Malgré son état lacunaire et la disparition déjà ancienne de son Christ, cet objet est un témoin de grand intérêt pour l´histoire des croix de processions bretonnes. Sa provenance est attestée par les auteurs du XIXe siècle, Cayot-Delandre et Le Mené : elle faisait alors partie du trésor de l´ancienne chapelle de la Madeleine, prieuré fondé au XIIe siècle, dont les ruines subsistent dans le faubourg du même nom à l´est de la ville sur la rive gauche de l´Oust. Les bras sont terminés par des fleurons en forme de fleurs de lys stylisées assez grossières, rehaussés, sur la face antérieure d´anges debout tenant les emblèmes de la Passion, et sur l´autre face, des symboles du tetramorphe. La figuration hiératique des anges, leurs têtes aux yeux en amande, que l´on retrouve par exemple sur la clôture du tombeau de saint Gobrien à saint Servant sur Oust, la représentation conventionnelle et peu réaliste des animaux du tetramorphe, surtout caractérisés par l´insistance sur quelques détails anatomiques, griffes et queue repassant entre les pattes arrière permettant de reconnaître le lion de saint Marc, cornes exagérées du boeuf de saint Luc, serres et bec recourbé de l´aigle de saint Jean, se situent à une date bien antérieure au XVIe siècle, date avancée par Pierre Thomas-Lacroix dans son recensement de l´orfèvreries religieuse du Morbihan.
Deux modèles de galons estampés sont utilisés pour habiller les bras de la croix : le plus large sur les faces, le plus étroit sur les tranches. Leurs décors d´entrelacs végétaux stylisés sont rigoureusement identiques au décor estampé des galons appliqués sur la moitié inférieure du bras reliquaire de saint Gildas lors de sa restauration, ainsi que sur la châsse destinée à contenir ce même bras (voir les orfèvres de Basse Bretagne).
La châsse et la restauration du bras reliquaire de saint Gildas, marquées aux armes ducales dans un écu à la point effilée, le galon au monogramme I M ont pu être attribuées par Denise Dufief-Moirez à une commande de Jean IV de Montfort, sorti vainqueur de la guerre de succession après la bataille d´Auray. Il est important de rappeler en outre que le prieuré de la Madeleine de Malestroit relevait de l´abbaye saint Gildas de Rhuis. Tous ces éléments confirment une datation du XIVe et font de la croix de Malestroit, malgré son état lacunaire, en particulier du à la disparition de son Christ, une pièce majeure qui représente sans doute une des plus anciennes croix de procession bretonnes, ainsi qu´un des tous premiers exemples de l´iconographie du tetramorphe sur ce genre d´objet.
Photographe à l'Inventaire