Dossier thématique IA56132188 | Réalisé par
  • enquête thématique départementale, PNR Golfe du Morbihan - Patrimoine bâti maritime
Les pratiques de pêche littorale dans le golfe du Morbihan (Parc naturel régional du Golfe du Morbihan)

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Précisions oeuvre située en partie sur la commune
  • Aires d'études
    PNR Golfe du Morbihan

Dès l’existence de la petite mer, « Mor Bihan » en breton, les populations locales ont dû se livrer à la pêche : pêche à pied, pêche embarquée avec les premières pirogues monoxyles et construction de pièges à poissons. Puis, à partir du milieu du 19e siècle, est pratiquée la pêche au carrelet. La montée des eaux, l’évolution des pratiques et le passage du temps, ont effacé la plupart des traces de ces constructions et porté à l’oubli ces usages. Sur le territoire d’étude ces ouvrages de pêche sont peu nombreux. Ils forment un patrimoine maritime méconnu et aujourd’hui menacé de destruction par des aménagements (parcs à huîtres, ports, etc.), des facteurs naturels (tempêtes, érosion côtière) ou par abandon. L’inventaire de ces ouvrages constitue une première étape dans la connaissance et la préservation de ce patrimoine et des savoir-faire associés.

(Irène Béguier)

Le golfe du Morbihan est un milieu favorable à la pêche. Ses nombreux îles et îlots, courants violents, vasières et herbiers offrent aux poissons un espace privilégié, riche en ressources alimentaires et propice à la reproduction. « Le golfe du Morbihan, cela n’est pas contestable, est admirablement disposé pour la reproduction des espèces… Les nombreuses îles qui y sont disséminées empêchent la mer de prendre des proportions redoutables pour le poisson, qui se trouve par suite dans les conditions qu’il recherche pour le dépôt de son frai. De plus il rencontre une nourriture facile et abondante dans les herbiers »(1). Les populations littorales du golfe ont eu recours à différentes techniques de pêche : pêche à pied, à partir de petites embarcations à l’aviron ou encore à l’aide de pièges à poissons ou de carrelets.

Les pièges à poissons

À la préhistoire, les activités halieutiques qui se développent sur la façade maritime de la péninsule bretonne ont pu favoriser la sédentarisation des groupes de pêcheurs-collecteurs sur ces rivages. D’anciens aménagements littoraux, tels des pièges à poissons en bois ou/et en pierre, témoignent de techniques de pêche et de récolte de produits de la mer. Appelées gors, goret, gored, gorbont sur les côtes bretonnes, ces anciennes installations fixes de piégeage permettaient de récupérer des poissons vivants ou des crustacés à marée descendante, soit pour une consommation immédiate, soit pour constituer des viviers. Sur les 582 pêcheries fixes recensées en Bretagne, le golfe du Morbihan en compte 19 qui ont pu être identifiées grâce à des restes de barrages empierrés(2).

Déterminer la période d’implantation de ces pièges à poissons n’est pas aisé en l’absence de source documentaire (cartes et textes anciens) ou de restes organiques permettant d’effectuer une datation au carbone 14. Cependant, une méthode pour dater l’installation des pièges à poissons à partir de la variation du niveau marin a été développée par M.-Y. Daire et L. Langouët(3). Le piège à poisson implanté sur la plage du Gored à l’Île aux Moines date du Moyen-Âge ; ceux reliant Lamor Baden à l’île Berder, au lieu-dit La pêcherie, remontent à l’Époque moderne. La datation des autres pièges reste à préciser, mais certains, tel que celui de Locmariaquer, pourraient dater de l’Âge des métaux (Âge du Fer, Âge du Bronze).

Ces anciens pièges à poissons témoignent de l’adaptation de l’Homme au milieu littoral avec la mise en place d’une véritable stratégie de pêche, apportant un apport régulier et quotidien de produits de la mer. À l’instar de la salaison, les parcs, véritables « réservoirs à poissons » vont alimenter le commerce maritime. Il y en a eu durant tout le Moyen-Âge et jusqu’à l’époque Moderne puisque l’ordonnance sur la marine établie par Colbert en 1681 en donne la définition : « Sous le nom de parcs et pêcheries maritimes, on entend tout espace circonscrit sur les grèves dont quelqu’un s’est mis en possession à dessein de s’y attribuer un droit de pêche exclusif soit pour le temps perpétuel de la pêche, soit en vue d’un établissement perpétuel ». En effet, à partir du XVIIe siècle le rivage de la mer est intégré au Domaine Public Maritime et au XVIIIe siècle les pêcheries deviennent un enjeu de pouvoir. Au début du XVIIIe siècle, une administration dédiée aux pêches maritimes se met en place. Officiellement dans une optique de protection des ressources halieutiques, François Le Masson du Parc, premier titulaire de la charge d’inspecteur des pêches, est mandaté pour fournir un état des lieux des pêcheries fixes et en interdire, le cas échéant, l’usage pour non-conformité aux réglementations en vigueur(4). En 1769, dans son ouvrage sur la pêche(5), Henri-Louis Duhamel de Monceau alerte sur les comportements abusifs des pêcheurs « qui tendent impunément leurs filets à toutes les époques de l’année, et laissent journellement périr sur le rivage une multitude poissons trop petits pour être vendus ». Un siècle plus tard, vers le milieu du XIXe siècle, c’est au tour du Professeur Coste du Collège de France de proposer au Ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics, une alternative à l’exploitation excessive des ressources marines et des mesures pour respecter le cycle de renouvellement des espèces(6). A partir de cette période, les pêcheries ne seront plus autorisées et la loi des pêches de 1852 va ajuster la réglementation à une situation de tolérance(7).

La pêche au carrelet

Le golfe du Morbihan comporte également des témoignages d’une pratique de pêche apparue plus tardivement, la pêche au carrelet. L’apparition du carrelet est difficile à dater mais le mot, avec l’orthographe de “quarlet”, date de 1360 environ(8). Les premiers carrelets servent pour la pêche à pied, puis sont progressivement installés en poste fixe à quelques mètres du rivage. Sur le territoire du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, quelques installations fixes sont encore lisibles dans le paysage, le long des méandres de la rivière du Loch. Les premiers, en bois, ont été réalisés par les cheminots d'Auray à partir du milieu du 19e siècle pour répondre à un besoin de complément alimentaire. Une autorisation de posséder un carrelet était demandée auprès des Affaires maritimes par les familles. Les carrelets étaient installés sur la rive, mais quelques pêcheurs en équipaient l’arrière de leurs petits bateaux. Anguilles, plies, mulets, bars, crevettes, etc. étaient ainsi attrapés dans les mailles resserrées du filet. Après 1940, la pêche au carrelet retrouve sa fonction de moyen de subsistance. Aujourd’hui neuf carrelets, présentant différents états de conservation, sont observés le long de la rivière du Loch : trois côté Pluneret, six côté Brech. Quelques-uns, constitués de parties en bois et/ou métal et d'un filet amovible, sont encore utilisés ponctuellement pour une activité de loisir.

Notes et références :

1 - Archives de l’arrondissement maritime de Lorient : Correspondance au départ (1849-1900) - 4P2 12 : 24 juin 1884.

2 - G. Prigent, Les pêcheries de Bretagne, Archéologie et Histoire des pêcheries d’estran, 2008, p. 5-6, 144 p.

3 - M.-Y. Daire et L. Langouët «Sur la chronologie des pêcheries fixes : le point de vue de l’archéologie », dans M-Y Daire et L. Langouët (dir), Les pêcheries de Bretagne, Archéologie et Histoire des pêcheries d’estran, 2008, p. 51-61, 144 p.

4 - O. Levasseur « Les pêcheries sur les côtes septentrionales de Bretagne » dans M-Y Daire et L. Langouët (dir), Les pêcheries de Bretagne, Archéologie et Histoire des pêcheries d’estran, 2008, p. 11-34, 144 p.

5 - H. L. Duhamel Du Monceau et al., Traité général des pesches et histoire des poissons qu'elles fournissent, tant pour la subsistance des hommes, que pour plusieurs autres usages qui ont rapport aux arts et au commerce, 1769-1782.

6 - G. Prigent, Les pêcheries de Bretagne, Archéologie et Histoire des pêcheries d’estran, 2008, p. 5-6, 144 p.

7 - Des pêcheries fixes en pierre sont encore en activité sur l’Ile d’Oléron, tout comme d’autres, en bois sur la côte ouest du Cotentin (communication orale Alain Mercier).

8 - Joël Rasteau, Association “Les amis de Saint-Palais”, Une histoire des carrelets sur ponton, L’Estuarien, N° 21, Juillet 2007.

  • Période(s)
    • Principale : Néolithique, Protohistoire, Moyen Age, Epoque contemporaine , (incertitude)

Les pièges à poissons

Les pièges à poissons sont installés sur l’estran, dans des zones rocheuses ou sédimentaires (sableuses ou vaseuses), en des endroits où le flux des marées ou les courants riverains sont mis à profit ; ainsi des anses, des chenaux ou des estuaires. Ces pièges à poissons se présentent sous deux formes : des parcs (ou écluses) ou des pêcheries fixes en bois. Ces deux installations formaient en amont un biez d’eau de mer, dans lequel se trouvaient piégés les poissons.

Les parcs étaient constitués de bas murets de pierres sèches, s’appuyant le plus souvent sur des « roches », formant ainsi un barrage. Ils pouvaient comporter une ouverture, dénommée pertuis, où était placée une grille, une nasse ou un filet. La récupération des prises se faisait dès lors une fois le biez vidé. Pour les parcs ne comportant pas de pertuis, les poissons étaient collectés à l’aide d’outils, de type haveneau, dans le fond d’eau qui subsistait en amont du barrage lors du reflux, après le vidage du biez. Les pêcheries fixes en bois, quant à elles, étaient formées à partir de lignes de pieux de bois entre lesquels étaient entrelacés des clayonnages de branches ou de matières végétales. Souvent, elles comprenaient deux pannes à la croisée desquelles se trouvait un pertuis sur lequel était fixé une nasse ou un filet(9).

En raison de la périssabilité du matériaux bois, les pêcheries fixes en pierre se sont mieux conservées. Actuellement, dans le golfe, seuls des barrages empierrés ont été observés et, exceptés ceux du Petit Mont et de l’anse de Bernon à Arzon et celui du Rocher de Bourseaux à Locmariaquer, tous possèdent au moins un pertuis.

Des vestiges d'aménagements en pierre, installés sur l'estran, ont été observés sur la commune de Sarzeau, sur sa façade golfe à hauteur de Kergeorget et sur sa façade atlantique, à hauteur de Penvins et de Banastère. Leur fonction n'a pour le moment pas été déterminée.

Les pêcheries fixes constituent un patrimoine maritime méconnu et aujourd’hui menacé de destruction par des aménagements (parcs à huîtres, ports, etc.) ou des facteurs naturels (tempêtes, érosion côtière). Leur inventaire par l’ADRAMAR et AMARAI(10) ainsi que leur valorisation dans le cadre de la mission d’inventaire du patrimoine bâti maritime mené sur le territoire du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, en partenariat avec la région Bretagne, constituent une première étape dans la connaissance et la préservation de ce patrimoine et des savoir-faire associés.

La pêche au carrelet

Les premiers carrelets étaient en bois, formés d’une nappe ou filet de pêche carré monté sur deux cerceaux, fixée au bout d’une perche. Ils servaient pour la pêche à pied, et étaient parfois installés à l’arrière de barque de pêcheurs(11). Progressivement, des postes fixes sont installés le long des rives du Loch. D’abord en bois, les carrelets à poste fixe se composaient d'une part, d’un bras vertical (ou "bout dehors") et d’une balance en pin sylvestre; et d'autre part de perches (ou "gaules") en châtaignier. Le bois utilisé provenait de forêts avoisinantes(12). Le bras vertical était fixé au sol et supportait la balance pivotante, à l’extrémité de laquelle était placé un système d’accroche, appelé « tête de mort » ou encore "moine", reliant les quatre perches entre elles. Le filet était fixé aux perches par un anneau. Aujourd’hui les carrelets ont évolué vers des constructions en métal, à côté desquelles un banc en bois ou une chaise est parfois observé. Le long de la rivière du Loch, le carrelet ne s'accompagne pas, comme en bord de Rance ou du littoral charentais, de cabanons.

L’identification de ces carrelets, dans le cadre de l’inventaire du patrimoine bâti maritime littoral, a porté à connaissance cette pratique de pêche tombée en désuétude et sensibilisé à la vulnérabilité de ce patrimoine.

Notes et références :

9 - M.-Y. Daire et L. Langouët, Les anciens pièges à poissons des côtes de Bretagne, un patrimoine au rythme des marées…, Les dossiers du Centre Régional d’Archéologie d’Alet, AG, 2010, p. 9-11, 165 p.

10 - ADRAMAR : Association pour le développement de la recherche en archéologie maritime ; AMARAI : Association Manche Atlantique pour la Recherche Archéologique dans les Îles. Voir les liens web.

11 - Joël Rasteau, Association “Les amis de Saint-Palais”, Une histoire des carrelets sur ponton, L’Estuarien, N° 21, Juillet 2007.

12 - Communication orale Jean-Claude Tosten, constructeur et utilisateur de carrelet en bois sur la rivière du Loch.

Bibliographie

  • G. Prigent, Les pêcheries de Bretagne, Archéologie et Histoire des pêcheries d’estran, 2008, p. 5-6, 144 p.

  • M-Y Daire et L. Langouët "Sur la chronologie des pêcheries fixes: le point de vue de l'archéologie, dans M-Y Daire et L. Langouët (dir), Les pêcheries de Bretagne, Archéologie et Histoire des pêcheries d'estran, 2008, p. 51-61, 144 p.

  • o. Levasseur, "Le spêcheries septentrionales de Bretagne', dans M-Y Daire et L. Langouët (dir), Les pêcheries de Bretagne, Archéologie et Histoire des pêcheries d'estran, 2008, p. 11-34, 144 p.

  • Henri-Louis Duhamel du Montceau et al., Traité général des pesches et histoires des poissons qu'elles fournissent, tant pour la susbsistance des hommes, que pour plusieurs autres usages qui ont rapport arts et au commerce, 1769-1777.

  • M.-Y. Daire et L. Langouët, Les anciens pièges à poissons des côtes de Bretagne, un patrimoine au rythme des marées…, Les dossiers du Centre Régional d'Archéologie d'Alet, AG,, 2010, p. 9-11, 165 p.

Périodiques

  • J. Rasteau, Association "Les amis de Saint-Palais", Une histoire des carrelets sur le ponton, L'Estuarien, N°21, Juillet 2007.

Date(s) d'enquête : 2019; Date(s) de rédaction : 2019, 2020, 2021