Les « cocoustes » : pêcheuses de coques et autres métiers de la baie de Saint-Brieuc
Les femmes allaient aux coques en traversant la baie à pied, jusqu´à Matignon. Elle passait par la Cotentin. Elles faisaient deux marées dans la journée, et le soir allaient danser, en retournant leurs bottes dans leurs sabots. Jeanne dite « La Calumette », de Cesson était bien connue des gens de la Cotentin. Elles faisaient une pochée ou une hottée de coques.. Témoignage de François Buffard.
La pêche aux coques a été interdite par les autorités maritimes en 1947. Les égouts de la ville de Saint-Brieuc se déversant dans la baie, plusieurs cas de typhoïdes se sont déclarés à des intervalles plus ou moins éloignés, et les coques ont été rendues responsables.
La pêche des coques a lieu pendant les mois d´hiver, à pied et en sabots, même lorsque la vase est gelée.
La coquillère de la baie de Saint-Brieuc est d´une richesse sans pareille ; les coques y abondent. Dans un certain coin de la grève, entre Hillion et Cesson, aux « Graveloux », on marche littéralement sur les coquilles. Cette pêche aux coques est facile : armé d´un ustensile appelé le « coquoué », il suffit de racler le sable pour trouver les coques. Le coquoué est fabriqué à l´aide d´une vieille faux, brisée à 30 cm, pliée avec un angle de 135°, à 20 cm du manche.
La pêcheuse tenant le coquoué de la main droite laboure la grève en petits sillons de 50 cm de long, une dizaine de cm de large et autant de profondeur. De la main gauche, prestement, elle ramasse les coques et les jette adroitement dans son panier. La pêche durait 3 ou 4 heures, suivant les marées. Chaque pêcheuse recueillait en moyenne 25 à 30 kg de coques, mises en pochées dans de grands sacs. Les coques sont transportées à dos d´âne, les bardeaux, qui peuvent tirer une charrette, en évitant de s´enliser dans la grève. Les coques partaient ensuite en wagon pour les villes de l´Ouest jusqu´à la Rochelle. (Témoignage de Jacques Jan).
La pêche au pouillen
Le pouillen (frai de crevettes) se pêche à l´aide d´un havenet en croix, équipé d´un filet avec des mailles très fines, comme du tulle, tendu entre deux perches en bois. Le pouillen sert de bouette pour la pêche au maquereau d´affare, parfois mélangé avec de la farine, des patates écrasées.
La crevette se pêchait aussi de nuit, au fanal à la bougie, en bateau, avec un chalut à perche, en période d´hiver. Le filet avait le même maillage que le havenet des pêcheurs à pied, il était relevé à la main (Témoignage de François Buffard).
La pêche aux moules à la côte
Les moules de côte (sur les rochers de la Cotentin), pêchées à terre, dans les rochers, à l´aide d´un « moulié », fabriqué avec un morceau de cadre de vélo. C´est une pêche à l´unité, pour séparer la « pillette » (le byssus) de la moule de son rocher. L´autre technique utilisait la fourche, pour arracher les moules « en torchée », dans les falaises d´Erquy. Les pêcheuses prenaient le petit train pour transporter leur pêche, vendue à Saint-Brieuc. Témoignage de François Buffard.
Les arouels
Chaque pêcheur devait disposer de 700 hameçons pour faire « un équipage ». Après avoir été bouëttés à la maison avec des vers (conservés dans des feuille de choux), les harouels étaient « mis au défoulage », enterrés dans la vase, avec des cailloux, « au prim flot ». Les harouels permettaient de pêcher la sole, « qui monte au premier flot», pendant les marées de septembre, lorsque les eaux sont chaudes. Témoignage de François Buffard.
Les arouels ou lignes de fond que l´on tend sur le sable, ont longtemps servi à pêcher le poisson dans le fond de la baie, entre la pointe d´Hillion et la pointe du Roselier. Les arouels sont constitués par une longue corde de 500 à 600 mètres de long, sur laquelle on dispose tout les 180 cm environ des fils de coton ou de chanvre torsadés : les avançons, au bout desquels sont fixés les hameçons. Pour attirer le poisson, on enfile des vers de vase, des arénicoles pour le bar, la gravelle (la pistiche) pour le lieu. La ligne principale est enfoncée dans le sable, parfois à l´aide d´un paillon ou d´un morceau de bois. Après le flot, à la marée descendante, il faut aller relever ses lignes et de nouveau rebouëtter les hameçons. Témoignage de Jacques Jan. Du côté de Planguenoual, La Cotentin, on appelle arouel, les petits bois à l´unité, qui servent à maintenir enfouie la ligne de fond, avec l´aide d´un fer de bèche.
La pêche aux farains
La pêche aux bigorneaux qu´on appelait, les « farains » était très suivie aux environs de 1890-1900 en baie de Saint-Brieuc. Ils étaient vendus cuits et bien épicés en cornet pendant les courses de chevaux par les pêcheurs à pied de Cesson et des communes voisines de la baie. Les pêcheuses par bande de 14 ou 15, quittaient leur village (Cesson, Langueux), au reflux de la mer. Elles allaient le plus souvent à dos d´âne, assises en amazone sur le « panet », sorte de bissac, bourré de paille, posé sur le dos du bourricot, ou encore à pied. Elles traversaient les filières et la pêche commençait dés le premier chemin atteint ; c´est à dire l´anse du Port-Rouault, le second chemin étant l´anse de Jospinet.
De là, elles suivaient la Falaise par la Cotentin, le Port-Morvan, Dahouët, le Verdelet, jusqu´à l´îlot Saint-Michel, près de la plage des Sables d´Or. L´absence durait trois jours. Elles couchaient en bandes sur la paille dans les s´nas (les greniers) à la Cotentin chez Nathalie Colin, à Dahouët chez Marie des Guénaus. Parfois aussi sur le Verdelet même, dans une petite grotte, car elles passaient souvent tout le temps de la marée haute sur le rocher même. A chaque halte, on laissait sa pêche. Au retour, elles la reprenaient, en chargeant la poche du panet : 30 à 40 kg de bigorneaux, cuits aussitôt arrivés, dont chaque cornet sera vendu 2 ou 3 sous.
Le ravitaillement était plutôt frugal : du lait acheté dans les fermes longeant la côte, des gaufres, c´est à dire des galettes de blé noir, souvent de l´eau de source, l´eau fraîche qui abonde sur l´abrupt des falaises.
Il fallait pêcher, pêcher, et tous les rochers, Longue Roche, les Armoteaux, Romel, les Ermeleux, le Verdelet, Saint-Michel, étaient fouillés par les pêcheuses. Celles-ci participaient aussi aux travaux des moissons du mois d´août. Elles étaient vêtues de « dabons », sorte de jupe, réalisée avec plusieurs morceaux de tissu. Elles s´arrêtaient souvent pour danser sur la grève, pieds nus. On dansait la quadrille d´Yffiniac, dont voici les paroles :
Ma grand-mère a pissé dans ses chausses
ma grand-mère a pissé dans ses chausses
elle y pisse souvent
elle y pisse souvent
un´, deux, trée, 4,5,6 fois par an
Cette pêche professionnelle aux bigorneaux a disparu en 1914. Seule une famille l´a continuée quelque temps, mais aujourd´hui, on ne trouve plus dans la baie aucune pêcheuse de bigorneaux, en partance pour la Cotentin. Témoignage de Jacques Jan.
La pêche aux crevettes
Avril-mai, c´est à cette époque de l´année que commence la pêche à la crevette grise ou chevrette, la « chiev´ ». La crevette se pêche au bas de l´eau, entre la pointe du Roselier et la pointe d´Hillion, jusqu´à la tourelle des Trahillions, face à la Cotentin. Il faut partir environ deux heures avant la marée basse, nu pieds, la hotte sur le dos, le filet sur l´épaule pendant, comme une aile fracturée. Les pêcheuses s´habillent avec un cotillon, de vieux pull-overs, un ciré, appelé « casaque », pour se protéger le ventre et la poitrine. Les poignets sont serrés à l´aide de larges élastiques, découpés dans de vieilles chambres à air. Pour traverser les filières, les vêtements de rechange sont pliés et fixés au cou, sous le pull, avec le casse-croûte, dans cet endroit sec, que les femmes appellent leur « falle ».
Le filet, ou havenet, est formé de deux bras légers (en sapin) de 220 cm de long, 4 cm de diamètre. Ils se croisent à 40 cm d´un bout formant entre eux un angle d´environ 40°. Ils forment ainsi deux triangles opposés : la base est constituée d´une planche de sapin taillée en biseau. Une lanière de cuir maintient l´autre base contre le ventre du pêcheur. Le filet en mailles de 1 cm carré est fixé sur le grand triangle et se termine en poche assez profonde, 70 cm environ. Le pêcheur pousse le filet devant lui, comme le paysan son araire, en tenant les mancherons. Il le remonte tous les cinq, dix minutes, en évitant de se faire piquer par les « sourds », les vives, à la piqûre si violente.. Témoignage de Jacques Jan.