Deux œuvres confiées à des artistes renommés : André Beaudin et Morice Lipsi

La décoration au titre du 1% du lycée Félix Le Dantec de Lannion est composée de deux œuvres d'artistes majeurs : une céramique d'André Beaudin (1895-1979) et une sculpture en granite rose de Morice Lispi (1898-1986). Le premier est un peintre de l'école de Paris, dont les catalogues d'exposition ont souvent été préfacés par des poètes. Paul Eluard disait de lui, en 1949 (exposition à New-York) : "André Beaudin est un maçon, un architecte, un peintre, un sculpteur, un graveur. Mais une flamme passe à travers son œuvre, rouge et blanche avec ce reflet vert et jaune qu'est la terre du printemps et le don de l'été." Le second est un des sculpteurs majeurs des années d'après-guerre en France, ayant évolué vers l'abstraction et promu la technique de la taille directe.

Les arrêtés ministériels d'agréments ont été signés le 8 juillet 1970 et décrivent ainsi les deux œuvres :

"Un panneau décoratif en mosaïque de 3 m X 6 m environ, qui sera placé dans le hall d'entrée du lycée technique municipal et du Collège d'enseignement technique mixte de Lannion (Côtes-du- Nord) [pour 45 000 F].

"Une sculpture en granit, composée de deux parties :

- un arc de 4 m de hauteur, 3,10 m de largeur et 1,25 m d'épaisseur ;

- une verticale de 3,70 m de hauteur, 1,50 m de larguer et 1,30 m d'épaisseur.

cette sculpture sera placée sur un tertre de verdure à l'entrée du lycée technique (...)" [pour 120 000 F].

Alors que les lycéens croient y déceler, un F et un D, évocateurs du "nom de baptême" du lycée : Félix Le Dantec, elle s'intitule, selon le livre Morice Lipsi (cité en références documentaires),"Dialogue de la Tangente et de la Verticale" ; elle a pour dimensions (4,50 x 3,20 x 2,00 m) ; elle date de 1972. Le granit rose provient des carrières des frères Hingard, à Perros-Guirec (22).

De son côté, André Beaudin a confié la réalisation de la céramique à M. Lino Melano, domicilié à Biot (06), à qui Bernard Anthonioz, chef de service de la création artistique au ministère, demande, le 6 juin 1972, de prendre des disposition pour "faire ce travail".

La genèse mouvementée de ce programme de décoration

La commission chargée de l'étude des projets de décoration dans les édifices publics, réunie le 25 juin 1970, devait émettre un avis favorable : "L'ensemble de ce programme est particulièrement intéressant, il est accepté". Son rapporteur, M. Jean-Pierre Poggi, avait été élogieux, à propos de la mosaïque : "L'équilibre des formes et la pondération de la couleur se prêtent particulièrement à une interprétation en mosaïque, placée à l'intérieur des bâtiments." Il n'était pas en reste concernant la sculpture : "La maquette présentée affirme la présence architecturale qu'aura une telle sculpture dans un parti vertical conjugué à des courbes et des plans au jeu subtil".

Une genèse détaillée de cet agrément réclamerait un trop long développement. L'architecte Jean De Jaegher, avait en effet, dans un premier temps, en décembre 1966, présenté un programme de décoration composé de treize œuvres de quatre artistes : MM. Le Bon, Rohner, Mahé et Lenoble. La commission nationale, réunie le 29 février 1968, avait déploré cet aspect pléthorique et jugé sèchement : "Chaque projet est banal et sans intérêt, à l'exception des céramiques de M. Lenoble (le grand panneau seulement) d'une belle qualité.". Elle devait donc réclamer à l'architecte de faire une nouvelle étude et de se mettre en relation avec M. Allemand, alors rapporteur devant la commission. Ce refus ignorait l'appui apporté à deux de ces artistes, les Bretons Michel Le Bon et Guy Mahé, "membres du groupe "Fréhel"", apporté par le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères chargé de la coopération, M. Yvon Bourges (Lettre à André Malraux, ministre d'Etat chargé des Affaires Culturelles,19 mai 1967).

La seconde proposition de l'architecte, acceptée par la commission, devait susciter l'ire du maire de Lannion, M. Blandin, qui décida de dénoncer, par voie de lettres au ministre et au préfet, le choix d'artistes parisiens (Lannion Républicain, 22 août 1970). La démarche provoqua un temps l'inquiétude de l'architecte espérant, entre autres, que le maire de Rostrenen, où il avait également proposé Morice Lipsi pour décorer le CET, "ne suiv[rait] pas l'exemple de son confrère."

Crainte vaine puisque l'édile du centre Bretagne, M. Le Caroff, devait décider, quelques mois plus tard, de "faire confiance".