A la différence de Launay Vendel qui est un manoir de plaine, le vieux manoir des Haries est implanté au pied de la butte de granite qui domine le village de Dompierre-du-Chemin. Mais, alors que Launay Vendel est la maison seigneuriale de la paroisse et possède place et enfeu dans l'église, les Haries tourné vers l'est regarde vers Luitré sur lequel il exerce un droit de Haute Justice. Ce conflit entre le manoir de la plaine et celui de la butte ne cessera qu'au jour où le seigneur de Launay Vendel rachètera le château des Haries en concédant au seigneur droit d'enfeu et place dans l'église.
Le manoir
Banéat nous dit que l'ancien manoir des Haries appartient aux De la Boixière en 1476.
Il reste de cet ancien manoir la partie nord de l'actuelle habitation comprise entre le mur pignon nord et l'actuel refend qui est l'ancien mur pignon sud ; sur la façade ouest un collage avec restes de chaînage au niveau du refend, ainsi qu'une porte comblée au nord de celle qui donne aujourd'hui sur la cage d'escalier ; à l'intérieur, le dénivellement que l'on remarque entre les pièces situées de part et d'autres du refend auquel correspond, à l'extérieur - sur la façade est - une différence de niveaux des fenêtres, ainsi qu'une ancienne meurtrière aujourd'hui cachée dans un placard du mur nord de la salle au rez-de-chaussée, à droite du culot de la cheminée de l'étage au-dessus.
Cet ancien manoir comprenait, sous un toit en bâtière, deux volumes simples : une salle au rez-de-chaussée, avec cheminée sur le pignon sud, dans laquelle on pénétrait par la porte ouverte jadis à l'extrémité sud côté ouest (juste avant le refend) qui est aujourd'hui bouchée. Cette salle n'était éclairée que par une petite fenêtre à ébrasements biais sur le côté ouest et la meurtrière du mur nord. Au-dessus se trouvait une chambre, avec cheminée sur le pignon nord, surmontée d'un grenier.
Le château du 16e siècle
Décrit dans l'aveu de 1580 (est alors propriétaire le Limonier, écuyer), le manoir fortifié devient un château de plaisance qui garde tout de même un certain caractère fortifié. C'est un ensemble rectangulaire ordonnancé clos de fossés ou le vivier, à l'est, devient pièce d'eau et où les bâtiments adoptent un plan en U (dominante des éléments octogonaux) autour d'une cour avec fontaine. On y accède au sud par un pont avec portail. Dans le plan restitué selon l'aveu de 1550, on reconnaît le jardin carré dans celui qui subsiste encore devant l'habitation, ainsi que l'étang qui l'entoure (étang modifié ultérieurement vers le sud). Les propriétaires du château de Kodéan ont d'ailleurs conservé ces deux éléments.
On sait par les archives que, en 1562, les Haries passent par alliance à Gabriel de Montgommerie ; ce dernier blesse mortellement Henri II en 1559 et fut décapité en 1574 sur ordre de Catherine de Médicis. La présence d'une galerie dans ce château ordonnancé autour d'une cour à fontaine est un indice de luxe et suppose quelqu'un ayant notoriété et fortune, il est donc tout naturel de penser que la transformation de l'ancien manoir en château a pu être faite par les Montgommerie entre 1562 et 1574.
Les aménagements du 17e siècle
Les menuiseries, portes et fenêtres témoignent d'un réaménagement au 17e siècle. La réfection la plus importante est alors l'ajout d'un escalier monumental dans l'habitation actuelle, escalier dont la structure et le style des moulurations, des balustrades tournées sont typiquement 17e siècle.
On reconnait cet ajout à la constitution curieuse de la cage d'escalier. On ne trouve un refend que sur son côté nord, le côté sud est formé d'un mur en maçonnerie jusqu'au premier étage ; ce mur au premier étage se transforme en cloison légère à pans de bois, de part et d'autre de laquelle les solives de la chambre sud se prolongent.
Ces détails révèlent un espace unique à l'origine sectionné par une cloison pour construire la cage d'escalier ; ceci est confirmé au niveau du grenier par un seul refend (côté nord de la cage d'escalier) sur le côté ouest duquel une porte est comblée, elle ouvre aujourd'hui sur le vide ménagé par la cage d'escalier. De même les portes du premier étage ne sont pas en vis à vis, celle du nord est surélevée de deux marches.
Autres transformations probables : l'ouverture des fenêtres sur les côtés est de la salle et de la chambre de l'ancien manoir.
En 1615 le seigneur de Launay Vendel chevalier de l'ordre du Roi (chevalier de Bois le Houx) achète les Haries à Germain Le Lemonnier écuyer, conseiller du roi, lieutenant général des eaux et forêts et vanneries de Bretagne, tout en lui cédant un droit de sépulture dans l'église de Dompierre-du-Chemin : le seigneur de la plaine quitte alors son manoir rustique et rachète au seigneur de la Butte son château si important par son ordonnance extérieure ; on peut penser que non content de cette somptuosité extérieure il a voulu donner à l'édifice un caractère austère monumental intérieur en lui ajoutant cet escalier solennel.
Le 18e siècle : le château et l'exploitation
Le 18e siècle voit l'édifice seigneuriale se doubler d'une exploitation rurale par la construction d'un bâtiment de ferme implanté en retour d'équerre de l'autre côté du pont et des fossés. Ce bâtiment se composait d'un pavillon carré à étages avec grange attenante, pavillon qui en avant du pont était situé asymétriquement par rapport au pavillon sud du château. Il est représenté sur le cadastre de 1806.
On a le témoignage de certains aménagements intérieurs de l'habitation principale du château, dans les huisseries de la chambre sud du premier. La galerie a, dès cette époque, probablement disparu car elle n'est pas représentée sur le cadastre de 1806.
Le 19e siècle voit deux étapes différentes
1. L'état résidentiel : les embellissements romantiques
Plusieurs éléments contribuent à l'embellissement du site, il s'agit de la transformation du cadre en jardin à l'anglaise et la création d'une petite île dans l'étang. C'est ce que nous montre le cadastre de 1936. Il y a aussi la construction de l'actuel pavillon sud en avant de l'ancienne habitation de façon à donner sur le jardin à l'anglaise. Ce pavillon n'est pas représenté sur le cadastre de 1806 et a dû être construit très peu de temps après car il se rattache au début du 19e siècle par la simplicité et la modestie voulue des volumes intérieurs où le lambris s'intègre à l'architecture, par le profil de ces lambris et surtout par le soin apporté à l'appareillage extérieur traité d'une manière régulière et soignée, avec oculus au milieu du fronton.
2. L'abandon en ferme lors de la construction du château de Kodéan sous le second Empire
On construit alors à la place de l'ancienne galerie et probablement avec les pierres de cette dernière, l'étable nord, dont l'appareillage est très soigné et la grange ouest dont l'ossature de chêne est rajoutée en avant de murs préexistants.
Il y a également une extension du pavillon de ferme par des étables à l'ouest.
L'ensemble a été défini par son caractère de plaisance originel (château Henri II) auquel s'est assez rapidement associé une fonction rurale qui a provoqué la dégradation définitive des édifices. Il ne reste, de l'ensemble originel, que l'habitation très détériorée car le pavillon sud a été abattu pour faire place à une grange moderne.
Photographe à l'Inventaire