Evolution de la pêche côtière pour les ports de Binic et de Portrieux au cours du 20ème siècle (sources : rapport de R. Piboudes, "Pêche et conchyliculture en Bretagne Nord", 1971 et statistiques ISTPM, Nantes).

Extrait des Statistiques des pêches maritimes (1906)

Le Portrieux compte 45 marins-pêcheurs professionnels et 31 bateaux dont 20 bateaux armés à la pêche aux maquereaux de mai à août. La pêche aux maquereaux représente pendant la 1ère moitié du 20ème siècle la principale activité des ports de la baie de Saint-Brieuc de Paimpol à Erquy (si on exclue les grands crustacés pour le port de Loguivy de la mer).

Binic compte 465 pêcheurs et 173 bateaux pendant cette même période, dont 9 bateaux seulement armés aux pêches d'été et 374 marins embarqués pour la grande pêche à Islande. 9 bateaux arment pour les grands crustacés à Binic (28 marins), 8 bateaux arment aux sables et autres amendements marins.

Les pêches côtières dans la 2ème moitié du 20ème siècle

Les pêches côtières sont de faible importance économique pour les ports de la baie de Saint-Brieuc jusqu'au milieu du 20ème siècle, après la baisse du chalut et des crevettes, la sur-exploitation des oursins puis des huîtres dans les années 1960-70. Les pêches coquillières représentent jusqu'à la seconde guerre mondiale des pêches d'appoint (moules, huîtres, praires), que la découverte de nouveaux bancs de coquilles Saint-Jacques et de praires dans les années 1960, va renforcer, en créant les conditions d'un véritable marché et d'une spécialisation associée à une professionnalisation du métier de marin-pêcheur.

Après la saison hivernale des coquilles Saint-Jacques, les forts navires reprennent l'ancienne tradition de la pêche "du poisson de la baie" de la fin de l'été jusqu'au mois de novembre. Les petites unités alternent fauberts pendant l'hiver (oursins) et casiers-filets ou lignes pendant l'été.

le produit pilote : la coquille Saint-Jacques

C'est le hasard d'un coup de chalut dans un gisement entre le Petit Léjon et les Comtesses, levé par un marin pêcheur du Légué, Bourel à bord du bateau "Grain de sel", en février 1961, qui va déterminer l'avenir de la pêche en baie de Saint-Brieuc : 2 tonnes de coquilles Saint-Jacques sont débarquées pendant cette première campagne. On peut commencer à forger les dragues pour les futures campagnes de pêche.

Ces pêches coquillières nouvelles, en particulier la coquille Saint-Jacques, vont jouer le rôle d'activité-pilote, en renforçant les armements locaux et en permettant le renouvellement des flottilles locales. En effet, ces pêches coquillières provoquent le redressement des effectifs des marins, fortement en baisse depuis la fin de la "Grande Pêche" (de 70 hommes d'équipage en 1960 à 112 en 1969 pour ces deux ports). Le Portrieux et Erquy deviennent dans les années 1970-80 (et encore aujourd'hui) les premiers ports de débarquement de la coquille Saint-Jacques. Pendant les années 1990-2000, la production s'accroît grâce aux apports d'une flottille renouvelée par les chalutiers de grand large des armements coopératifs et en particulier de l'armement Porcher d'Erquy.

La constitution de "réserves de pêche", de cantonnements et le principe des licences, des quotas, des calendriers de pêche - toutes mesures initiées par la profession maritime (comités locaux des pêches), appuyée par l'IFREMER et relayés par les Affaires maritimes - ont permis dés le début des années 1970, une gestion exemplaire des pêcheries de la baie de Saint-Brieuc pour la coquille Saint-Jacques. Cet exemple a ensuite été suivi pour les crustacés (homards, araignées) et a permis la réalisation d'une véritable filière pour les produits de la pêche côtière.

L'ensemble Portrieux-Binic a joué dans cette pêche de la coquille, un rôle de port d'attache et d'accueil pour nombre de bateaux "étrangers" à la baie, en provenance du Finistère et des autres ports riverains de la baie. L'accueil d'abord réalisé au Portrieux, seul centre de pêche en 1962, autour des marins locaux, va se concentrer sur Binic à partir de 1965, pendant la durée de la campagne (d'octobre à avril). Le port de Binic offrait des installations portuaires mieux adaptées, bien que l'administration du quartier s'ordonnait à Saint-Quay. Cependant, l'armement local ne tient qu'une mineure et marginale. Il n' y a aucun rapport direct entre la flotte portrivienne et l'armement aux coquilles dans les années 1960 à cause de la situation maritime de ces deux ports. Binic ne comptait aucun bateau de pêche, seulement quelques pêcheurs à pied ; le bassin était livré aux "plaisanciers" et à des dragueurs d'ostréiculture qui travaillaient en saison sur les parcs en eaux profondes de la baie.

Portrieux était un havre de "petits métiers" et la constitution de sa flotte était très significative : de petites embarcations, des canots de faible tonnage et seulement quelques unités plus fortes nommées "chalutiers", en raison de leurs spécialisation. La flottille de ce port se décomposait de la façon suivante en 1964 : 46 unités, dont 46 canots, 125 tonneaux ; et en 1969 : 64 unités, dont 54 canots, 210 tonneaux et 10 chalutiers, 175 tonneaux, 1200 cv. L'effectif va doubler progressivement dans les années 1970, tout en restant inférieur au port d'Erquy. Ce qui traduit une lente reconversion à de nouvelles pratiques. Il faut cependant souligner avec Piboudes que ces nouvelles activités s'accordent bien avec la tradition touristique de ces deux stations touristiques, en offrant un apport de revenu, tant par le logement des familles "étrangères de marins", en saison hivernale que par les activités artisanales induites pour l'entretien des bateaux.

La pêche aux oursins au Portrieux

(sources : rapport de R. Piboudes, "Pêche et conchyliculture en Bretagne Nord", 1971 et statistiques ISTPM, Nantes).

En baie de Saint-Brieuc, par rapport au Trégor, la pêche des oursins est arrivée plus tardivement, datant de l'après-guerre. C'est à partir de 1946-47 que les premières tentatives sont entreprises à Portrieux autour des îles Saint-Quay, avant de gagner progressivement Erquy (1949-50) et la baie de Paimpol (1956). Le Portrieux est le premier port de pêche à se lancer dans l'aventure malgré un marché inexistant. C'est un marin, Jules Bodellec qui se lance dans cette pêche en 1946. Il fallut deux saisons pour qu'un circuit régulier s'établisse et que la pêche se développe. Si quelques chalutiers au nombre de 4 vont jusqu'à Dunkerque faire la saison des harengs en Mer du Nord, la majorité des 40 bateaux est désarmée, pendant l'hiver, et les marins cherchent du travail à terre, s'employant parfois au service de la commune.

La pêche des oursins va combler le vide de la saison. Le territoire de pêche s'étend depuis la Roselière et la Longue au sud jusqu'à Madeux et Harbour au nord, et le secteur littoral du Bec de Vir à la pointe de Vauburel. La technique adoptée est d'abord celle de la drague, mais elle s'avère inefficace sur des fonds rocheux, en nécessitant des moteurs trop puissants pour la vitesse de pêche requise. De 1952 à 1956, la drague est progressivement abandonnée pour l'adoption des filets traînants, appelés faubert, comme le pratiquent les marins-pêcheurs lannionais et finistériens. Cette pêche mobilise progressivement 80% de la flottille quinocéenne et rapporte en moyenne 100 tonnes annuellement. Cependant, l'appauvrissement des fonds, les rigueurs climatiques des années 1961-62, ainsi que l'absence de réglementation rigoureuse pour gérer les pêcheries, mettent fin à cette pratique, qui représente encore 25% de la production totale de Portrieux en 1970.