• inventaire topographique, Parc Naturel Régional d'Armorique
L'habitat rural sur la commune de Plougonven
  • Dénominations
    ferme, maison, étable à vaches, étable à chevaux, puits, manoir, logis
  • Aires d'études
    Parc Naturel Régional d'Armorique
  • Adresse
    • Commune : Plougonven

Comme l’on noté Christian Millet et Daniel Sanquier, « parler d’architecture rurale dans le Trégor finistérien avant le 18e siècle est pour ainsi dire impossible tant les exploitations paysannes, comme tout lieu de vie, se sont transformées durant les siècles suivants ». Le cas est particulièrement flagrant à Plougonven, où la deuxième moitié du 19e siècle et le début du 20e siècle a constitué une période de renouveau de l’habitat rural, traduit par de multiples ajouts, modifications, reconstructions et destructions des édifices préexistants. S’il existe quelques exceptions de constructions anciennes peu modifiées (Mézedern, L’Isle, Kerdavid, Kersahat…), on ne peut appréhender les constructions rurales que comme des ensembles issus d’époques successives. La deuxième moitié du 20e siècle a également été une période de modifications importantes de l’habitat rural, que ce soit au travers de modifications extérieures (ouvertures, toitures, reconstructions et réemplois de matériaux…) ou intérieures. La confrontation de l’enquête d’inventaire avec celle de 1970 réalisée sur la commune permet souvent de retracer l’histoire de ces modifications, mais également de révéler un certain nombre d’édifices ayant totalement disparu.

Si 225 anciennes fermes ont été recensées sur la commune, celles-ci renvoient à des réalités très différentes : chaque ferme forme des ensembles plus ou moins grands, constitués d’un ou plusieurs bâtiments, lieu d’habitation où se côtoient activités agricoles (cultures, stockage, élevage, maraichage…), domestiques ou économiques (travail complémentaire, tissage, couture…). Les édifices ou édicules les plus touchés par les disparitions sont les dépendances (étables, écuries, granges, puits…) qui, face à une perte d’usage et d’utilité, sont souvent en ruines ou détruites.

226 maisons ont été recensées.

Matériaux de construction et mises en oeuvre

Matériaux de construction

Les formes architecturales sont largement influencées par le sous-sol géologique local. L’éloignement des côtes du territoire communal, et l’absence de voies navigables, moyen privilégié pour le transport sur de longues distances, a d’autant plus forcé l’emploi de matériaux locaux sur la commune. Jusqu’au milieu du 19e siècle, face à un mauvais état général des routes et chemins et aux prix couteux des charrois, les matériaux employés dans la construction proviennent de carrières proches, dans un rayon de quelques kilomètres, plus souvent à proximité immédiate du chantier.

Abondants dans le sous-sol géologique de la commune, les granits et orthogneiss de Plougonven ont été massivement employés pour l’édification des constructions rurales, que ce soit en gros-œuvre (moellons et pierres de taille) ou pour des éléments structurels et de décors (saloir, cheminées, dallage, portail…). Plus généralement, on observe une association de tout venant, en fonction des ressources et contraintes locales. Dans la partie sud de la commune, la répartition géologique du sous-sol a entrainé des disparités de mise en œuvre, où l’on retrouve plus volontiers des murs en moellons de schistes et quartzites caractéristiques du flanc nord des monts d’Arrée. D’autres éléments peuvent s’insérer dans les maçonneries (quartzites, grès…), en fonction des besoins ou dans une recherche symbolique ou esthétique.

Des parties des édifices échappent également quasi systématiquement à cet apport immédiat de matériaux. Les encadrements de portes et fenêtres sont le plus souvent constitués de pierre de taille de granite clair provenant de communes voisines (granite de Guerlesquin, Plounéour-Ménez…), tandis que les toitures sont dès le 19e siècle massivement couvertes en ardoise de montagne. Une bande étroite de granite au sud de la commune a pu également servir de lieu d’extraction.

De manière générale, les matériaux et mises en œuvre du gros œuvre sont hétérogènes. Il est très fréquent de retrouver des murs de moellons alliant granit et orthogneiss, schistes (principalement au sud de la commune) et d’autres matériaux moins fréquents (quartz…). Le bois est utilisé pour les charpentes, planchers et cloisonnement (avec cependant quelques exemples de cheminées et encadrements utilisant ce matériau dans de petites constructions au sud de la commune). A de rares exceptions près, celui-ci n’est jamais utilisé comme linteau d’ouverture, même dans les bâtiments les plus modestes.

La généralisation des couvertures en ardoise au 19e siècle, qui remplace progressivement le chaume, est liée à son extraction particulièrement intensive au nord des monts d’Arrée notamment sur Commana et Plounéour-Ménez. En 1849, dans ses statistiques agricoles en pays de Morlaix, Jean-Marie Elouét différenciait deux types de constructions rurales : celles recouvertes de genêts ou de pailles, qui « y sont en très grand nombre et se rencontre dans tous les cantons », et celles recouvertes en ardoise, qui sont « plus communes dans [les cantons] de Plouigneau, de Lanmeur et de Saint-Thégonnec ». L’activité ardoisière du nord des monts d’Arrée (Commana, Plounéour-Ménez…) a ainsi facilité très tôt le remplacement des couvertures de genêts. Toutefois, le genêt fut employé encore jusque dans la première moitié du 20e siècle. Mais Jean-Marie Elouet notait déjà en 1849 que « depuis quelques années, le nombre des toits en chaume tend à diminuer d'une manière sensible. Dans les nouvelles constructions rurales qui s'élèvent tous les jours sur tous les points de l'arrondissement [de Morlaix], on abandonne le système des toits en chaume et on les remplace par des toits recouverts en ardoises. Tout porte à croire, qu'à une époque très-peu éloignée de nous, les premières constructions auront entièrement fait place aux secondes. »

L’ardoise de montagne, ardoise bleu-noir et épaisse caractéristique de la région des monts d’Arrée, était posée à pureau décroissant. Dès la fin du 19e siècle, des tuiles mécaniques importées d’Angleterre sont également venues couvrir de nombreuses dépendances à moindre coût.

A partir de la fin des années 1940, le renouveau des formes architecturales et des manières de vivre est concomitant de mises en œuvre et matériaux nouveaux dans la construction : béton et parpaing de ciment enduit. Dans les années 1950-1970, emblématique d’un style « néo-breton », le granite est alors toujours utilisé, non plus en maçonnerie, mais en parement. Depuis la fin du 20e siècle, la maçonnerie disparait de la construction (murs en parpaing de ciment enduit, pas de traitement différencié des ouvertures, couverture en ardoise d’Espagne…).

Formes et techniques de construction

Jusque dans les années 1850, les murs présentent quasi systématiquement des épaisseurs supérieures à 70 cm, quelle que soit la hauteur et l’ampleur du bâtiment. De nombreux exemples montrent une réelle recherche esthétique dans le traitement de maçonneries de qualité (assises régulières, joints fins, uniformité géologique…), autant dans différents manoirs ou logis nobles des 16e et 17e siècles (Mézedern, L’Isle, Goasvalé…) que dans des constructions plus modestes jusqu’aux alentours de 1800 (Kerhuelvez, Kerléoret, Penavern, Parc an Aotrou…).

Les exemples antérieurs au 15e siècle sont rares. Aux 16e et 17e siècles, les encadrements de portes et fenêtres sont le support d’un vocabulaire architectural gothique influencé par la Renaissance.

Aux 18e et 19e siècles, les réemplois de matériaux sont fréquents, surtout pour les pierres de taille. Si ces deux siècles ont vu l’édification de nombreuses constructions sur la commune, celles-ci s’implantent quasi systématiquement à l’emplacement ou à proximité immédiate de bâtiments préexistants. Nombreux sont les corps de fermes ou dépendances incorporant dans leur mise en œuvre des éléments anciens, facilement identifiables : encadrement de portes ou pierres datées réemployés dans les chainages d’angles ou les maçonneries, pierres d’encadrement mal ou partiellement remontées…

A partir du milieu du 19e siècle, l’épaisseur des murs tend à se réduire vers 50-60cm et les maçonneries perdent en qualité, dû à l’apparition de matériaux standardisés pour les encadrements et chainages d’angle (pierres de tailles de granit d’assise régulière d’environ 30 cm), et la généralisation des enduits de façades qui cachent les maçonneries. Les ouvertures sont systématiquement traitées en « harpe » régulière. Au début du 20e siècle, et surtout dans les années 1920-1930, les linteaux de portes et fenêtres présentent généralement une forme en fronton.

La période du milieu du 19e siècle au début du 20e siècle (1840-1930) est alors la période de construction la plus marqué sur le territoire.

Dates portées

Le recensement du patrimoine de la commune a permis de mettre en évidence 105 dates portées, réparties dans 82 édifices ou ensembles d’édifices, et majoritairement sculptées dans des linteaux de portes et fenêtres. La comparaison avec l’inventaire du patrimoine réalisé en 1970 montre une disparition de nombreuses dates, puisqu’en recoupant les deux enquêtes, on arrive à un total de 133 différentes dates portées. 7 de ces bâtiments datés ont totalement disparus, 9 n’ont pas pu être identifiés et ont très certainement disparu. La plupart des autres bâtiments a été fortement remaniée. Les dates portées ne correspondent pas toujours à l’époque de construction, et les réemplois sont fréquents.

- 2 dates seulement remontent au 16 siècle, aux manoirs de Mézedern et Goasvalé (1558, 1581).

- 23 dates remontent au 17e siècle, dont 4 ont disparu aujourd’hui

- 34 dates remontent au 18e siècle, dont 12 ont disparu aujourd’hui

- 61 dates remontent au 19e siècle, dont 11 ont disparu aujourd’hui

- 12 dates remontent à la première moitié du 20e siècle

La construction rurale antérieure au 19e siècle

Le manoir

A l’échelle communale, aucune typologie de manoir ne peut être dégagée, tant les époques de construction, les dispositions, aménagement intérieur et décors sont disparates. Inséré dans des courants architecturaux régionaux, le manoir breton s’est développé principalement du 14e au début du 17e siècle. La réformation de la noblesse de 1543, enquête opérée dans les divers évêchés de la Bretagne par les commissaires de la chambre des comptes pour rechercher ceux ayant usurpé la qualité de noble, est particulièrement intéressante puisqu’elle énumère les terres nobles de la paroisse de Plougonven ainsi que leurs possesseurs. On y retrouve 60 terres nobles, attachées à des manoirs, ou simples lieux nobles sans édifices et dépendances importantes. D’après Louis Le Guennec, les manoirs proprement dits, c’est-à-dire constituant de grands ensembles avec les privilèges attenants (chapelle, colombier, moulins, viviers, bois de futaie, prééminences dans l’église…) semblent avoir été au nombre d’une dizaine seulement : Rosampoul, Garspren, la Tour, Kerloaguen, Cosquer, Lesven, Guernarc’hant, Quistillic, Keraudren, Penanstang, Moguérou, Goasvalé et Mezédern. On en retrouve encore de nombreuses traces : vestiges du château de Rosampoul (détruit), parties d’édifices du 15e siècle à la Tour et ancienne métairie du 16e siècle (détruite), d’importants édifices, aujourd’hui disparus, existaient encore en 1970 à Keraudren et Pen ar Stang. Les manoirs de Kerloaguen, Mézedern, Goasvalé et Cosquer ont été construits au 16e siècle. Les manoirs de Mézedern et de Kerloaguen, seuls édifices protégés au titre des Monuments historiques sur la commune avec l’église Saint-Yves, ont été entièrement restaurés. Le manoir de Goasvalé est actuellement en très mauvais état. Le manoir du Cosquer, ainsi que le manoir de Quistillic, ont été fortement remaniés. Ces manoirs constituent ou ont constitués des grands ensembles bâtis par la noblesse aux 15e et 16e siècles, et forment un patrimoine exceptionnel de la commune.

Logis nobles et métairies

La construction rurale antérieure au 18e siècle est rares sur la commune, et plusieurs exemples repérés durant l’enquête de 1970 ont été fortement modifiés ou ont disparus.L’ancienne métairie de la Tour, la maison de Toulivinen ou encore plusieurs édifices non localisés sur la commune, recensés en 1970 et tous détruits, montrent une forme de constructions à plan carré et un étage habitable sous haut comble. La forme et le vocabulaire architectural développé datables de la première moitié du 16e siècle sont à rapprocher du petit manoir de Kergadiou.Plusieurs édifices recensés datent de cette époque. L’ancien manoir de Mengleuz présente des ouvertures en plein cintre chanfreinées et deux petites fenêtres à linteau à accolade, croisée et appui saillant, pouvant dater du 15e ou de la première moitié du 16e siècle. Les logis nobles de Kerdavid et de l’Isle présentent une même disposition selon un plan en « L », avec un logis datable du 16e siècle. A Kerglaz, Kerhuelvez ou Cosquer Pinard, les logis actuels, fortement remaniés, présentent encore des dispositions anciennes.

Fermes aux 17e et 18e siècles

Le nombre d’éléments datables de la deuxième moitié du 17e siècle et du 18e siècle est tout à fait sous-estimé dans le recensement du patrimoine réalisé sur la commune. Les nombreuses modifications des siècles suivants en étant la cause principale. Le recensement du patrimoine réalisé en 1970 montre que de nombreux bâtiments de cette période ont disparu (Trévédec Bras, Lezoen, deux fermes à Bourdidel, Peruniou, Kerangroaz…), et surtout que les modifications des ouvertures de portes et fenêtres rendent difficiles leur datation. Les anciennes fermes de Meshir (1773), Trélesquin (1747), Park an aotrou (1662), Gouélet Tréo, Kerhuelvez (1654, 1720), Corvéou (1751, 1779)… constituent des exemples en ce sens tout à fait remarquables.

Organisation spatiale des exploitations

Fermes à Porz Clos

En 1849, J-M Elouet constatait dans l’organisation des exploitations rurales du Pays de Morlaix, que « la maison manale, l'écurie et l'étable se trouvent souvent sur la même ligne et sont séparées entre elles par des pignons. » et que « le plus ordinairement, l’écurie et l’étable se trouvent placées derrière et de chaque côté de la maison manale, de manière à former une cour. Dans ces sortes de construction, la grange est séparée des autres constructions par l’aire à battre ou le paillier. » .

De ces deux descriptions d’organisation d’exploitations rurales qu’il juge assez représentative pour les généraliser à l’ensemble du Pays de Morlaix, si la première se retrouve fréquemment sur la commune de Plougonven, la deuxième a aujourd’hui pratiquement disparu. L’étude du cadastre napoléonien nous montre en effet qu’en 1838, le nombre d’unités présentant trois à quatre bâtiments agencés de manière à former une cour fermée est de 90. 52 de ces unités sont formés de quatre bâtiments délimitant une cour entièrement close, tandis que 38 d’entre elles sont formées de trois bâtiments agencés en « U ». Ces dispositions anciennes ont presque toujours disparu aujourd’hui, les exemples existants ayant peu évolué étant conservés à la petite Forêt, Pen ar Quinquis, Cosquer Dolzic, Gouélet Tréo, Lezoualc’h, Kerhuelvez et Park an Aotrou. La ferme de Cosquer Dolzic, construite au 18e siècle et peu remaniée, en est un exemple significatif. A l’arrière de la maison manale à avancée, une ouverture unique donne accès à une petite cour allongée délimitée par deux bâtiments abritant étables, écuries et lieux de stockage. Le puits est directement intégré dans la maçonnerie du bâtiment ouest. Un portail délimite la cour au nord, autrefois occupé par un bâtiment disparu. Un fournil et une grange, aujourd’hui disparue, complétaient l’ensemble.

Si les reconstructions de la deuxième moitié du 19e siècle ont eu tendance à abandonner ce type d’organisation des bâtiments constituant la ferme, bon nombre d’entre elles ont perduré jusque dans les années 1970. Les photographies du service de l’inventaire du patrimoine de Bretagne, prises durant la campagne d’inventaire de 1970 à Plougonven, montrent en effet que nombre d’entre elles existaient alors encore dans leur forme ancienne. Dans la majorité des cas, seule la maison d’habitation subsiste aujourd’hui, les bâtiments réservés anciennement pour l’élevage et l’agriculture, abandonnés, ont été démolis. Parmi d’autres, on peut citer les anciennes fermes de Disquéou, Lescuz, Moguérou Coatélan, Keradraon, Guerdual, Lezoen… dont la compréhension est actuellement biaisée par la disparition des bâtiments d’exploitation.

Des autres types d’organisation des exploitations, le plus souvent, les dépendances sont placées en alignement du logis, dans la continuité des murs pignons. La maison d’habitation peut également se placer perpendiculairement aux dépendances, selon une disposition en « L ». C’est surtout au 19e siècle que les exemples sont les plus nombreux. Il existe peu d’exemples de logis mixte sur la commune. Toutefois, les nombreuses reconstructions du 19e siècle ne permettent pas de connaitre précisément l’organisation ancienne des exploitations.

Organisation spatiale des exploitations au sud de la commune

Implantés dans la « montagne », les villages du sud de la commune présentent une organisation plus concentré de l’habitat. L’isolement de cette partie du territoire communal a entrainé une dispersion plus accru des exploitations, tout en poussant au regroupement. En 1846, à eux seuls, les villages de Kergorre, Kermeur, Kergreiz et Kerléoret comptaient 67 maisons et 358 individus, soit presque 10% de la population rurale (hors bourg, qui comptait alors 600 individus). Ces villages comptaient encore chacun jusqu’au début du 20e siècles une centaine d’habitants.

Jusqu’à la Révolution, le mode d’exploitation des terres y était alors dominé par les quevaises dépendant de l’abbaye du Relecq à Plounéour-Ménez. Hérité du Moyen Age, ce système d’exploitation permettait d’attirer de nouveaux colons sur des territoires aux terres difficiles, dominés par les landes et terres incultes des monts d’Arrée, et favorisait les défrichements. Les terres, loués mais transmissibles par héritage au plus jeune des fils, étaient souvent exploitées en commun et ont participé à la mise en place de petites unités agricoles regroupées en village. La majorité des habitations, qui ont pour la plupart été reconstruites à partir du 18e siècle et jusqu’au début du 19e siècle, prennent la forme de petites maisons à avancée à un seul niveau sous comble. Des dépendances, comme c’est le cas encore visible aux hameaux de Kergreiz et Kerléoret, étaient partagées en commun et situées au centre du hameau. Le hameau de Kervézec possédait sa propre chapelle. L’utilisation de roches locales dans les constructions, schistes bleus et quartz, accentue d’autant plus les différences avec le reste de la commune.

Le système de la quévaise fut interdit à la Révolution, considérant que cela se rapprochait du système féodal. Progressivement abandonné au cours du 19e siècle, cette organisation d’habitat tend à disparaitre et de nombreuses maisons ont disparu ou sont aujourd’hui à l’état de ruine.

Les superpositions de datations

La définition de l’organisation des exploitations sur la commune de Plougonven reste partielle tant les reconstructions du 19e siècle ont bouleversé les structures anciennes et les modifications et disparitions de la fin du 20e siècle ont été importantes. L’adoption du logis indépendant, dont les très nombreuses maisons de type « ternaire » attestent, s’est développé de manière uniforme sur tout le territoire, suivant un mouvement régional et national. Peu de fermes n’ont alors pas été transformées au cours du 19e siècle.

Typologies des formes d'habitat rural

La maison à escalier droit extérieur

Attestée dès le 16e siècle et jusqu’au 18e siècle, les maisons à escalier droit extérieur en façade sont liées à un agencement de l’habitat particulier : les deux pièces superposées, avec chacune une cheminée, ont chacune un accès séparé. On en retrouve cinq sur la commune, dont trois ont conservé leur escalier en pierre (Bocudon, Keralouant, Kerhervé, Kerhuelvez, la Boissière).

La maison de Kerhervé, qui date probablement du 16e siècle, présente une disposition que l’on retrouve sur des communes proches (Kerdennet à Guerlesquin, Runiou à Saint-Jean-du-Doigt, Kergariou à Botsorhel…). En face de la porte du 1er étage se situe incrusté dans le mur un renfoncement en plein cintre et une pierre d’évier sculpté d’une tête. Le reste de la pièce est occupé par une cheminée ouvragée en pierre et une fenêtre surmontée d’un linteau à accolade figurant une inscription et un calice, marque de prêtre.

Il semble que pour une partie de ces édifices, le premier étage a pu occuper une fonction symbolique et d’apparat. C’est le cas pour ces maisons de tisserand à escalier dont le premier étage pouvait servir de lieu de stockage ou de réception, sans que l’on puisse avancer, dans ces cas particulier, le statut et l’activité de leur propriétaire. Les mêmes dispositions et décors sur la façade se retrouvent à la Boissière et à Keralouant, ce qui laisse supposer que leur construction sont contemporaines. Les maisons de Bocudon et Kerhuelvez, plus tardives (18e siècle ?), et remaniées, laissent penser à une disposition plus commune d’habitat sur dépendance. Toutefois, les fonctions attribuées à chacune des pièces ont pu évoluer avec le temps, comme c’est le cas pour la maison de Kergariou en Botsorhel (18e siècle), dont les témoignages locaux rapportent que le rez-de-chaussée était occupé par une bergerie, disposition qui n’était probablement pas la fonction d’origine.

La maison à avancée : un espace et une architecture construits par et pour le mobilier

Les maisons à « avancée », appelé localement kuz-taol (littéralement « cache-table » en breton), sont particulièrement nombreuses sur la commune et en sont sans nul doute le patrimoine le plus emblématique. 95 édifices ayant cette disposition ont été ainsi recensés sur la commune. En 1970, il en existait 120 puisque 25 maisons à avancées recensées à cette époque ont disparu ou n’ont pas pu être retrouvées. Construites dans une large période du 17e au début du 20e siècle, ces maisons caractéristiques des monts d’Arrée, se retrouvent pourtant dans un secteur géographique large du nord de la Cornouaille, du Léon et du Trégor finistérien . J-M Elouet, en 1849, notait déjà que « dans presque toutes les fermes, la maison manale présente une aile qu'on désigne dans le pays [de Morlaix] par le nom de cuz-dol (cache table). Cette aile, qui se trouve constamment sur la façade et du côté de la cheminée est pourvue d'une petite croisée dans son pignon et est destinée à recevoir la table commune où la famille prend ses repas. » .

Il est rare de trouver un hameau sur la commune ne présentant pas une ou plusieurs maisons à avancée. Véritable « mode » constructive durant plus de trois siècles, l’intégralité de ces avancées sur la commune servait à accueillir une table et des bancs. C’est d’ailleurs une disposition que l’on retrouve majoritairement, quelle que soit l’époque de construction : l’avancée à pignon munie d’une niche servant de vaisselier et d’une petite fenêtre est située du côté de la cheminée, de l’autre côté de laquelle se situe le kuz-gwele (« cache-lit »), renfoncement dans le mur permettant d’accueillir un lit-clos. Différents éléments de mobilier (lits-clos, vaisselier, armoire…) structurent ainsi l’espace d’habitation constitué en rez-de-chaussée d’une pièce unique. Celle-ci est ainsi séparée en deux parties, l’une centrée autour du foyer de la cheminée, lieu de vie, et de l’autre côté de la pièce, une partie réservée au stockage, voire dans certains cas aux animaux.

On peut distinguer à Plougonven deux types de maisons à avancée : les maisons à étage, et les maisons à rez-de-chaussée, qui semblent correspondre à une période de construction plus restreinte, de la fin du 18e siècle au début du 19e siècle. Les maisons à avancée à un étage sont nombreuses (69 recensées en 2015 et 12 disparues recensées en 1970). Quelques exemples montrent que cette typologie existait dès le 17e siècle (Kersahat, Trélesquin, Quinquis…) et est devenue au 18e siècle assez répandue pour devenir le mode d’habitat privilégié d’une large part de la population rurale, indépendamment du statut des commanditaires. Ce mode d’expression architecturale, quasiment absent dans la construction noble, est investi par une petite élite paysanne qui en fait un mode d’habitat, une manière particulière d’appréhender la maison, intégrée dans des ensembles plus large (dépendances, cour, environnement bocager…) et constituant de petites unités agricoles dispersées sur le territoire. Les maisons à avancée en rez-de-chaussée sous comble (26 recensées) sont plus fréquentes au sud de la commune, qui présente des villages plus concentrés et isolés impliquant un mode de vie communautaire. Le type devait être plus répandu puisque 13 maisons recensées en 1970 ont disparu.

La maison de type « ternaire »

Dès le 18e siècle, une nouvelle forme d’habitat apparait notamment dans les milieux urbains, basé sur une rationalisation et une symétrie des façades, selon un modèle « ternaire » (les façades présentent le plus souvent trois travées symétriques axées sur une porte centrale). Proche de Plougonven, la ville de Guerlesquin fait ainsi figure de précurseur de par ses nombreuses maisons du 18e siècle suivant cette disposition. A Plougonven, quelques exemples montrent une apparition timide du type vers la fin du 18e siècle (Questel, Bourg).

La mairie, construite en 1849, ainsi que les écoles sur la commune (école Saint-Anne au Bourg en 1878, écoles à Kermeur et Saint-Eutrope en 1885), font partie des constructions publiques qui participent à la diffusion dans les campagnes de nouveaux modèles architecturaux. Ces constructions, qui suivent des plans standardisés relayés par les architectes départementaux, surtout à partir de la IIIe République, développent un nouveau vocabulaire architectural (symétrie, rationalisation des volumes et des espaces intérieurs, abaissement des toitures, traitement uniforme des ouvertures et chainages d’angle en « harpe »…) et de nouveaux matériaux (enduits, pierres de taille de granit standardisés et importés…).

226 maisons de type « ternaire » ont été recensées sur la commune, construites entre le début du 19e siècle et le début du 20e siècle, dont 61 à rez-de-chaussée sous comble, et 20 s’inspirant du modèle mais présentant plus de trois travées. Le modèle le plus fréquent étant un bâtiment à trois travées et trois niveaux (rez-de-chaussée, étage, comble). Le bourg est particulièrement surreprésenté puisque il possède à lui seul 85 maisons de ce type .

Lié à différents facteurs économiques, sociaux et culturels, ce nouveau modèle architectural va devenir le modèle unique des nouvelles constructions d’habitat sur la commune dès le milieu du 19e siècle, et jusque dans les années 1930. L’augmentation de la population rurale (la commune compte jusqu’à 4500 habitants au milieu du 19e siècle, dont 600 habitants au bourg) et l’amélioration des techniques agricoles entrainent un renouveau quasi généralisé des constructions rurales. Le gout pour la symétrie et la recherche de lumière par la mise en place d’ouvertures plus grande sont également liés à la généralisation de la fenêtre à petits bois et vitres. De même, les phénomènes d’industrialisation, l’amélioration des voies de communication et l’apparition du chemin de fer à la fin du siècle amènent à l’utilisation de matériaux standardisés et importés. Enfin, c’est surtout les normes hygiéniste et la séparation de plus en plus marquée des hommes et des animaux, qui poussent à la construction d’édifices exclusivement réservés à l’habitat, rompant nettement avec les pratiques anciennes.

Sur tout le territoire communal, il est fréquent que ces nouvelles maisons s’implantent donc à proximité ou sur des fermes préexistantes. L’apparition d’un nouveau logement étant souvent synonyme d’un déclassement des anciennes habitations au sein d’une même ferme en dépendance pour les animaux. Quelques maisons sont cependant construites ex-nihilo durant la période, le long des axes de communication (principalement sur la route reliant Plougonven à Morlaix), et sont à rapprocher des maisons de bourg dont la fonction commerciale est clairement affichée en rez-de-chaussée.

Le saloir

« Ce qui frappe lorsque l’on entre dans une maison de la commune de Plougonven, que cette maison soit noble ou petite, noble ou pauvre, c’est une auge en granit, située près de la porte en général, et qui peut être surmontée d’une étagère en granit ou en schiste, et d’une très petite ouverture. On trouve cette auge dans toutes les vieilles maisons, et jusqu’en 1870. ». Rapporté dans l’enquête d’inventaire de 1970 à Plougonven, le saloir est en effet indissociable de la construction. Placée à côté de la porte d’entrée, généralement du côté opposé à la cheminée, l’auge en granit est insérée dans la maçonnerie qu’elle traverse de part en part.

Les dépendances

Granges

54 granges ont été recensées sur la commune. 13 granges à porte charretière en mur gouttereau datables des 17e et 18e siècles (Bourdidel, Kerangroas, Kerdréoret, Kerhuelvez, Kersahat, la Boissière 1, la Tour, Lézern 1, Lézern 2, Moguérou Coatélan, Park an Aotrou, Pen ar Roz), et deux peut-être datables de la fin du 16e siècle (la Boissière 2, Péruniou), ont été recensées sur la commune. Les granges de Kerdréoret et de Kersahat sont datées respectivement 1696 et 1758. Toutes ont subi de fortes modifications ou reconstructions partielles.

La majorité des granges recensées présentent une ouverture en pignon, disposition classique au 19e siècle. Le plus souvent, l’ouverture est formée par l’absence d’un mur pignon lorsque la grange constitue un bâtiment isolé. D’autres formes existent, porte charretière sur pignon (bâtiments isolés ou en alignement) ou sur mur gouttereau (principalement lorsque la grange est positionné en alignement).

Puits

54 puits ont été recensés sur la commune. Le taux de disparition de ces dispositifs d’accès à l’eau autrefois vitaux, devenus simples ornements décoratifs ou désaffectés, est considérable compte tenu de la grandeur de la commune. Une très large partie de ces éléments est aujourd’hui à l’abandon. La totalité des puits est construite en moellons ou pierres de taille de granit et orthogneiss. Des dalles de schistes sont réservées pour le couvrement des puits les plus simples, ainsi que pour les garde-corps. 7 puits au moins présentent une petite niche intérieure associée à une rigole permettant un écoulement de l’eau directement dans une auge en pierre, posée à côté du puits (Kergorre, Mendy Kerléva, Cosquer Pinar, Kerbiguet, Kervézec, Trélesquin, Cosquer Dolzic). Le nombre de puits non accessibles, ruinés ou partiellement envahis par la végétation ne permet pas de savoir si le dispositif était plus fréquent. Plusieurs puits sont directement intégrés dans la maçonnerie d’un bâtiment (Keroudanet, la petite forêt, Cosquer Dolzic). 19 puits présentent une structure à fronton, et une toiture à double pan couverte en ardoise. Les exemples les plus soignés comportent un parement en pierre de taille, systématiquement en granit. Un puits daté du 18e siècle possède une ouverture cintrée (Trélesquin, 1747) et peut être à rapprocher des puits de Kergadiou et Keroudanet. Deux puits situés dans la ferme de Presbitel Coz et dans la cour du manoir de Kerloaguen présentent une même structure remarquable à quatre piliers de granit surmontés d’un dôme en pierre.

Porcheries, étables et écuries au 19e siècle

89 étables, ou crèches à vaches, 47 écuries, ou crèches à chevaux, ainsi que 48 porcheries ont été identifiées dans les 240 « fermes » recensées sur la commune. A ces éléments se rajoutent 109 « dépendances » recensées, dont la fonction précise n’a pu être définie, faute de témoignages ou d’inaccessibilité. Ces dépendances correspondent dans la majorité des cas à des étables ou écuries, ou à des lieux de stockage. L’évolution des usages rendant d’autant plus compliqué leur compréhension (reconversions, anciennes parties habitables, ruines, édifices trop modifiés…). Mis à part pour les ensembles manoriaux et quelques fermes du 18e siècle n’ayant pas ou peu été modifiés (Quinquis Meur, Cosquer Pinar, Quinquis…), les dépendances dont la datation est antérieure au 19e siècle sont rares. Les très nombreuses dépendances recensées montrent l’importance que l’élevage des porcs, vaches et chevaux à pris au cours du 19e siècle.

En 1851, 3047 personnes sont recensés comme actives sur la commune (agriculture, industries et commerces, professions libérales…), auxquelles sont rajoutés mendiants, vagabonds (302 individus), enfants en bas âge (1000 individus)… pour une population totale de 4419 habitants. 1486 propriétaires cultivateurs, fermiers, métayers ou colons sont recensés, auxquels il faut ajouter 456 journaliers et 680 domestiques attachés à une exploitation, soit un total de 2622 recensés ayant une profession principale agricole. La part de la population active vivant de la terre est alors de 86%.

D’après J-M Elouet, entre 1811 et 1846, le nombre de bovins à fortement augmenté dans tout l’arrondissement de Morlaix, passant de 45 556 têtes à 60 637. La commune de Plougonven comptait alors 2500 bovins en 1836 (dont 1800 vaches et 300 bœufs), puis 2867 en 1846 (le nombre de vaches passant à plus de 2000). De même, le nombre de chevaux a plus que doublé dans le même arrondissement entre 1813 et 1846, comptabilisant 625 chevaux pour Plougonven en 1825, puis 868 en 1846. La commune compte, en 1846, 510 porcs, et J-M Elouet note que « Le commerce qui s'en fait à Morlaix est très-considérable. D'après les renseignements qui nous ont été fournis par des hommes dignes de foi, on évalue à 15 000 têtes le nombre des porcs qu'on exporte annuellement de notre port. Ils proviennent généralement de Saint-Jean-du-Doigt, de Plouégat-Moysan, du Ponthou, de Plouigneau, de Botsorhel, etc., etc., et de quelques communes des arrondissements de Lannion et de Guimgamp. Ces animaux se vendent depuis l'âge d'un an jusqu'à 15 mois. On les embarque pour tous les ports de France, et particulièrement pour le Havre. La plus grande partie est destinée aux approvisionnements des navires et principalement de ceux qui font la pêche de la morue et celle de la baleine. On en expédie aussi beaucoup en Algérie. ».

La multitude de petites exploitations agricoles permet cependant de nuancer ces chiffres : on trouve rarement de fermes possédant plus de 3 ou 4 vaches, 1 ou 2 chevaux et porcs. La forme des dépendances en atteste, les crèches à vaches et chevaux sont petites ; les porcheries, très basse, permettent « d’engraisser » un, voire deux cochons. Construits de manière isolée ou en alignement de la maison, les procédés de constructions sont les mêmes que dans l’habitat du 19e siècle : chainage d’angles, ouvertures de portes et fenêtres sont traités en pierres de taille de granit agencées en harpe. Les fenêtres, de petites dimensions, sont souvent réduites à un simple jour, dont la fonction semble plus être d’apporter une aération que de la lumière. Les porcheries constituent une forme à part : de petites dimensions, elles sont le plus souvent placées en appentis sur un pignon. Ces petits bâtiments sont alors fragiles, et beaucoup ont disparu.

Date(s) d'enquête : 2015; Date(s) de rédaction : 2015