L’enquête topographique de 2018 sur l’habitat rural de Primelin s’inscrit dans la continuité d’une enquête réalisée en 1978 par l’Inventaire Général. Lors du recensement des maisons et fermes, il a été possible de rentrer dans certaines d’entre elles et d’y photographier et étudier son mobilier traditionnel.
Au vu de la richesse de ces meubles encore très présents dans les maisons, il a été choisi d’y consacrer un dossier entier. Il a également été choisi pour des raisons de sécurité de ne pas localiser les photographies présentées ici.
LE MOBILIER RURAL OBSERVE SUR LA COMMUNE DE PRIMELIN.
Lorsque l’on franchit la porte d’une maison traditionnelle de Primelin qui n’a pas été remaniée, on pénètre dans un couloir aux cloison de bois avec soubassement en pierre appelées « speurniou ». Ce couloir dessert à gauche et à droite deux espaces dont les dimensions varient selon le type et la taille de l’habitation.
A l’origine, l’un des côtés faisait office de chambre ou de débarras. Il pouvait également être consacré à la vie sociale, l’accueil des hôtes ou simplement au stockage des provisions ou encore à la préparation de la bouillie pour les animaux. Le mobilier y était constitué, à l’instar des chambres de l’étage, de lits-clos et d’armoires, parfois de quelques rares coffres, vestiges d’une époque plus ancienne. Dans l’ensemble assez peu fourni, ce mobilier et son emplacement dans la pièce ne répondait à aucun modèle particulier.
L’autre côté, destiné à la vie quotidienne, est appelé « haut-bout » ou salle commune. Le mobilier et l’aménagement de cet espace, était quant à lui exceptionnellement homogène et se rencontrait dans tous les types de maisons de la commune jusqu’au début du 20e siècle.
L’aménagement et le mobilier de la salle commune au 19e siècle.
Comme dans une grande partie de la Cornouaille, le mur nord de la pièce, aveugle, accueillait le « front des armoires ». Il s’agissait d’un alignement d’armoires, quelque fois un buffet vaisselier ou une horloge, qui accompagnaient un lit-clos (ou demi-clos) situé contre la cheminée : le gwele tal an tan (le lit-clos près du feu). Pour une meilleure cohérence de l’ensemble, les meubles qui le composaient étaient généralement surmontés d’une corniche moulurée sur laquelle on avait disposé une rangée de bols multicolores.
Les pieds disgracieux des meubles étaient cachés par un petit banc qui courrait tout le long de l’alignement. Ce banc propre au Cap-Sizun est dit « bank koste’n ti » (le banc du côté de la maison), bank ar arbeliou (le banc des armoires) ou encore « banc des pauvres » car c’est ici que s’asseyaient, selon plusieurs témoignages, les mendiants invités à partager le repas de la famille.
Le mobilier installé contre le mur sud était, quant à lui, organisé autour de la fenêtre. Devant celle-ci, perpendiculairement au mur, se trouvait la table flanquée de deux bancs : l’un associé au drustuilh et l’autre au lit-clos dit « gwele tal an dol », le lit-clos face à la table.
Ce dernier était installé contre la cloison qui séparait la salle commune du couloir central de la maison. Sa façade dont les portes coulissaient latéralement sur des glissières pour accéder à la paillasse était positionnée en face de la table et constituait la seule partie du meuble ouvragée et décorée.
De l’autre côté de la table se trouvait le drustuilh, meuble très caractéristique du Cap-Sizun, qui est une évolution locale du banc-dossier. Il s’agit d’un banc dont le dossier a été agrandit à un tel point qu’il est devenu une véritable cloison et dissimulait aux yeux des visiteurs une arrière cuisine où pouvait régner, par moments, un certain désordre.
Le drustuilh.
Constitué d’un banc (qui peut également être un coffre) et d’un dossier d’environ 2 mètres de haut sur 1,80 mètre de large (longueur du banc), il est le meuble le plus éclairé et le plus décoré de la maison.
La structure du drustuilh du 19e siècle est simple : composé de deux montants principaux dont les extrémités basses font office de pied et de traverses intermédiaires, il présente une composition en travées horizontales.
La partie basse du meuble présente 3 à 5 (voir plus) panneaux rectangulaires ou chantournés simples. Le haut, visible même si quelqu’un est assis sur le banc, est quant à lui composé, dans la majorité des cas, d’une niche à Vierge centrale flanquée de deux battants de porte, le tout décoré de nombreux frises sculptées et ostensoirs. Le sommet du meuble est coiffé d’une corniche soigneusement moulurée.
Un meuble de rangement.
Outre sa fonction de cloisonnement, le drustuilh servait également de meuble de rangement. La porte qui se trouve du côté du mur donne sur une petite armoire peu profonde fermant à clé et dans laquelle le « patron » de la maison rangeait certaines choses importantes. L’autre porte est factice mais sa présence accentue l’harmonie esthétique du meuble.
L’envers du meuble était également destiné au rangement : On s’en servait pour y suspendre les ustensiles de cuisine au-dessus de la table généralement en pierre où l’on préparait le repas.
Un meuble de représentation.
La façade du meuble offerte aux yeux des visiteurs était astiquée toute les semaines et décorée parfois avec minutie. La richesse des décors sculptés ainsi que le soin apporté à l’entretien du meuble participaient très probablement à la réputation et à l’image de marque des occupants.
Ces décors, miroir du goût des belles choses et de la richesse des habitants, sont très présents sur le drustuilh (certains d'entre eux sont également pourvus d’une multitude de clous de laiton dorés). Le contraste est d’ailleurs saisissant entre cette richesse d’ornements et la sobriété des décors de la plupart des autres meubles de la salle commune.
Parmi eux, les motifs religieux ont une place centrale : niche abritant une statuette de la Vierge à l’Enfant, ostensoirs dans plus de 80% des meubles observés ou encore cœurs surmontés d’une croix, ciboires et têtes d’angelots. Ces décors faisaient entrer le religieux dans la vie quotidienne et transformaient le drustuilh en un véritable autel domestique auprès duquel ont faisaient la prière du soir et on veillait les morts.
Les motifs géométriques firent leur apparition dès le début du 19e siècle et ne cessèrent de s’enrichir jusqu’à laisser leur place, dans la seconde moitié du siècle à des motifs à prédominance végétale. Ainsi on peut reconnaitre sur les meubles les plus récents des fleurs (rose, lin…), du lierre, des feuilles de chêne accompagnées de glands et des vignes garnies de grappes de raisin.
Photographe à l'Inventaire