La croix de procession de La Chapelle Caro se rattache à une série du même type, répandu en Bretagne orientale à partir de 1550. Cette simplicité n´est qu´apparente : un examen plus attentif de la technique, du décor et de l´iconographie nous révèle qu´en fait sur ces branches, qu´il a lui-même ornées d´une ligne d´oves, un orfèvre anonyme a maladroitement remonté, au début du XVIIe siècle, des éléments d´une croix du siècle précédent : le médaillon inférieur est légèrement décalé par rapport à la hampe et surtout, sur le revers, le monogramme IHS a été remonté tête en bas, par maladresse ou méconnaissance du symbole. Le titulus aux initiales INRI fermement inscrites en lettres gothiques, le traitement naturaliste de l´anatomie du Christ, le soleil aux rayons sinueux qui nimbe sa tête ainsi que le décor fleuri des quadrilobes dont la forme conserve la tradition du XIIIe siècle, ne laissent pas de doute quant à la datation : entre 1500 et 1550. Au revers, chaque médaillon porte le symbole des Évangélistes. Sur la face principale quatre docteurs de l´Église ont supplanté au début du XVIIe siècle Jean, Marc, Luc et Matthieu : après avoir martelé et plané le centre du médaillon, on a estampé les nouveaux personnages. En même temps qu´elle redécouvrait la richesse littéraire et artistique de l´Antiquité, la Renaissance s´intéressait de plus près aux Pères de l´Église, dont on imprimait alors les ouvrages. Ceux du IVe siècle, Jérôme, Grégoire, Augustin et Ambroise qui s´étaient tournés vers la culture gréco-romaine pour construire une présentation rationnelle de la foi, ont beaucoup séduit les Pères du Concile de Trente (1545-1563), qui tentèrent de faire retourner l´Église aux sources bibliques et patristiques. La croix processionnelle de La Chapelle Caro est une illustration de cette démarche doctrinale.
Denise DUFIEF.
Prêtre