La décoration au titre du 1% du lycée Jean Moulin de Châteaulin est composée d'une céramique et d'une sculpture.
Une céramique de Xavier Krebs (1923-2013)
La commission d'agrément des artistes proposés pour les travaux de décoration dans les bâtiments d'enseignement, réunie le 18 février 1960, donne son accord pour une céramique "plate" de Xavier Krebs, de 5m x 3,2 m (dimensions modifiées pour des raisons exposées ci-dessous), pour un montant de 12 000 francs, malgré des réserves.
"Les mouettes stylisées traitées par l'artiste sont moins bonnes que les projets réalisés par l'artiste du lycée de Quimper.
La commission donne néanmoins son accord et fait confiance à l'architecte pour veiller tout particulièrement à ce travail lors de son exécution."
L'architecte en question était Raymond Lopez (1904-1966), architecte du nouvel internat du lycée de jeunes filles de Quimper, actuel lycée Brizeux, et de l'annexe du lycée de Quimper à Châteaulin, actuel lycée Jean Moulin. Il avait proposé, pour le premier, l'artiste quimpérois Pierre Toulhoat (1923-2014), chargé de réaliser deux céramiques en bas-relief. Cependant, les œuvres de Toulhoat étaient figuratives, tandis que celles de Krebs étaient alors inspirées de l'abstraction lyrique. Aussi semble-t-il vain de rechercher des mouettes sur la céramique réalisée in fine. La comparaison entre les œuvres de Pierre Toulhoat et Xavier Krebs est de même fort étonnante, puisqu'elles n'ont finalement en commun que la matière, la terre chamottée, et la faïencerie où elles sont réalisées : Keraluc.
L'architecte a fait preuve d'une réelle implication dans le suivi du dossier, aussi bien pour créer des conditions favorables à l'agrément par la commission, que sur le plan artistique ou du respect des délais.
La correspondance conservée dans les archives familiales de l'artiste fournit un éclairage particulièrement intéressant sur les rapports architecte artiste dans le cadre du processus créatif lié au 1% artistique. Raymond Lopez avait, par exemple, suggéré de nommer la composition, réclamé "quelques autres croquis", apporté des précisions techniques : "le lithograni qui a été exécuté sur le mur sera soit à piocher, ou bien servira de support à votre sous-enduit de pose de carreaux, car je vois cette fresque réalisée en carreaux de terre chamottée, dont l'effet, d'après-vous, est le plus beau".
Plus encore, les œuvres du 1% artistique devant s'intégrer à l'architecture, Raymond Lopez précisa : " Je vous retourne votre croquis indiquant l'emplacement de la fresque, je la vois régnant avec la hauteur de la porte, afin de ne pas créer de coupure supplémentaire, et sur toute la longueur du mur. Nous gardons les tons des dernières esquisses, voici également les deux esquisses choisies et sur calques, les corrections demandées aux Travaux d'Art, pour plus de simplicité et de calme sur le mur. (...) soyez aimable de me dire si nous sommes d'accord tant sur son emplacement que sur sa composition définitive." (le 24 avril 1960).
Dans une lettre manuscrite, datée du 7 juin (1960), il donna même une dernière orientation artistique : "J'ai reçu ce matin votre maquette qui va je crois donner un très beau mur. Je vous réexpédie l'ensemble pour vous montrer ma seule critique : il faut supprimer les céramiques indiquées "jaunes rosés" et les prévoir soit en plus pâle soit rose suivant les tons indiqués par des fléchettes sur votre toute petite esquisse." Il précisait enfin : "il est indispensable que la pose de cette céramique se fasse avant la rentrée de septembre prochain."
L'absence d'éléments de comparaison ne nous permet pas de savoir si l'architecte s'est investi à ce point pour obéir à l'injonction initiale de la commission, ou si c'était sa pratique sur l'ensemble des projets de 1% artistique.
De son côté, l'artiste exprima, dans une correspondance destinée à une dame (Chère Madame) qui n'a pu être identifiée - mais qui pourrait être Madame Lallier, au ministère - son refus d'utiliser des "carreaux plats ordinaires (...) ceux du commerce", son choix de "carreaux faits de terre chamottée, assez épais à cause des déformations au cours du séchage". Il précisa encore que ces derniers "valent 140 000 F le mètre carré (en relief ou en plat)". Ainsi l'artiste fut-il conduit à faire "un petit croquis de réduction possible du panneau qui ne ferait plus que 16 m2, donc 2 240 000 au lieu de 3 080000 qui avaient été convenus avec Monsieur Rengnier lors de sa visite à Châteaulin". L'artiste s'exprimait en anciens francs, mais il demeure un écart entre le montant agréé et celui ici exprimé.
Xavier Krebs fut par la suite l'auteur de trois autres œuvres monumentales dans le cadre du 1% artistique, pour l'Ecole technique aéronautique de la Ville-d'Avray (92) - avec la peintre Francine Holley, pour le collège de Scaër (29) et pour celui de Muzillac (56), en collaboration avec les architectes Raymond Lopez, Guillermaud et Yves Guillou.
Une sculpture en ronde bosse de Jean-Pierre Duroux (1926-2007)
Le même jour, la commission donna son agrément à Jean-Pierre Duroux pour la réalisation d'une sculpture en ronde bosse, en granite noir, d'1,6 X 1,8 x 1,2 mètres, pour un montant de 23 800 francs. Elle devait être placée sous l'auvent d'entrée et a probablement été légèrement déplacée.
Une note manuscrite figurant dans le dossier du 1% indique que la maquette est "provocante" représentant un "élève affalé sur une table, coude traversant la table". Est-ce la raison pour laquelle le procès-verbal de la commission indique :
"La maquette représente un élève penché sur une table d'école :
"L'artiste ne semble pas avoir vu l'écueil que représente son projet : la partie horizontale de la table doit être placée à hauteur d’œil, afin d'éviter une déformation totale de la sculpture ? Cette question sera donc à mettre au point.
L'idée étant jugée intéressante, le projet est accepté sous réserve que Mme Lamy et M. Lopez mettent au point ce projet". Madame Lamy était inspecteur principal des Beaux-Arts et avait probablement été chargée du rapport sur ce projet de décoration.
La sculpture réalisée représente une élève accoudée sur un livre. Suite à ces "mises au point" ?
Un projet de vitrail refusé
Un vitrail d'André Pierre a été rejeté par la commission, suite à l'avis défavorable du Conseil général de Bâtiments de France (CGBF), qui estima son implantation dans "la bibliothèque des professeurs", incompatible avec la nécessité de visibilité des décorations par les élèves (17 juin 1959). L'architecte avait alors proposé d'intégrer le vitrail aux baies du foyer des élèves, mais le CGBF a de nouveau récusé le projet, le 6 octobre 1959, au double motif d'une intégration peu harmonieuse aux baies vitrées du foyer et du dépassement de l'enveloppe attribuée à l'ensemble de la décoration (35 00 francs).
Chargé d'études à l'Inventaire