Extrait du rapport de Le Masson du Parc, 1726

Inspection de Le Masson du Parc, 1727. Paris : Archives nationales, C5, Folio 20.

En évoquant le Guildo, Le Masson du Parc, précise que les pêcheurs du Guildo ont deux espèces de lignes. Les premières sont des cordes qu'ils tendent, à pied, en travers, à basse mer et qu'ils halent à mer montante par le bout qu'ils ont mis à terre pour empêcher que les crabes et les araignées ne sucent le poisson pris. Les secondes sont des lignes au bout desquelles ils mettent un espèce de 'torgne' (?) de paille ou de jonc marin enfoui dans le sable à la manière des pêcheurs flamands ou de l'Est.

On retrouve cette technique de pêche à Granville où les tendeurs de lignes de fond utilisent des paillons pour enfouir leur lignes. Les pêcheurs de la côte du Penthièvre ou du Trégor-Goëlo, utilisent encore aujourd'hui une touffe de goémon.

La pêche à pied dans l´Arguenon

D'après nos enquêtes ethnographiques et les recherches de Michel Duédal

Si Le Guildo ne peut pas être considéré comme un port de pêche, l´embouchure de l´Arguenon représentait (jusqu'au milieu du 20ème siècle) un espace de pêche à pied fort convoité par les Castins et les Jaguens (habitants de ses deux rives de l´Arguenon) et de façon moindre par leurs voisins de Créhen.

La pêche du chevlin (frai de crevette) au havenet représente une spécificité locale pour fournir de la boëtte pour les maquereautiers. Les autres métiers de l´estran, de la pêche aux crevettes (au havenet), aux coques, aux couteaux, aux lançons et aux anguilles (à l´aide de carrelets fixes ou mobiles, de sennes), sont représentés sur les grèves du Guildo et de la baie de la Fresnaye. Les lignes de fond et les 'raies' ou 'rets' à pied barrent les chenaux des larges estrans. Le doris et la plate (inspirée des plates charentaises, métissées de doris) représentent dans cet environnement l´embarcation polyvalente, la mieux adaptée à ces différentes techniques de pêche.

Il nous faut cependant préciser que les habitants de Créhen pratiquaient peu la pêche au chevlin, réservée au femmes de Saint-Cast et de Saint-Jacut. Nous ne disposons pas d'information précise sur l'exercice des autres pratiques de pêche à pied par les habitants de Créhen. Ce qui tend à montrer que la présence de la mer n'induit pas forcément son exploitation par les populations riveraines. Lesquelles peuvent privilégier une vocation plus agricole que maritime.

La pêche à pied et son vocabulaire local

La pêche à pied se pratiquait surtout au 'premier pognant', quand la mer rapporte, pendant les marées d'Equinoxe d'hiver ou de printemps. Pendant les marées de mortes-eaux, 'décheyant', on pouvait mettre des 'rets', des 'rets de pieds', pour pêcher des bars avec des lignes de fond et des filets de barrage. Les lignes de fond étaient constituées de cordes, munies d'empis, fil de carré en chanvre, avec un hameçon, réalisé avec de l'épine noire (d'aubépine). Le poisson avalait le broc de l'épine. Les cordes étaient 'massée' ou 'paillées', enfoncées dans la vase avec un bouchon de vase ou de paille. Il ne dépassait alors que l'empis ('bas de ligne') avec son hameçon, très léger, qui ne remontait pas à la surface. Le bar suivait le lançon et l'empêchait de descendre. On pêchait le lançon, lorsqu'il se souillait avec une bêche. Cependant, lorsqu'on utilisait une 'houet' (bêche recourbée), il fallait être deux équipiers. L'un faisait le sillon, tandis que l'autre ramassait la petite anguille prestement, pour le mettre dans un broc ou dans un seau.

Un vocabulaire maritime spécifique à la côte du Goëlo et du Penthièvre, avec des variantes jaguines ou castines, était utilisé par les marins et les coureurs de grèves pour nommer le bestiaire maritime, en langue gallaise :

Coquillages et crustacés

Ormées : ormeaux

Ricardaux : coquilles Saint-Jacques

Coques rayées : praires

Coucou : bulot, buccin

Poinclos : crabes

Chevrette : crevette rose, bouquet

B´nîs ou m'nîs : berniques

Brigau : bigorneau comestible

Mançot : solen, couteau

Petonge : pétoncle

Camis : crabe 'dormeur', tourteau

Catacau : crabe commun, crabe vert

Colâs : araignée de mer adulte

Grapp´ : jeune araignée de mer, encore appelée ''moussette'

Olivette : étrille

M´nuse : petit poisson de la famille des sprats, vivant en bancs, harcelés par les sternes (carettes en gallo), qui pouvaient attirer les bancs de maquereaux. Cette image des sternes tournoyant autour du banc de poissons étaient appelée par les marins-pêcheurs le battûn.