Cet ensemble est exemplaire d´un cas de figure assez fréquent : celui de la restauration et du réassortiment d´un objet que son usage voue aux chocs et altérations. L´encensoir lui-même a bien été réalisé par l´orfèvre rennais François Roysard dont il porte plusieurs fois le poinçon, conformément à l´usage, sur les différents parties exécutées dans une feuille d´argent séparées et assemblées par la suite : la panse ou vase, le couvercle et les guide-chaines. Un autre poinçon, celui de communauté de Rennes correspond à la date 1772-1774. La prise, c´est-à-dire, la coupelle percée et munie d´un large anneau de préhension, qui permet le balancement de l´objet lors de l´encensement, porte des poinçons différents qui sont ceux d´un autre orfèvre rennais, Tanguy-Gabriel Fouqué, ainsi que la lettre-date du poinçon de communauté de Rennes pour 1750-1752. Il s´agit donc d´un réemploi, emprunté à un autre objet et associé après coup à l´encensoir lui-même.
Si le style rocaille de l´encensoir lui-même est parfaitement conforme à la date de 1772-1774 livrée par ses poinçons, il n´en est pas de même pour la navette qui l´accompagne. Sa forme en lampe à huile antique, qui n´apparaît dans l´orfèvrerie religieuse qu´au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, et surtout son riche décor rocaille, sont contradictoires avec le poinçon porté, celui de communauté de Rennes, un N surmonté d´une petite hermine et couronné, pour la période 1718-1720, lequel ne peut absolument pas être confondu avec celui des années 1762-1764 qui est un N couronné avec hermine en dessous. Par contre cette date de 1718 pourrait fort bien correspondre au style de la cuiller à queue de rat associée à cette même navette. D´autre part, le pied de l´objet, dépourvu de bâte, est atypique. Il faut peut-être alors imaginer que l´on a pu au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle réemployer une navette très simple, sans doute unie du début du siècle, pour la surdécorer et ainsi l´assortir à l´encensoir.