La grande pêche à Islande

La pêche d´Islande eut pour Dahouët des débuts bien plus modestes que celle de Terre-Neuve. En 1857, un lougre de 50 tonneaux vint s´échouer près d´Erquy. Mis en vente, il fut racheté par Carfantan, armateur à Dahouët, et restauré. « L´Alexandre », commandé par le capitaine Lucas, fit voile pour Islande avec 14 hommes d´équipage dans les premiers jours d´avril 1858 et revint avec une première pêche, suffisamment prometteuse pour que d´autres armateurs suivent cet exemple, dont 4 armateurs, qui allaient rivaliser d´activité en cette année 1864, en armant 13 navires et 4 chasseurs. Ces chiffres ne furent égalés qu´en 1894.

Campagne de 1864 :

Chauvin : 3 navires en 1864, Grand-Pré : 3 navires, Le Péchon : 2 navires, Carfantan : 4 navires.

Campagne de 1894 :

L. et A. Carfantan : 8 navires, Hamonet : 4 navires, Péniguel : 1 navire et Dagorne : 1 navire.

Les premiers bateaux employés pour la pêche à la morue portaient de 50 à 120 tonneaux et avaient un équipage de 15 hommes. Les plus petits étaient gréés en lougre, en sloop, en dundee. Vinrent ensuite les goélettes carrées de 120 tonneaux et les bricks-goélettes de 150 tonneaux. Ces premiers bâtiments étaient de piètres "marcheurs". Les goélettes franches qui les remplacèrent à l´initiative de F. Gautier, constructeur à Saint-Malo, originaire de Dahouët, s´inspiraient des fines goélettes américaines, aptes à louvoyer dans les fjords et à naviguer au large, en suivant les pérégrinations du poisson.

Les marins dahouëtins avaient l´habitude d´aller pêcher sur la côte ouest d´Islande et les Paimpolais sur la côte est. Les bateaux partaient au commencement de cette pêche début avril pour partir plus tôt, la 2ème quinzaine de février. Patriksfjord représentait l´escale préférée des Dahouëtins en 2ème pêche.

En 1898, l´armateur Carfantan armait un trois-mâts pour l´Islande, livrait sa première pêche et rejoignit Terre-Neuve pour une 2ème pêche encore plus fructueuse avec 95 000 morues. Cependant, le bâtiment avait souffert avec son gréement inadapté, et la « Mathilde » ne renouvela pas l´expérience.

La technique de pêche à Islande s´effectuait normalement des lignes halées du bord du navire. Il est cependant curieux que le port de Dahouët ait été le seul avec Brest à essayer d´adapter à Islande la technique des lignes de fond allongées par des doris. Ces tentatives durèrent 12 ans de 1884 à 1896. L´essai ne fut pas concluant.

Les armateurs à Islande

L´Islande fut la plus grande entreprise de grande pêche à Dahouët. La famille Le Péchon, les premiers armateurs pour la côte de Terre-Neuve, ne purent résister à la décadence du French Shore. Ils armèrent « Marie-Suzanne » et « Saint-Guillaume » pour Islande jusqu´en 1872 et reprirent plus tard « René » et « Notre-Dame-de-la-Garde » pour Boscher-Delangle de 1893 à 1896.

Chauvin arma 4 navires : la « Dunkerquoise », le « Saint François », « Mathilde » et le "Nouveau Trois Frères", de 1862 à 1864, année de sa faillite.

Bouttevillain de Grandpré arma « Charles Louis », « Edmond », « Céline » et « Léonie » de 1860 à 1874, puis « l´Indépendant » et le « BC » disparu en 1858. Il conserva « Rachel » jusqu´en 1895.

L´hôtellier arma la « Marie Suzanne » et le « Saint Guillaume », rachetés à l'armateur Le Péchon. Quelques armateurs extérieurs armèrent à Dahouët, comme la veuve Caderas de Saint-Malo et Boscher Delangle de Loudéac.

Mais ce fut surtout la famille Carfantan (et ses alliés) qui fournit le plus fort contingent. Ce fut en effet Maria Carfantan, femme armateur, appelée « la foudroyante » qui permit de relancer la maison Verry de Binic.

Ces négociants originaires de Hénanbihen, furent les premiers à Dahouët à expédier deux navires à Islande en 1857 : le lougre "Alexandre Eugène Henri" et la goélette "Maria". La série se termina avec le dernier islandais la « Paulette » en 1913, soit 56 ans ininterrompus.

La "Glaneuse" fut la seule goélette de Léon Carfantan, la préférence étant donnée aux deux trois-mâts le « Glaneur » et la « Paulette ».

A partir de 1884, Hamonet, marié à Elia Carfantan, passa du statut de capitaine à celui d´armateur avec plusieurs navires, dont « Marie-Berthe » qui fit naufrage corps et biens près de l´Ecosse en 1903.

La goélette « Arthur » échut en partage à Péniguel, époux Anna Carfantan. Il y ajoutait en 1903 « l´Alerte ».

Adrien Carfantan armait la « Jeanne » (1892) et le « Capelan » (1893). Ce dernier qui recrutait surtout des équipages paimpolais disparut dans une tempête en 1901.

Les naufrages à la grande pêche

En 1852, le navire "Ellia" se perdit corps et biens, suivi en 1856 par "l'Amélie". En 1876, la goélette "Saint-Guillaume" (armateur Le Péchon), jaugeant 63 tonneaux, se perdit en septembre sur les côtes de Cardiff. Le 3 avril 1877, la goélette "Albert Elisabeth", jaugeant 94 tonneaux (capitaine armateur Jean Hamonet), se trouvait en vue des côtes islandaises lorsqu'une lame déferlante enleva six hommes : Auguste Pansart et Auguste Audren de Planguenoual, Mathurin Hamon et Charles Leborgne de Plouha, Jean Leroy et François Saintillan de Plérin. La goélette disparut dans les parages de l'île de Batz le 1er janvier 1895.

En mai 1879, le "B.C." se perdit corps et biens avec quinze hommes d'équipage, dont onze de Pléneuf : le capitaine Jean Gour, Mathurin Jegu, Jean Lemonnier, Joseph Doualan, Jean Lamandé, François Lucas, Pierre Colleu, François Lamarre, Joseph Rouget, Jean Chapelain, et Joseph Jégu. La même année disparaissaitt le "Nouveau trois frères", commandé par le capitaine Bois et monté par vingt hommes d'équipage.

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1897, "l'Isabelle" et "Marie", armateur Carfantan, capitaine Robin, s'échoua sur les côtes d'Islande. Les 24 marins furent sauvés et rapatriés à Dahouët par le chasseur Forbin. Fin mars 1903, la "Marie-Berthe" disparut avec le capitaine Poilvet et onze hommes. D'autres encore, comme le "Capelan", le "Maria" et le "Saint-Michel" se perdirent dans les tempêtes, telle celle du 5 au 6 avril 1901 sur les côtes d'Islande.

En 1910, le trois-mâts "Glaneur" de l'armement Carfantan quittait Dahouët, son port d'attache, pour se rendre sur les côtes d'Islande. Il devait, au mois de mai, transborder sa première pêche sur le chasseur "Mouette" en baie de Patriksfjord. Sans nouvelles du navire, l'inquiétude gagna peu à peu les famille des marins. Le "Glaneur" ne revint jamais à Dahouët : sans doute avait-il fait naufrage peu de temps après son départ ou en se rendant sur les lieux de pêche. Vingt deux marins originaires de Dahouët périrent dans ce naufrage, quatre originaires d'Erquy, un marin de La Bouillie, un autre de Saint-Alban et deux marins de Plouézec. Encore un lourd tribut payé par les Islandais à la fortune des armateurs. D'après les recherches de Michel Grimaud.