Dossier d’œuvre architecture IA35132230 | Réalisé par
  • étude d'inventaire, Inventaire du patrimoine du Parc naturel régional de la Vallée de la Rance - Côte d'Emeraude
Demeure, dite malouinière de la Chipaudière (Saint-Malo)
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Collection particulière

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Saint-Malo
  • Commune Saint-Malo
  • Lieu-dit Chipaudière (la)
  • Dénominations
    demeure

Au bout de son miroir d’eau, nichée dans son très grand parc et avec ses sept travées, la Chipaudière évoque davantage un château classique à la française qu’une architecture d’ingénieurs. Elle est construite entre 1710 et 1720 pour François-Auguste Magon de la Lande (1679-1761), l’un des plus riches armateurs de Saint-Malo. Elle se distingue par un avant-corps polygonal abritant un grand salon ovale, ouvert sur le jardin. Cette disposition est reprise très rapidement dans d’autres malouinières, notamment dans le cercle familial des Magon (le Bosc, la Balue). À l’inverse de sa sécheresse extérieure, toute militaire (on attribue traditionnellement la Chipaudière à l'ingénieur Siméon Garengeau), les décors intérieurs et le raffinement du parc donnent la mesure du prestige des commanditaires. Le portail, la rabine, un colombier et une chapelle dédiée à Notre-Dame de l’Assomption et datée de 1732 partagent la même qualité de taille et de mise en oeuvre que le logis lui-même. Cette surenchère constructive consacre un nouveau type de malouinière, où la "maison de plaisance" tend à devenir un château.

[Véronique Orain, Lionel Besnard, étude d'inventaire topographique, 2023]

La terre de la Chipaudière devient l'apanage des Magon par suite du mariage en 1643 de Suzanne Grout avec Nicolas Magon de la Lande. L'imposante demeure qui succède à la résidence primitive, reconstruite vers 1715, est la conséquence de l'exceptionnelle réussite financière de la famille, qui compte un comptoir à Cadix (Espagne), où réside plusieurs années le commanditaire de la malouinière, François-Auguste. C'est ce dernier qui dirige la maison familiale à partir de la mort de son père en 1709, alors que le négoce prend une nouvelle dimension avec le commerce interlope vers les colonies espagnoles d'Amérique du Sud, établi par le milieu malouin pendant la guerre de succession d'Espagne. En août 1710, le retour de Lima du navire "Notre-Dame de l'Assomption" occasionne un tel bénéfice qu'il provoque un conflit ouvert avec le pouvoir royal au sujet du montant de l'impôt. Plus de quatre millions de livres sont déclarées, mais la rumeur publique fait mention d'un bénéfice bien supérieur. Cette réussite financière permet de contextualiser la construction presque contemporaine de plusieurs malouinières d'exception dans le même giron familial (la Balue, le Bosc, la Ville Bague...).

Le mariage de Nicole-Françoise Magon de la Lande à la Chipaudière en septembre 1724 atteste de l'installation de la famille dans sa nouvelle résidence rurale à cette date. La chapelle Notre-Dame de l'Assomption est fondée, quant à elle, en juin 1732. En 1776, Nicolas-Auguste Magon achète le domaine voisin du Vau Salmon qui agrandit considérablement le domaine, pillé en 1793 lors de l'arrestation d'Erasme Magon.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 18e siècle

Construction de plan rectangulaire, ramassé, à deux étages sous comble et à sept travées. L'avant-corps en hémicycle ouvert sur le jardin semble avoir une dette, précoce, envers celui de Champs-sur-Marne (1706), ce qui atteste de contacts entre les milieux d'affaires malouin et parisien. Si la façade affiche une certaine sévérité ponctuée de chainages d'angle en bossages, de bandeaux de granite encadrant des surfaces enduites masquant une mise en oeuvre de moëllons, l'intérieur est digne des résidences les plus luxueuses de la période: boiseries dans le goût de Bérain du salon ovale, mobilier liturgique de la chapelle, rampe d'escalier en ferronnerie, rare dans le contexte malouin... Cette nouveauté inspirée des plus récents aménagements à Versailles ou Paris s'établit en contrepoint d'un goût pour certaines permanences issues de modèles plus anciens, comme par exemple la forte pente du toit à la française, distinguée par ses hautes souches de cheminées épaulées de contreforts.

Le jardin organisé autour de l'étang traité en canal s'inscrit dans la tradition de Le Nôtre.

  • Murs
    • granite pierre de taille
    • schiste moellon enduit
    • grès moellon enduit
  • Toits
    ardoise
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée
  • Protections
    classé MH, 1982/02/02
  • Référence MH

Bibliographie

  • LESPAGNOL André, Messieurs de Saint-Malo. Éditions l'Ancre de Marine. SAINT-MALO, 1990.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel) : 35 ST MAL
  • INVENTAIRE GÉNÉRAL DES MONUMENTS ET DES RICHESSES ARTISTIQUES DE LA France, BARRIE, Roger, RIOULT, Jean-Jacques. Région Bretagne. Les malouinières - Ille-et-Vilaine. Rennes : Association pour l'Inventaire Bretagne, 1997, (Images du patrimoine, n°8).

  • Région Bretagne. Vallée de la Rance & Côte d'Emeraude, Patrimoine d'un parc. Région Bretagne/Locus Solus éd.Châteaulin. 2022.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel) : Pat G
  • Foucqueron Gilles, Saint-Malo, 2000 ans d'Histoire, Saint-Malo, 2 vol., 1661 p.

Date(s) d'enquête : 1992; Date(s) de rédaction : 1993, 2023