En décembre 1970, l'architecte du collège d'enseignement technique de Rostrenen, Jean De Jaegher, propose au ministère de la Culture, la candidature de Morice Lipsi pour réaliser la décoration au titre du 1% artistique de l'établissement. Le dossier est notamment composé d'un CV à la fin duquel figure un texte de la main du sculpteur intitulé "La pierre. Matériau nouveau". L'artiste développe :

"La pierre nous apprends l'histoire de la terre et celle de l'homme qui a laissé des traces de son existence à travers les siècles. Vu la permanence de ce matériau, il n'échappe à aucune recherche qui touche les préoccupations des artistes vivants dans leurs époques et quel qu'il soit, leur tendance du temps dans lequel ils vivent.

Par conséquent, la pierre reste un matériau dont les possibilités sont illimitées et cela sans parler de sa substance.

La matière peut animer le créateur. Mais l'œuvre n'est pas forcément neuve par le seul fait d'être traitée dans une matière nouvelle.

Toute matière devient neuve lorsque l'artiste l'anime de nouveauté, c'est-à-dire, elle devient neuve sous l'outil de l'homme.

C'est ainsi que son renouvellement devient constant."

La commission nationale chargée des projets de décoration dans les édifices publics, réunie le 8 novembre 1972, "apprécie tout particulièrement la haute qualité de la sculpture de M. Lipsi et donne un avis très favorable à la réalisation de ce projet" , nonobstant l'appréciation réservée du rapport de l'inspectrice principale de la création artistique, Mme Alberte Ruth Grynpas. Ladite commission avait recueilli auparavant divers avis, dont celui du maire de Rostrenen, M. Guillaume Le Caroff, qui avait faire preuve d'une humilité rarement rencontrée : "(...) j'ai étudié le dossier du projet mais il m'est difficile d'émettre un avis vraiment motivé. Je vous fais donc confiance" (lettre du maire, à la DDE des Côtes-du-Nord, le 29 avril 1971).

Le projet, agréé par l'arrêté préfectoral du 5 février 1973, est le suivant : "A gauche de l'entrée du Collège d'Enseignement Technique de Rostrenen, entre le bâtiment d'administration et celui de l'internat des filles, une sculpture en granit de Lanhélin de 5M de hauteur totale environ. Le support conçu en fonction de la sculpture aura 3m de hauteur et 90 cm de côté au sol, la sculpture proprement dite 2m de hauteur, 1,73 m de largeur et 1 m de profondeur." (voir la maquette publiée en illustration).

Le projet réalisé et dûment réceptionné et validé par le directeur départemental de l'Equipement et l'architecte, le 18 octobre 1974, est fort différent. Il est certes en granite de Lanhélin, mais n'a pas la verticalité attendue. La "sculpture spatiale" mesure en effet 2,90 x 3,15 m.

Faut-il voir dans cette évolution la prise en compte de l'appréciation d'Alberte Ruth Grynpas, dans son rapport devant la commission nationale. L'inspectrice principale de la Création artistique avait en effet estimé : " Bloc monolithe de granit dans lequel l'artiste se propose de tailler la sculpture qui nous est présentée. L'élément correspondant à une sorte de socle élevé ne paraît pas heureux. L'ensemble du projet en est appauvri !"

La sculpture de Morice Lipsi a coûté 98 664 francs. Cet artiste, qui fut l'un des pionniers de la sculpture par le procédé de la taille directe. C'est un des plus importants sculpteurs sur Pierre. En 1970, il avait déjà été agréé pour réaliser la décoration au titre du 1% artistique du CET de Lannion, dont l'architecte est également Jean De Jaegher. Il avait déjà utilisé le granite de Lanhélin, notamment pour la "colonne" olympique sculptée pour les JO d'hiver de Grenoble, créée en 1967, dans le double cadre de la préparation des JO d'hiver de 1968, et du premier symposium français de sculpture que Lipsi présida et auquel participa entre autres, son ami Yasuo Mizui.