Ferme et métairies de l'abbaye [A.D. Ille-et-Vilaine, série 1Q 897]
La ferme du bourg et les métairies du Feuillet (le Fayet), de Landrot (Landrotte), de la Hamonais (la Hamonnais) et de Champie (Chantepie) sont décrites dans un document rédigé le 14 mai 1790 par Cuisnier, maire de Saint-Sulpice. Elles appartenaient à l'abbaye de Saint-Sulpice avant la Révolution.
La ferme du bourg est aussi décrite dans un procès-verbal d'estimation du 17 novembre 1790, où on la nomme "grande auberge de Saint-Sulpice", ce qui est vraisemblablement plus correct. En effet, elle se composait d'une cave, d'un salon, d'une cuisine, d'un cellier, de chambres et de cabinets, et d'un passage charretier fermé de chaque côté. La halle-grange, contenant deux pressoirs, est donnée comme une dépendance, tout comme le fournil-écurie-geôle à côté. L'importance de ses bâtiments et leur relative richesse, notamment la pierre des solins, témoigne des moyens mis en oeuvre par les propriétaires. Ces trois édifices sont toujours en place. L'auberge "A l'Ecu de France" a été remaniée, et les colombages sont cachés par un enduit épais. De même, la dépendance, de l'autre côté de la rue, a été modifiée pour êtretranformée en totalité en écurie, aux dépens du fournil et de la geôle. La situation en bourg et l'activité d'auberge justifiait sans doute le statut de ferme plutôt que celui de métairie, car les revenus en nature devaient être moindre.
Les métairies du Feuillet, de Landrot, de la Hamonais étaient situées à proximité de la route de Saint-Denis (vers la forêt), tandis que celle de Champie dépendait directement de l'abbaye toute proche. De nombreux traits évoqués dans le texte de 1790 les rapprochaient. Les matériaux d'abord : terre sur solin de pierre et couverture en ardoise pour le bâtiment principal, terre et couverture en paille pour le refuge à porcs. En ce qui concerne l'organisation, les bâtiments étaient bâtis autour d'une cour qu'ils fermaient sur deux côtés au moins. Toutes les métairies avaient au moins une étable et une grange comme dépendances. Par ailleurs, presque tous les logis avaient un grenier et les étables avaient un fenil. De plus, la façade du bâtiment principal était toujours à l'est ou au sud. Cette organisation se retrouvait dans la plupart des fermes de la région, même si les bâtiments semblaient ici plus vastes que la moyenne. Toutes les métairies étaient entourées de plusieurs jardins, de nombreux prés, de bois et futaies, de diverses landes, etc. On peut ajouter que chacune des métairies n'abritait apparemment qu'un seul ménage, c'est-à-dire six personnes en moyenne (voir le recensement de 1846).
En revanche, on peut noter que la métairie de la Hamonais était plus riche, car elle possèdait deux étables, une cave et surtout une chambre avec cheminée, au-dessus de la cave, surplombée d'un grenier, soit trois niveaux superposés. De plus, sa grange était construite en pierre, ce qui était fort rare dans la région. Celle de Landrot, à l'inverse, se rapprochait de la métairie simple et classique, avec une demeure, une pièce de décharge et une étable sous le même toit, avec un refuge à porcs en appentis et seulement une grange dans la cour. Dans la métairie du Feuillet, tout était dédoublé : deux pièces pour la maison principale, deux étables, deux refuges à porcs, et une vaste grange : on peut penser que deux familles vivaient là. Une autre particularité résidait dans la présence d'un étage de combles servant de grenier : il était rare de trouver trois niveaux dans une métairie, et ceci prouve une fois de plus la richesse de l'abbaye. Quant à Champie, sa particularité était de posséder une très longue grange (60 pieds, soit 20 mètres), plus longue que le bâtiment principale (demeure, pièce de décharge, étable) et surtout une écurie, dépendance rare dans les exploitations agricoles de la région, à cette époque ; ceci est aussi un signe de la richesse de l'abbaye à cette époque, cause et conséquence de la richesse de ses métairies.
Ces métairies ont généralement été remaniées au 19e siècle, en particulier les étables, adaptées aux évolutions de l'agriculture à cette époque (spécialisation, modernisation). Cela est visible dans la forme des ouvertures, dans l'utilisation de la brique autour de ces ouvertures, etc. Il en a été de même à notre époque, mais cela s'est fait sentir plutôt par la construction de dépendances agricoles modernes, sans modifications importantes des édifices anciens.
Erwan LE TEXIER.