Dossier de présentation du mobilier IM29005751 | Réalisé par
  • inventaire topographique, Cap Sizun - Pointe du Raz
Le drustuilh, un meuble du Cap-Sizun
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  • (c) Communauté de communes Cap Sizun - Pointe du Raz

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Cap Sizun - Pont-Croix

L’enquête topographique de 2018-2023 sur l’habitat rural dans les communes du Cap-Sizun s’inscrit dans la continuité d’une enquête réalisée en 1977 -1984 par l’Inventaire Général. Le recensement réalisé lors de ces deux enquêtes a permis d’entrer dans certaines maisons et d’y étudier son mobilier traditionnel. Parmi ces meubles, l’un d’eux mérite une attention particulière : le drustuilh. Il a donc été choisi de réaliser un dossier collectif à l’échelle du territoire sur ce seul meuble. L’aménagement intérieur et le mobilier de manière plus générale sont traités dans un dossier à part entière.

Evolution locale du banc dossier breton ou cloison de bois utilitaire et symbolique, ce meuble n’existe que dans le Cap-Sizun, plus particulièrement dans l’ouest de la presqu’ile. Il était placé perpendiculairement au mur sud de la salle commune, en face du lit clos de l’autre côté de la table. Son dossier a été agrandit à un tel point qu’il est devenu une véritable cloison et dissimulait l’arrière-cuisine aux yeux des visiteurs.

Constitué d’un banc (qui peut également être un coffre) et d’un dossier d’environ 2 mètres de haut en moyenne sur 1,80 mètre de large (longueur du banc), le drustuilh est le meuble le plus éclairé et le mieux décoré de la maison capiste du 19e siècle. Il présente une structure en travées horizontales composée par deux montants principaux dont les extrémités basses font office de pied et de traverses intermédiaires.

La partie basse du meuble présente 3 à 5 (voir plus) panneaux rectangulaires ou chantournés simples. Le haut, visible même si quelqu’un est assis sur le banc, est quant à lui composé, dans la majorité des cas, d’une niche à Vierge centrale (ou niche à saint) flanquée de deux battants de porte, le tout décoré de nombreux frises et ostensoirs sculptés en bas-relief. Le sommet du meuble est coiffé d’une corniche soigneusement moulurée.

Un meuble de rangement.

Outre sa fonction de cloisonnement, le drustuilh servait également de meuble de rangement. La porte qui se trouve du côté du mur donne sur une petite armoire peu profonde fermant à clé et dans laquelle le « patron » de la maison rangeait certaines choses importantes. L’autre porte est factice mais sa présence accentue l’harmonie esthétique et la symétrie du meuble.

L’envers du meuble était également destiné au rangement : On s’en servait pour y suspendre les ustensiles de cuisine au-dessus de la table généralement en pierre où l’on préparait le repas.

Un meuble de représentation.

La façade du meuble offerte aux yeux des visiteurs était astiquée toutes les semaines et décorée parfois avec une minutie impressionnante. La richesse des décors sculptés ainsi que le soin apporté à l’entretien du meuble participaient très probablement à la réputation et à l’image de marque des occupants.

Ces décors, miroir des goûts et de la richesse des habitants, sont très présents sur le drustuilh (certains meubles sont également pourvus d’une multitude de clous de laiton dorés). Le contraste est d’ailleurs saisissant entre cette richesse d’ornements et la sobriété des décors de la plupart des autres meubles de la salle commune.

Parmi eux, les motifs religieux ont une place centrale : niche abritant principalement une statuette de la Vierge à l’Enfant, ostensoirs dans plus de 80% des meubles observés ou encore cœurs surmontés d’une croix, ciboires et têtes d’angelots. Ces décors faisaient entrer le religieux dans la vie quotidienne et transformaient le drustuilh en un véritable autel domestique auprès duquel ont faisaient la prière du soir et on veillait les morts.

Les motifs géométriques font leur apparition dès le début du 19e siècle et ne cessèrent de s’enrichir jusqu’à laisser leur place, dans la seconde moitié du siècle à des motifs à prédominance végétale. Ainsi on peut reconnaitre sur les meubles les plus récents des fleurs (rose, lin…), du lierre, des feuilles de chêne accompagnées de glands et des vignes garnies de grappes de raisin.

Le drustuilh, dans sa forme la plus rencontrée, est un meuble du 19e siècle et du début du 20e siècle. Les dates portées sur certains d’entre eux renvoient à une période allant de 1821 à 1924. Cependant, les inventaires après décès mettent en évidence des meubles qui pourraient s’y apparenter dès la fin du 17e siècle. Ainsi, on nous signale « un banc dossier en forme d’arrière-cuisine ayant deux armoires hautes » à Plogoff en 1685, « un mauvais banc dossier garny de deux petites armoires en haut » à Goulien en 1732, « un dossier à l’ancienne mode ayant deux petites armoires en haut » à Cléden-Cap-Sizun en 1759 et « un banc dossier avec une armoire d’attache avec sa clef et clavure » à Plogoff en 1765.

Toutefois, trois drustuilhs plus anciens ont pu être observés à Audierne, Cléden-Cap-Sizun et à Goulien. Les deux premiers dateraient, après analyse de leurs décors, de la fin du 18e siècle. Composés uniquement de panneaux dont l’un est à clairevoie, ils présentent peu de décors sculptés (un ostensoir sur celui de Cléden-Cap-Sizun). Le troisième est daté de 1812 et même s’il présente toujours le panneau à clairevoie, il possède en plus une niche à saint et des décors plus nombreux (ostensoir, bougies, rosace et frise géométrique).

Ce dernier meuble semble marquer une transition dans la composition des drustuilhs. En effet, après 1812, le panneau à clairevoie disparait totalement et la niche à saint ainsi que les décors se généralisent.

Entre 2018 et 2023 plus de 150 drustuilhs ont été observés et plusieurs dizaines d’autres ont été signalés. Même si la majorité d’entre eux ne sont plus à leur place d’origine (comme c’était encore le cas lors de l’enquête de 1977 - 1984), ils restent cependant dans les maisons : contre un mur, derrière le canapé ou dans l’entrée. Quelques uns ont été remaniés en armoire, en garde-manger ou, plus rarement, en tête de lit. Considérés comme un aspect incontournable de l’identité du territoire, certains d’entre eux sont également exposés dans les gîtes ruraux, les chambres d’hôtes ou certains lieux publics pour imprégner les estivants d’un pan important de la culture capiste.

  • Auteur(s)

Bibliographie

  • PELRAS, Christian, Goulien, commune bretonne du Cap-Sizun, entre XIXe siècle et IIIe millénaire, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2001.

    Collection particulière
  • Daniel Bernard, Cléden-Cap-Sizun : monographie d'une paroisse et d'une commune de la presqu'île du Cap-Sizun, 1952. (réédition 2002)

    Collection particulière
  • RÉGION BRETAGNE. Service de l'Inventaire du patrimoine culturel. COLLECTIF. Architecture rurale en Bretagne. 50 ans d'inventaire du patrimoine. Editions Lieux-dits. 2014.

  • INVENTAIRE GÉNÉRAL DES MONUMENTS ET DES RICHESSES ARTISTIQUES DE LA FRANCE, Architecture rurale et mobilier au Cap-Sizun. juillet 1979, Audierne.

  • SIMON, Jean-François. Tiez : La paysan breton et sa maison, tome 2 : La Cornouaille. Le Chasse-Marée, éditions de l'estran, Douarnenez, 1988.

Périodiques

  • ROZEC, Yves et SIMON Jean-François, Un meuble original en Cap-Sizun in Ar Men n° 70, septembre 1995.

    Collection particulière
Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023
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