Dossier thématique IA56132310 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, Architecture urbaine en pan de bois
Architecture urbaine en pan de bois de Ploërmel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aires d'études
    Ploërmel

Fortifiée dès le 12e siècle, la ville de Ploërmel réintègre le domaine ducal au 13e siècle et en devient l'une des huit baillies (circonscription judiciaire). Les ducs Jean II et Jean III s'y font enterrer au couvent des Carmes, implanté en 1300. Au 15e siècle, elle députe aux états de Bretagne qui s'y tiennent plusieurs fois. Les différentes campagnes militaires qui émaillent ce second Moyen Âge n'épargnent pas Ploërmel, notamment en 1487 lorsque les troupes du roi de France la mettent à sac le 1er juin. Le tissu urbain, constitué pour partie de maisons en pan de bois, évolue en conséquence que ce soit en termes d'implantation, d'ornementation et marques de prestige, de dynamisme commercial ou bien encore de cycles de destructions-reconstructions.

L'ensemble des édifices recensés est consultable sur la carte interactive et plusieurs dizaines de clichés et documents graphiques sont visibles sur la photothèque.

A l'exception des maisons du 3 rue des Herses, 3-5 rue des Franc-Bourgeois et 4 rue Beaumanoir qui sont supposées dater de la seconde moitié du 15e siècle, la majorité du corpus se compose d'édifices attribués au 16e siècle, sur des critères morphologiques et stylistiques. En 2017, une campagne de datation dendrochronologique a corroboré la date de 1586 inscrite sur la façade de la maison des Marmousets (7 rue Beaumanoir) en indiquant un abattage des arbres entre le printemps 1584 et l'automne-hiver 1585/1586. Cette analyse souligne la rapidité de la mise en œuvre de ces bois (cf. lien web).

Quelques éléments en pan de bois sont supposés remonter au 17e siècle, à l'instar de la façade d'un pavillon accolé à l'hôtel du 3 rue Alphonse Guérin. On relève différentes modifications aux 18e et 19e siècle qui vont jusqu'à la suppression d'encorbellements et le remontage de façades en pierre comme au 14 rue Saint-Armel, où les piédroits de la porte suggèrent un édifice originellement du 16e siècle.

En 1913, l'état de délabrement de certaines des maisons de la rue Beaumanoir est telle que deux "des si pittoresques et anciennes maisons de ce quartier, qui dataient du 16e siècle", en cours de démolition, s'effondrent ainsi que le relatent les journaux de l'époque (cf. lien web).

Le bombardement du 12 juin 1944 sur le centre-ville entraîne la destruction de plusieurs maisons en pan de bois dont on garde la trace par des sources iconographiques (cartes postales, photographies) et écrites (déclaration de dommages de guerre, actes de ventes, etc.). Parmi ces édifices, citons la Maison Morel qui faisait l'angle de la place de l'Union et de la rue Beaumanoir. Visible sur une carte postale, cette bâtisse présentait deux étages en encorbellement sur solives avec entretoises moulurées et consoles en forme de gouttes inversées. Une porte en anse de panier donne accès au rez-de-chaussée. Le marquis de Bellevüe, qui ne cite pas sa source, y mentionne une cheminée qui portait la date de 1584.

La technique du pan de bois ne disparaît pas durant les périodes contemporaines puisque des constructions de ce type se retrouvent sur l'ancien rempart qui fut afféagé dès le milieu du 18e siècle. Au 14 rue de la Porte d'En-Haut, le bâtiment avec pan de bois et torchis sur lattis ne figure pas sur le cadastre de 1828, il est donc probablement postérieur. Quant aux derniers étages des 2 et 4 rue du Jeu de Paume, ils semblent correspondre à une phase de surélévation des combles.

  • Période(s)
    • Principale : 2e moitié 15e siècle
    • Principale : 16e siècle
    • Principale : 17e siècle
    • Secondaire : 18e siècle
    • Secondaire : 19e siècle
    • Secondaire : 20e siècle

Un ensemble concentré en ville close

La plupart des édifices en pan de bois connus à ce jour, qu'ils soient encore en place ou disparus, se concentrent en ville close le long des deux axes nord-sud et est-ouest qui menaient aux portes fortifiées.

Deux zones extra muros en comportent néanmoins, d'une part de l'autre côté de la porte d'En-Bas et d'autre part dans le faubourg qui se développe au sud de la porte d'En-Haut. Les maisons jouxtant la porte d'En-Bas, à proximité directe d'édifices de prestige que sont la maison des Marmousets et l'Hôtel des Ducs de Bretagne (6 et 7 rue Beaumanoir), témoignent d'une qualité certaine dans la réalisation des décors ce qui permet de supposer un statut important des commanditaires. Les maisons le long de la rue de la porte d'En-Haut sont quant à elles de volume et de décor plus simples. On trouve également dans cette zone des constructions du 18e au 20e siècle.

Aux 18e et 19e siècle, dans un contexte général de modification des tracés urbains avec création de rues, mise en place de plans d'alignements, volonté de suppressions des éléments sur rue comme les porches ou les encorbellements, on constate de nombreuses reprises des rez-de-chaussée voire de l'intégralité des façades en pan de bois comme dans la rue Saint-Armel où seuls subsistent les murs pignons en encorbellement. Sur un cliché de Charles Géniaux pris vers 1900 et conservé au musée de Bretagne, on remarque la reprise en sous-œuvre de plusieurs rez-de-chaussée de maisons datant probablement du 16e siècle et disparues depuis.

Des constructions mixtes à encorbellement avec entretoises

En l'état actuel des connaissances, on ne relève s'agissant du corpus des 15e-16e siècles que des encorbellement avec entretoises sur un à deux étages. Le principe en est illustré par les vestiges jouxtant la maison des Marmousets (7 rue Beaumanoir) : sur un soubassement en pierres, des poteaux verticaux reçoivent la sablière de plancher sur laquelle s'encastre les solives. Entre chaque solive, de petites pièces de bois horizontales - les entretoises - assurent la rigidité et la continuité de la structure. La sablière de chambrée repose sur les solives et reçoit à son tour les poteaux de l'étage. Des consoles ou pigeâtres viennent renforcer les assemblages entre poteaux et solives. Ces encorbellement s'ancrent par ailleurs dans des murs mitoyens maçonnés qui jouent des rôles de raidisseurs, de pare-feu et d'appui aux cheminées comme aux escaliers. Les maisons de Ploërmel sont en effet des constructions mixtes, qui associent le bois et la pierre.

La forme et les dimensions des ouvertures d'origine sont difficiles à appréhender, soit que les édifices sont enduits depuis le 19e siècle au moins rendant invisible leur structure, soit qu'ils ont subi des remaniements importants tel que reconstruction des rez-de-chaussée ou agrandissement des fenêtres par exemple. La façade du 3 rue du Duc de Mercœur semble compter quatre ouvertures quadrangulaires dont les appuis ont été supprimés. L'Hôtel des Ducs de Bretagne (6 rue Beaumanoir) est ouvert de trois grandes fenêtres soulignées d'un appui filant au premier étage et une claire-voie de six petites fenêtres au second étage. En face, la maison des Marmousets (7 rue Beaumanoir) présente des claires-voies de quatre et trois petites fenêtres au premier et second étage.

Distribution interne et usages de ces maisons sont mal connus. Des plans ont été levés pour les Monuments historiques que sont la maison des Marmousets et l'Hôtel des Ducs de Bretagne dont la dimension de prestige est indéniable et affichée par la profusion et la richesse du décor extérieur. On entre dans la maison des Marmousets par une porte excentrée sur la droite qui donne sur la pièce principale comportant à droite une cheminée et au fond à gauche un escalier en vis. Une cloison sépare d'une pièce à la suite. La maison des Ducs, largement appuyée sur l'ancien rempart, présente une entrée par la gauche donnant sur un couloir séparé de la pièce principale par une cloison de bois. La cheminée en fond de pièce est parallèle à la rue. Au bout du couloir un escalier en vis donne accès aux étages. D'autres espaces font suite dont une cour.

Des façades arrières en pan de bois sont connues, comme pour l'ancien hôtel particulier dit Le Gouesbe (7 place de l'Union) ainsi que des cloisons intérieures, mentionnées notamment lors des déclarations de dommage de guerre.

Plusieurs maisons possèdent des caves, notamment rue Beaumanoir (4, 6 et 7) et la double fonction commerciale et habitation indéniable pour la plupart.

Jeux de couleurs et décors sculptés

La plupart des édifices sont recouverts d'un enduit qui masque la mise en œuvre du pan de bois. On note cependant la présence de chevrons et croix de Saint-André sur plusieurs maisons (3 rue du Duc de Mercœur, 6 et 7 rue Beaumanoir, 4 place Saint-Armel). Au 6 rue Beaumanoir, les allèges des fenêtres du second étage sont formées de croisillons. Certains bâtiments des 19e et 20e siècles, prévus d'emblée pour être recouverts, témoignent d'enduit terre sur lattis lui-même protégé par un autre enduit ou un essentage d'ardoises.

En-dehors de ces enduits, majoritairement beiges ou gris, des jeux de couleurs apparaissent à travers l'usage de schiste violet ou bleu-gris combiné au granit beige-roux comme par exemple au 14 rue Saint-Armel. La restauration de la Maison des Marmousets (7 rue Beaumanoir) propose par ailleurs une mise en couleur monochrome rouge foncé sur l'ensemble des bois du bâtiment, le hourdis beige s'harmonisant avec la teinte des parties maçonnées.

Les décors portés sur les éléments visibles, en bois ou en pierre, renvoient à différents registres : géométriques, figuratifs, typiques de la Renaissance. Ainsi, on repère plusieurs exemples de sablières et entretoises moulurées avec congés, avec des variantes dans le nombre de moulures. Soulignons l'originalité du 3-5 rue des Franc-Bourgeois dont les congés sont sculptés en forme de volutes. Plusieurs édifices des 15e-16e siècles ont en commun des pigeâtres prismatiques, mais chacun présente des particularités : nombre de bagues moulurées, forme de goutte inversée, qualité d'exécution. Moulures et piédroits bagués se retrouvent sur les portes, qu'elles soient de plein cintre (3-5 rue des Francs-Bourgeois, porte disparue du 4 place Saint-Armel, 6 rue Beaumanoir) ou en anse de panier (Maison Morel disparue, 8 place de l'Union). Plusieurs portes sont surmontées d'un oculus (6 et 7 rue Beaumanoir, ancienne porte du 20 rue Porte d'en Haut), tandis que la porte déplacée et modifiée du 4 place Saint-Armel est coiffée d'une accolade et celle du 3 rue des Herses, en arc brisé. La maison d'angle du 4 rue Beaumanoir présente un décor particulièrement soigné avec des feuilles très découpées qui ornent les congés et le centre des entretoises, ainsi que trois visages sculptés dans l'extrémité la plus fine des consoles du poteau cornier de l'étage. Enfin, si l'on repère des consoles ornées de palmettes au 4 place Saint-Armel et sur un vestige de la maison disparue jouxtant les Marmousets, les décors inspirés de l'antiquité se développent particulièrement sur les deux maisons voisines des 6 et 7 rue Beaumanoir : frises végétales, cariatides, personnages habillés à la mode du XVIe siècle, imitation de chapiteau, etc.

Bibliographie

  • Joël Cornette - Histoire de la Bretagne et des Bretons, Tome 1 : Des âges obscurs au règne de Louis XIV, Editions du Seuil, 2005.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel) : Hist G
  • ROPARTZ, Sigismond. Notice sur la ville de Ploërmel. Paris, 1864.

Annexes

  • Répartition chronologique des maisons en pan de bois, en place ou disparues [état au 27/09/2022]
Date(s) d'enquête : 2019; Date(s) de rédaction : 2022