettent d’identifier une deuxième campagne : au lieu de se croiser avec la moulure de l’appui, l’arête verticale des arcatures est arrêtée peu avant sa base, détail qui dénonce une datation plus tardive, de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle. D’autre part, probablement conscient de la fragilité de cette structure, l’architecte l’a légèrement modifiée en insérant au milieu de la longueur des galeries, des piles servant de renfort, qui interrompent la continuité du dessin, tandis que sur la face ouest, la coursière prévue au niveau du deuxième étage a finalement été remplacée par une unique petite fenêtre. Au niveau de la dernière coursière enfin, les larmiers inférieur et supérieur, à profil en bec de corbin, sont prolongés sur les contreforts, accentuant ainsi l’effet de couronnement périphérique.
La distribution verticale de la tour liée à ces coursières n’est pas moins originale. Depuis le premier étage, une vis ménagée dans l’angle sud-ouest conduit au deuxième étage où les coursières sud et est donnent accès à une autre vis. Ces deux accès verticaux diamétralement opposés mènent au troisième étage au niveau duquel une coursière périphérique, ajourée sur les trois faces ouest, sud et est, aveugle aux trois quarts du côté nord, fait le tour complet. Enfin l’accès à la plate-forme se fait de nouveau uniquement par la vis sud-ouest. L’étage des cloches et le couronnement, plus tardifs, appartiennent à une dernière campagne, de la première moitié du XVIe siècle, ce qu’attestent l’emploi d’un décor de mouchettes rampantes, dans la frise qui orne la partie supérieure de la tour et dans la balustrade du sommet, ainsi que la modénature des grandes baies géminées. Avec des contreforts moins développés et des pinacles réduits, l’architecture de cet étage rappelle la tour de la chapelle de Saint Herbot, bâtie entre 1516 et 1529.
Enfin se pose la question de la flèche. Il est avéré qu’il n’y eut jamais à Saint-Jean-du-Doigt de flèche de pierre, ce qui explique sans doute le faible contrebutement de la tour, mais une flèche de charpente recouverte de feuilles de plomb. Ce parti ne permet guère de trancher sur le choix originel de l’architecte. Le clocheton unique, en pierre qui subsiste aujourd’hui sur l'angle sud-ouest et abrite le dégagement de la vis d’escalier, était autrefois complété par trois autres clochetons en charpente couverte de plomb. Cet ensemble frappé par la foudre en 1927 n’a pas résisté aux flammes de 1955 et depuis la tour de Saint-Jean-du-Doigt se dresse sans flèche.
Le portail de l’enclos
Le portail de l’enclos, élément important du chantier gothique de Saint-Jean-du-Doigt, souvent injustement laissé de côté, présente un décor à multiples voussures sans chapiteaux, pinacles latéraux posés sur l’arête et lions issants, que l'on retrouve identique sur les porches sud et ouest de Saint-Melaine de Morlaix, respectivement datés de 1489 et 1493 et dus à l’architecte Philippe Beaumanoir, permettant d'en situer la construction vers 1490. Avec celui de La Martyre, c'est donc l'un des premiers portails monumentaux d'enclos breton. Les niches de part et d'autre de la porte abritent les statues de saint Mériadec et de saint Jean-Baptiste, auxquels l'édifice est dédié. La corniche de son couronnement correspond à une plate-forme dont le garde-corps et l'escalier ont disparu. En effet, P. de Courcy rapporte qu’on voyait à son sommet “ un autel en pierre sur lequel se célébrait la messe matinale le jour du pardon. ” L’intervention en 1584-1585 de l’architecte Le Taillanter, relevée dans les comptes de la fabrique, ne concerne bien entendu que le percement du passage latéral à droite.