Le commerce maritime d'Erquy au cours du 19ème et de la 1ère moitié du 20ème siècles
Un trafic portuaire conditionné par les aménagements
Au début du 19ème siècle, les sloops à l'échouage chargeaient les gros pavés de la carrière des Grandes Costières, situées à 500 m dans l'ouest du môle d'Erquy, pour le port de Saint-Malo, où l'on construisait le nouveau bassin à flot.
Vers 1840, les carrières des entrepreneurs Jouanne et Cholet augmentaient leurs activités et construisaient vers 1858 deux cales d'embarquement de 30 m de long au pied de ces carrières. Vers 1860, le nouvel exploitant des carrière Barrier, faisait aménager une voie ferrée desservant ses 5 carrières et un funiculaire qui déversait les matériaux sur un terre-plein situé à la base du môle, pour être directement chargés dans le nouveau port, qui allait connaître un regain d'activité. En 1866, 200 caboteurs fréquentaient régulièrement le port d'Erquy, emportant 5000 tonnes de pavés et 3000 tonnes de denrées agricoles. Ces bateaux de charge étaient surtout des bisquines de Saint-Malo et de Granville.
La pêche côtière était à cette époque peu importante, concurrencée par le cabotage dans un port très vite encombré. Les marins embarquaient pour Terre-Neuve au port de Saint-Malo. Cependant, les importations allèrent augmenter vers 1880 pendant une décennie grâce à la construction des premières villas et de l'urbanisation naissante de la commune. La population d'Erquy augmentait de 20% entre 1876 et 1886. Les exportations de pavés représentaient 52% du tonnage. Les navires, des sloops malouins et quelques bisquines chargeaient 25 tonnes de pavés par unité et poursuivaient ensuite leur route vers Regnéville, d'où ils revenaient chargés de pierre à chaux, livré en partie au four à chaux d' Erquy. Le trafic des céréales était effectué par des goélettes britanniques, relayés avec la construction en 1887 d'un nouveau quai et d'une route de desserte, par des sloops et dundees, pour le transport des pommes de terre. Cependant, le commerce maritime agricole, subissant la concurrence des navires armés pour les carrières, allait se déplacer vers Port-Nieux. Alors que le nouveau Port-Barrier s'aménageait pour les carrières de Pléhérel, relayées par le port de la Bouche. En 1897, le prolongement de la jetée allait permettre enfin l'accostage de plusieurs bateaux de cabotage au port d'Erquy.
Le commerce des pommes de terre
La prolongation du môle allait contribuer à dynamiser le commerce maritime d'Erquy au début du 20ème siècle. Les pommes de terre allaient trouver un nouveau débouché avec le Portugal, pays avec lequel les bateaux de Dahouët avaient déjà entrepris des échanges depuis 1876. Deux négociants d'Erquy s'adonnaient régulièrement à ce trafic Renault et Briend, suivis de Auffray et Loncle, qui armaient leurs propres navires (dundee "Saint-Laurent" et goélette "Mouette". Les caboteurs et borneurs du Trégor-Goëlo fréquentaient le port d'Erquy de fin octobre à la mi-février pour ce fret, où se joignaient les goélettes islandaises désarmées, pour livrer une varité de pomme de terre la fameuse "chardonne". Durant la saison 1908-1909, 14 goélettes ou dundees chargèrent 2201 tonnes de pommes de terre à Erquy. Un service de pilotage fut créé à cette occasion avec Cornillet, Le Can, Le Gall, Huby et Rollier.
L'embarquement à quai utilise l'estacade Barrier, non submersible aux grandes marées et le nouveau quai durant l'hiver, moins usité par les carriers.
Le trafic des pommes de terre devait s'interrompre pendant la guerre 1914-1918, pour reprendre doucement après le conflit et s'arrêter brusquement en 1930-31. La "Vonette", goélette du Légué, fut le dernier bateau à venir à Erquy charger des pommes de terre à destination de Lisbonne. De 1898 à 1931, le port d'Erquy avait cependant exporté 25000 tonnes de patates bretonnes à bord de 146 navires.
De 1906 à 1923, ce furent deux navires vapeurs du Légué : "L'Hirondelle" et le "Breizh" de l'armement Le Gualès de Mézaubran, qui devaient assurer le trafic des pavés vers les ports de La Rochelle et de Bordeaux. L'exploitation des pavés transférée vers un autre site de la côte nord de la Fosse Eyrand et l'arrivée du chemin de fer départemental en 1922, allait participer du déclin du port d'Erquy, en déshérence Désormais, le port de commerce d'Erquy n'est plus fréquenté que par les trois sloops à vapeur des Carrières de l'Ouest : le "Combresol", le "Quartzite" et le "Quentovic". Quelques cargos de 100 tonneaux "La Seine", le "Cherbourg", le "Granville" du Havre, le "Pomelin" de Paimpol et le "Constant" de Rouen, viennent y livrer du ciment pour la construction de la seconde génération des villas d'Erquy et de Caroual. Les exportations de denrées agricoles accusèrent aussi un net recul : 1000 tonnes par an, du blé pour Saint-Malo et Granville, Jersey et des pommes à cidre pour les distilleries du Trégor - qui fournissent en alcool les armements islandais. Ces trafics étaient assurés par l'"Ulysse", dundee du Légué, le "Servannick" de Tréguier, le "Louis-Marie" de Pleubian et la "Sainte-Jeanne" d'Erquy. A la veille de la seconde guerre mondiale, le môle d'Erquy n'abritait plus qu'une vingtaine de bateaux de pêche.
Synthèse d'après les recherches historiques de Roland Blouin.