Dossier de présentation du mobilier IM29005649 | Réalisé par
  • inventaire topographique, Plogoff
Le mobilier rural (Plogoff)
Copyright
  • (c) Communauté de communes Cap Sizun - Pointe du Raz

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Cap Sizun - Pont-Croix

L’enquête topographique de 2018 sur l’habitat rural de Plogoff s’inscrit dans la continuité d’une enquête réalisée en 1977-1978 par l’Inventaire Général. Lors du recensement des maisons et fermes, il a été possible de rentrer dans certaines d’entre elles et d’y photographier et étudier son mobilier traditionnel.

Au vu de la richesse de ces meubles encore très présents dans les maisons de la commune, il a été choisi d’y consacrer un dossier entier. Il a également été choisi pour des raisons de sécurité de ne pas localiser les photographies présentées ici.

De nombreuses images récentes de drustuilhs contenues dans ce dossier sont l’œuvre d’un habitant de Primelin qui a entreprit depuis fin 2017 un recensement très approfondi de ce meuble typique en vue d’en étudier les décors et leur symbolique.

LE MOBILIER RURAL OBSERVE SUR LA COMMUNE DE PLOGOFF.

Lorsque l’on franchit la porte d’une maison traditionnelle de Plogoff qui n’a pas été remaniée, on pénètre dans un couloir aux cloison de bois avec soubassement en pierre appelées « speurniou ». Ce couloir dessert à gauche et à droite deux espaces dont les dimensions varient selon le type et la taille de l’habitation.

A l’origine, l’un des côtés faisait office de chambre ou de débarras. Il pouvait également être consacré à la vie sociale, l’accueil des hôtes ou simplement au stockage des provisions ou encore à la préparation de la bouillie pour les animaux. Le mobilier y était constitué, à l’instar des chambres de l’étage, de lits-clos et d’armoires, parfois de quelques rares coffres, vestiges d’une époque plus ancienne. Dans l’ensemble assez peu fourni, ce mobilier et son emplacement dans la pièce ne répondait à aucun modèle particulier.

L’autre côté, destiné à la vie quotidienne, est appelé « haut-bout » ou salle commune. Le mobilier et l’aménagement de cet espace, était quant à lui exceptionnellement homogène et se rencontrait dans tous les types de maisons de la commune jusqu’au début du 20e siècle.

L’aménagement et le mobilier de la salle commune au 19e siècle.

Comme dans une grande partie de la Cornouaille, le mur nord de la pièce, aveugle, accueillait le « front des armoires ». Il s’agissait d’un alignement d’armoires, quelque fois un buffet vaisselier ou une horloge, qui accompagnaient un lit-clos (ou demi-clos) situé contre la cheminée : le gwele tal an tan (le lit-clos près du feu). Pour une meilleure cohérence de l’ensemble, les meubles qui le composaient étaient généralement surmontés d’une corniche moulurée sur laquelle on avait disposé une rangée de bols multicolores.

Les pieds disgracieux des meubles étaient cachés par un petit banc qui courrait tout le long de l’alignement. Ce banc propre au Cap-Sizun est dit « bank koste’n ti » (le banc du côté de la maison), bank ar arbeliou (le banc des armoires) ou encore « banc des pauvres » car c’est ici que s’asseyaient, selon plusieurs témoignages, les mendiants invités à partager le repas de la famille.

Le mobilier installé contre le mur sud était, quant à lui, organisé autour de la fenêtre. Devant celle-ci, perpendiculairement au mur, se trouvait la table flanquée de deux bancs : l’un associé au drustuilh et l’autre au lit-clos dit « gwele tal an dol », le lit-clos face à la table.

Ce dernier était installé contre la cloison qui séparait la salle commune du couloir central de la maison. Sa façade dont les portes coulissaient latéralement sur des glissières pour accéder à la paillasse était positionnée en face de la table et constituait la seule partie du meuble ouvragée et décorée.

De l’autre côté de la table se trouvait le drustuilh, meuble très caractéristique du Cap-Sizun, qui est une évolution locale du banc-dossier. Il s’agit d’un banc dont le dossier a été agrandit à un tel point qu’il est devenu une véritable cloison et dissimulait aux yeux des visiteurs une arrière cuisine où pouvait régner, par moments, un certain désordre.

Le drustuilh.

Constitué d’un banc (qui peut également être un coffre) et d’un dossier d’environ 2 mètres de haut sur 1,80 mètre de large (longueur du banc), il est le meuble le plus éclairé et le plus décoré de la maison.

La structure du drustuilh du 19e siècle est simple : composé de deux montants principaux dont les extrémités basses font office de pied et de traverses intermédiaires, il présente une composition en travées horizontales.

La partie basse du meuble présente 3 à 5 (voir plus) panneaux rectangulaires ou chantournés simples. Le haut, visible même si quelqu’un est assis sur le banc, est quant à lui composé, dans la majorité des cas, d’une niche à Vierge centrale flanquée de deux battants de porte, le tout décoré de nombreux frises sculptées et ostensoirs. Le sommet du meuble est coiffé d’une corniche soigneusement moulurée.

Un meuble de rangement.

Outre sa fonction de cloisonnement, le drustuilh servait également de meuble de rangement. La porte qui se trouve du côté du mur donne sur une petite armoire peu profonde fermant à clé et dans laquelle le « patron » de la maison rangeait certaines choses importantes. L’autre porte est factice mais sa présence accentue l’harmonie esthétique du meuble.

L’envers du meuble était également destiné au rangement : On s’en servait pour y suspendre les ustensiles de cuisine au-dessus de la table généralement en pierre où l’on préparait le repas.

Un meuble de représentation.

La façade du meuble offerte aux yeux des visiteurs était astiquée toute les semaines et décorée parfois avec minutie. La richesse des décors sculptés ainsi que le soin apporté à l’entretien du meuble participaient très probablement à la réputation et à l’image de marque des occupants.

Ces décors, miroir du goût des belles choses et de la richesse des habitants, sont très présents sur le drustuilh (certains d'entre eux sont également pourvus d’une multitude de clous de laiton dorés). Le contraste est d’ailleurs saisissant entre cette richesse d’ornements et la sobriété des décors de la plupart des autres meubles de la salle commune.

Parmi eux, les motifs religieux ont une place centrale : niche abritant une statuette de la Vierge à l’Enfant, ostensoirs dans plus de 80% des meubles observés ou encore cœurs surmontés d’une croix, ciboires et têtes d’angelots. Ces décors faisaient entrer le religieux dans la vie quotidienne et transformaient le drustuilh en un véritable autel domestique auprès duquel ont faisaient la prière du soir et on veillait les morts.

Les motifs géométriques firent leur apparition dès le début du 19e siècle et ne cessèrent de s’enrichir jusqu’à laisser leur place, dans la seconde moitié du siècle à des motifs à prédominance végétale. Ainsi on peut reconnaitre sur les meubles les plus récents des fleurs (rose, lin…), du lierre, des feuilles de chêne accompagnées de glands et des vignes garnies de grappes de raisin.

Malgré l’observation de quelques armoires du 18e siècle ainsi que certains coffres plus anciens, la grande majorité des dates relevées sur les meubles repérés à Plogoff en 2019 renvoie au 19e siècle. L’important renouvellement de l’habitat rural qui eut lieu à cette époque dans le Cap-Sizun a également impacté le mobilier et l’aménagement intérieur de la maison d’une façon homogène et systématique.

On ne sait pas grand-chose de la configuration des intérieurs des siècles précédents car aucune des rares maisons des 17e et 18e siècles n'a conservé ses meubles à leur place. Seuls les inventaires après décès nous signalent, à défaut de leur emplacement, le type de mobilier utilisé.

On peut ainsi remarquer la disparition progressive de certains meubles comme les coffres, nombreux en Bretagne jusqu’au 19e siècle, remplacés petit à petit par les armoires ou transformés en bancs-coffre et placés de chaque côté de la table. On peut également se rendre compte de l’évolution du « banc-coffre » vers le drustuilh et du remplacement progressif de la table coulante (à plateau coulissant) vers une table plus ordinaire et plus basse.

A partir du début du 19e siècle, le mobilier et sa disposition dans la maison semblent avoir trouvé un équilibre qui ne sera pas brisé pendant près d’un siècle, sinon par des changements minimes, tels que l’ajout d’une horloge ou d'un buffet-vaisselier dans l’alignement des armoires de la salle commune. Les premières modifications importantes se sont fait sentir au début du 20e siècle et ont plutôt concerné les chambres de l’étage et du rez-de-chaussée.

Les lits clos jugés trop encombrants ont été les premiers à disparaitre bien qu’on en ait fabriqué jusqu’au début du 20e siècle. Victimes de la vogue des lits de coin, plus propices aux maisons mieux chauffées et moins surpeuplées, nombreux sont ceux qui ont été brûlés ou transformés en clapiers ou poulaillers.

Les photographies prises lors de l’enquête de 1978 montrent une présence encore importante du mobilier traditionnel dans les habitations de la commune à cette époque. Selon les enquêteurs de l’Inventaire Général, même si les intérieurs ont été impactés par l’acquisition de mobilier néo-breton industriel dans les années 1950-1960, la salle commune a une fois de plus résisté à cette évolution.

Plusieurs armoires, horloges et buffets vaisseliers ont en effet conservé leur emplacement, tout comme le drustuilh qui a parfois été encastré dans une cloison moderne séparant la salle d’une véritable cuisine.

C’est à cette époque qu’est née la prise de conscience de la valeur marchande et sentimentale du vieux mobilier. Lancée sous l’impulsion des enfants établis à la ville et des résidents secondaires elle n’a fait que s’accroitre jusqu’en 2019. Nombreuses sont en effet les maisons qui possèdent encore aujourd’hui un drustuilh. Même si celui-ci n’est plus à sa place d’origine, ni même pourvu de son banc, il trône dans l’entrée ou contre un mur. Nombreux sont également les meubles qui ont été remaniés : Il est courant en effet d’observer un drustuilh ou un lit clos transformé en armoire, placard, buffet, meuble télé ou encore en tête de lit.

En 2019, il ne reste que de rares habitations à avoir conservé leur mobilier traditionnel en place. Il est alors régulièrement entretenu, astiqué et mis en valeur consciencieusement. Considérés comme un aspect incontournable de l’identité du territoire, certains d’entre eux (façades de lits-clos, armoires et surtout drustuilhs) sont aujourd’hui exposés dans les gîtes ruraux et chambres d’hôtes de la commune pour imprégner les estivants d’un pan important de la culture capiste.

  • Auteur(s)

Bibliographie

  • PELRAS, Christian, Goulien, commune bretonne du Cap-Sizun, entre XIXe siècle et IIIe millénaire, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2001.

    Collection particulière
    p 157-164
  • Daniel Bernard, Cléden-Cap-Sizun : monographie d'une paroisse et d'une commune de la presqu'île du Cap-Sizun, 1952. (réédition 2002)

    Collection particulière
    p 17-18
  • INVENTAIRE GÉNÉRAL DES MONUMENTS ET DES RICHESSES ARTISTIQUES DE LA FRANCE, Architecture rurale et mobilier au Cap-Sizun. juillet 1979, Audierne.

    p 16-37
  • SIMON, Jean-François. Tiez : La paysan breton et sa maison, tome 2 : La Cornouaille. Le Chasse-Marée, éditions de l'estran, Douarnenez, 1988.

  • RÉGION BRETAGNE. Service de l'Inventaire du patrimoine culturel. COLLECTIF. Architecture rurale en Bretagne. 50 ans d'inventaire du patrimoine. Editions Lieux-dits. 2014.

    p 252-253

Périodiques

  • ROZEC, Yves et SIMON Jean-François, Un meuble original en Cap-Sizun in Ar Men n° 70, septembre 1995.

    Collection particulière
    p 2-16
Date(s) d'enquête : 2018; Date(s) de rédaction : 2018
(c) Région Bretagne
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