Cet ostensoir exceptionnel, est l´unique spécimen de ce genre connu en Bretagne qui remonte au XVIIIe siècle. L´iconographie de l´ange présentant l´hostie consacrée, héritée de la tradition médiévale, se rencontre ainsi sur la monstrance de Saint-Jean-de-Monts, datée de 1440, que sa qualification de « portedieu » sur l´inscription gravée en gothiques autour de sa base, atteste bien comme étant dès l´origine un ostensoir soutenu par deux anges. Au XVIIe siècle, le motif du soleil, remplace progressivement les monstrances gothiques en forme de chapelle ou de cylindre. Un bel ostensoir, réalisé en 1698-99 par l´orfèvre parisien Jean-Baptiste Loir et conservé à Lisle-sur-Tarn (Midi-Pyrénées), opère la synthèse des deux traditions iconographique et présente cette forme alors nouvelle de l´ange portant le soleil. Cette représentation, ressurgit vers la fin du XVIIIe, dans la mouvance néo-classique ambiante ; elle aura un énorme succès au XIXe siècle et y devient souvent l´archétype du modèle « riche », comme en témoignent les nombreux exemplaires conservés de cette époque.
L´emploi ici, en 1786, d´un socle parfaitement rocaille de plan galbé, à pieds détachés et base chantournée, ne doit pas étonner et passer pour attardé : il est surtout synonyme de richesse. L´ange longiligne habillé à l´antique d´un drapé fluide, sa tête et sa chevelure traitées au naturel portent la marque d´un style nouveau, fortement inspiré par les oeuvres d´Edme Bouchardon qui donne au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour la grande église de saint Sulpice de Paris, un ensemble de statues célèbres dès leur installation. La nuée qui entoure la lunule reprend le motif des têtes de chérubins décliné à l´envi sur les ostensoirs du XVIIIe siècle.
Les rayons, dédoublés de part et d´autre des bras de l´ange, sont maintenus par des broches dont les écrous, moulurés sur la face antérieure sont escamotés dans les rayons. Cet assemblage est une véritable trouvaille qui remédie à cet endroit fragile aux risques de fracture et accentue en même temps par son aspect illusionniste l´idée du rayonnement de la gloire divine. Le raccord de la nuée céleste sous les pieds de l´ange avec le socle fait l´objet d´un même soin qui renforce l´assemblage des deux parties en même temps qu´il maintient l´esthétique baroque du débordement. Enfin la qualité d´exécution du socle, les agrafes, les chutes de feuillages finement ciselés rapportés qui masquent, la soudure des quatre faces, la ciselure du manteau et des ailes de l´ange, ainsi que l´emploi de rayons plein et non simplement estampés contribuent à la grande qualité de l´objet.
Bien que ne portant pas de poinçon de maître, l´ostensoir de Moutiers est à rapprocher de la croix de procession de la même paroisse, datée 1786, et marquée du poinçon de Gilonne Paysan, veuve de l´orfèvre rennais Jean Loison. La proximité de date et la similitude de style des deux objets permettent d´attribuer au même atelier rennais cet exceptionnel objet. Il complète de façon somptueuse tout un ensemble d´orfèvrerie déjà offert à la paroisse par le même recteur, Julien Verron. Ce dernier après avoir donné en 1774, la lampe de sanctuaire, ainsi qu´un bassin et des burettes, paie également la même année 1788 une belle chaire à prêcher dont l´abat-voix surmonté d´une belle statue d´ange de style néo-classique est comme assorti au présent ostensoir.
Photographe à l'Inventaire