Le fief de la Martinière, cité dès le milieu du 13e siècle est l'un des plus anciens de Rennes. Il appartient jusqu'à la fin du 15e siècle à une famille du même nom, jusqu'à son acquisition vers 1503 par un puissant personnage, Alain Marec, sénéchal de Rennes, ancien conseiller aux grands jours de Bretagne (1) Ce dernier reconstruit, vers 1510, à côté du manoir originel, un somptueux logis, dont ne subsiste aujourd'hui que le corps d'entrée marqué à la manière d'un châtelet par deux tours.
Une déclaration au domaine royal de 1678, faite par Jean Barrin du Boisgeffroy, baron de Montbarot, donne une description complète de la Martinière, siège principal de la seigneurie : la précision de ce texte, révélé par l'historien rennais Pocquet du Haut Jussé, de même que son grand intérêt pour l'histoire du site, justifie d'en donner de nouveau, en annexe, une complète transcription. Ce texte cherche d'abord à montrer l'importance du lieu, par un inventaire systématique de toutes ses parties. L'environnement du château lui-même est bien entendu, pris en considération comme élément significatif de l'éminence du lieu. Les multiples avenues et rabines, plantées de chênes, de charmes et de hêtres, le jardin et son orangerie, d'un luxe alors tout nouveau en 1678, le moulin et son étang borné par sa chaussée sont des marques de prestige auxquelles s'ajoute la référence à une dimension historique. Ainsi la mention d'une pièce de terre plantée d´arbres fruitiers où était autrefois le grand bois de haute futaie, fait-elle état de l'ancienneté du lieu en précisant ses dispositions antérieures. Ce même souci de fondation en légitimité, éminemment féodal, oriente la description de la métairie de la Porte dont le texte nous apprend qu'elle est anciennement appelée la Haute Martinière. La longueur du logis représenté sur le cadastre de 1842, la présence, dans sa cour de la fuye et de la chapelle indiquent qu'il s'agit probablement du manoir primitif dont la construction devait remonter au 14e ou au 15e siècle.
Le quadrilatère du nouveau château bâti par Alain Marec est entièrement décrit avec son corps principal au fond de la cour, sa galerie de liaison avec le corps d'entrée, construite en pan de bois. La description du corps d´entrée, seul élément subsistant aujourd´hui, est la plus minutieuse, elle insiste sur l'importance symbolique de ses tours et leur éventuel rôle défensif (les tirs flanquants), mentionne les portes charretières et piétonnes, et jusqu'aux deux tourelles d'escalier de sa façade postérieure qui font de ce logis du portail une habitation suffisante pour être jugée digne par le propriétaire, au 17e siècle d'en faire sa retenue. Par ailleurs, cette appellation de retenue dont le texte nous précise qu'elle est habitée, signifie implicitement que le propriétaire loue le reste du château, peut-être à l´une des ses nombreuses familles de la noblesse parlementaire en quête d´une résidence proche de la ville, et jette un éclairage sur une pratique sans doute assez répandue à l´époque. L'importance de ce corps d'entrée qui occupe tout le front sud de la cour est encore sensible aujourd'hui même si sa partie ouest a été reconstruite dans la première moitié du XIXe siècle. Ce logis-porte en forme de châtelet à deux tours, sans doute parmi les derniers construits en haute Bretagne, se rattache symboliquement à une lignée inaugurée dans les grands ensembles féodaux du 14e siècle tels Montmuran et Montauban de Bretagne.
Son décor, traité à la manière d´un frontispice, mettant bien en évidence au dessus de la porte charretière les armoiries d´Alain Marech, est assussi sans doute une des premières manifestations à Rennes du répertoire ornemental renaissance.
La galerie de liaison soutenue par des piliers de pierre de taille, sans doute édifiée en pan de bois, les pavillons flanquant le devant et l'arrière du principal logis, signalent un ensemble d'une grande richesse. Les manoir à plusieurs corps de logis et galerie ne sont pas fréquents au 16e siècle, et plusieurs n´ont jamais été menés à terme ; comme celui de Lanrigan près de Combourg. Ce nouveau logis édifié par Alain Marec vers 1500 est à rapprocher des luxueuses constructions réalisées dans le pays de Rennes par une autre grande famille récemment anoblie, celle des Thierry. Le château du Boisorcant à Noyal-sur-Vilaine est sans doute alors une des seules demeures des environs dont le l´ampleur et le luxe peuvent soutenir la comparaison avec la Martinière.
(1) L'historique de la Haute Martinière depuis le début du XVIe siècle a été tracé par B-A Pocquet du Haut Jussé in Visites et excursions à Rennes.