Huîtres, coquillages, saumons et droits de pêche en baie et rivière de Lannion sous l´Ancien Régime :
A propos de certains droits maritimes
Au cours du 18ème siècle, les commissaires établis pour la vérification des droits maritimes, réussissent, par des arrêts du Conseil d´Etat, à faire disparaître plusieurs des droits qui grevaient la navigation proprement dite et certains de ceux qui s´exerçaient au détriment de la pêche côtière.
L´arrêt du 26 octobre 1739 ordonne l´exécution de celui de 21 avril dernier concernant la vérification des droits maritimes qui se perçoivent sur les quais, ports, havres, rades, rives et rivages de la mer dans l´étendue du royaume, ensemble des droits de parc, pêcheries et autres qui prescrit ce que les propriétaires des dicts droits doivent observer sur le fait de la vérification de leur titre. (AD 29, B 4171).
L´absence de réglementation précise et le non respect de certains droits très anciens concernant la pêche dans le Léguer sont devenus source de conflits. C´est le cas particulièrement pour le saumon qui y abonde, et l´endroit exact où le poisson est pris, importe beaucoup, comme en témoigne ce procès du 7 octobre 1751 entre Louis Riou, pêcheur, et Yves Cochard.
Le demandeur affirme que dans la rivière du Léguer conduisant du moulin de Kerangueil (Keriel), près la chapelle Sainte-Thècle, au pont de Kermaria an Draon à celui de Sainte-Anne à Kerampont près Lannion et au port et au quai du dit Lannion, la mer dans les grandes marées et grands flots, monte jusques et près le dit moulin de Kerangueil, et notamment jusques et au dessus d´un endroit nommé vulgairement Ar Guiff Deron, autrement le tronc de chêne et un pré nommé Prat an Cotty situés entre le dit moulin et le port de Lannion ; où les saumons en question ont été pêchés (AD 29, B 4234).
Les commissaires décident de supprimer :
- en 1743, la taxe de trois pots et demi de vin prélevée par les religieux Augustins du Porchou sur les navires qui déchargent dans le port (AD 29, B 4172).
- en 1744, le droit d´ancrage prétendu par la dame Rogon de Kercaradec sur les navires qui mouillent dans les ports de Lannion, Morlaix et Pontrieux (AD 29, B 4273).
Puis ils déboutent :
- Louis Pierre de Kergariou de Coatillau de la Villeneuve Corbin, le 4 janvier 1755, du droit exclusif par lui détendu de pêcher dans la rivière de Lannion, depuis le manoir de la Villeneuve Corbin jusqu´au pont de Sainte-Anne et le long de la palue de Loguivy (AD 29, B 4 266).
- le marquis de Locmaria, le 24 janvier 1756, d´un droit de parc et pêcherie dans la rivière de Lannion (AD 29 B 4 239).
- Louis Le Mérer de Kerleau, du droit de pêcherie de Kervizio dans la paroisse de Ploubezre (AD 29, B 4 668).
Cependant, quelques droits échappent pour un certain temps aux recherches tenaces et quelquefois peu loyales des commissaires :
- par acte du 7 mars 1742, les Augustins du Porchou conservent le privilège de prélever un minot de sel (4 boisseaux, soit 52 litres) sur chaque vaisseau entrant dans le port chargé de cette marchandise, en vertu d´une donation faite au couvent en 1412 par Olive de Rochehuon, veuve de Yves de Kerimel (AD 29, B 4 172). Mais, un an plus tard, par l´arrêt du 21 mars 1743, ils sont déboutés de ce droit, faute pour eux d´avoir prouvé leur droit par titres antérieurs à 1544 (AD 29, 4172).
- Le 20 mars 1743, les commissaires maintiennent le sieur de Catuélan dans :
la jouissance du droit de tolleau consistant scavoir sur chacun bateau portant poisson des deux côtés du mat en deux poissons ou huit deniers, et s´il n´y a qu´à un bout en quatre deniers et un poisson, le second d´après le choix du marchand qui en pourra prendre un, sur les barques entrant dans le port de Lannion ; mais lui défend de prétendre exercer un droit semblable sur les bâtiments de la ville (AD 29, B 4 172).
- Ils ordonnent qu´il sera sursis à la démolition de la pêcherie établie à l´embouchure de la rivière de Lannion à la requête de l´évêque de Tréguier qui affirme :
qu´il appartient au temporel de l´évêché, de temps immémorial un parc de pierres, écluse ou gorret, nommé le gorret à l´évesque situé dans la paroisse de Ploulec´h, à la rive de l´ouest de l´embouchure de la rivière de Lannion, et placée à l´entrée de la baie, sous la chapelle de Notre Dame du Guiaudet...il a fait depuis peu pour plus de 800 livres de réparations au dit parc... et seroit en état de produire pour raison dudit parc, des titres qui en prouvent l´existence depuis un temps considérable et pourroient en opérer la conservation.
- Un délai de trois mois est donné à l´évêque pour produire ses titres devant l´intendant, faute de quoi, il sera procédé à la démolition (23 septembre 1735). Un nouvel arrêt des commissaires en date du 9 mars 1746, maintient l´évêque dans :
la possession et jouissance de la pêcherie dite le Gorret à l´Evêque située près la Roche de la Vieille Cité, paroisse de Ploulec´h. (AD 29 B 4170 et B 4175).
La pêche au saumon en particulier, et aux autres poissons qui remontent le Léguer tels mulets et bars, peut se faire avec des filets, mais il faut posséder un bail pour y être autorisé. C´est une situation qui est contestée ou pas toujours respectée comme le montre ce procès tenu à Morlaix en 1775 :
... ont comparu, Guillaume Cochar demeurant en la métairie de Kervisiou en Plouber, Marc Allain demeurant au Convenant Les freuz, frairie de Kertanguy en Buhulien, et Guillaume Le Roux, jeune homme demeurant au Dossen en Buhulien, lesquels ont exposé, déclaré et dénoncé que le lundi 23 janvier dernier, s´étant mis en position de pêche dans la rivière Le Léguer où la mer entre et couvre dans toutes les marées, avec bateaux et filets, ils furent attaqués, assaillis et empêchés par Tugdual Le Vincent, Yves Le Goic, Louis Lissillour, Louis Feutren de Lannion, et Joseph Le Maout de Kerampont, lesquels cinq malfaiteurs levèrent les filets des exposants et les percèrent en deux endroits... Le vendredi 21, les mêmes levèrent encore deux fois les filets des exposants du matin entre 8 et 9 heures et l´après-midi entre trois et quatre heures. Le lendemain 28 les mêmes levérent encore deux fois les filets. Le trente du même mois de janvier, les mêmes levérent entre 7 à 9 heures du matin, les filets des exposants, et Joseph Le Maout et Feutren deux des dénoncés donnèrent des coups de perche à Guillaume Le Roux qui fut blessé à la main. Le trente après-midi, ils levèrent encore les filets.
Cinq ans plus tard, on retrouve Tugdual Le Vincent qui demande que la pêche soit libre dans la rivière de Lannion :
Affaire Léocadie Le Lagadec, fille de Messire Antoine Le Lagadec, propriétaire de la seigneurie de Kergomar-Traoudon, opposant Guillaume, Jean et René Le Meur frères, Laurent Labbé et Pierre le Rumeur, disant que cinq pêcheurs prétendent enlever à la dame Le Lagadec, un droit de pêche dans la seigneurie qu´elle eut de tout temps la propriété exclusive. La dame Le Lagadec est propriétaire de la terre de Kergomar-Traoudon, et de cette terre dépend entre autre chose, le droit de pêche aux saumons et autres poissons dans la rivière de Lannion depuis le moulin du Duc jusqu´au Guéodet, par bail du 26 octobre dernier, affermé à Hervé Le Bihan et Tugdual Le Vincent pour une somme de 300 livres. Ces cinq hommes ont porté atteinte à cette exclusion du contestant le droit exclusif de pêche et font la demande que la pêche soit libre dans le Léguer.