• inventaire topographique
  • enquête thématique régionale, L'architecture gothique en Bretagne
  • inventaire topographique, Pontivy Communauté
Chapelle Notre-Dame de Quelven (Guern)
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Pontivy Communauté

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pontivy Communauté - Pontivy
  • Commune Guern
  • Lieu-dit Quelven
  • Cadastre 1952 F2 364, 365
  • Dénominations
    chapelle
  • Vocables
    Notre-Dame de Quelven

Notre Dame de Quelven est l'une des six chapelles de la commune de Guern. Lors de sa construction la paroisse, qui était plus vaste, comptait neuf chapelles et s'étendait jusqu'aux rives du fleuve Blavet. Elle était dotée de deux trêves : Saint-Michel à l'est, située en la commune de Le Sourn depuis le 1er mai 1869 et celle de Saint-Meldéoc, au village de Locmeltro, au nord-ouest.

Notre-Dame de Quelven tient une place particulière au sein des lieux de culte guernates. L'existence d'une précédente chapelle est attestée au même endroit en 1401, dans le testament de Jeanne de Navarre, épouse en secondes noces de Jean Ier de Rohan. Elle est entièrement reconstruite suite à la promulgation d'une bulle papale par Nicolas V (1451), dans laquelle il accorde des indulgences de cinq ans et cinq quarantaines aux pèlerins venant à Quelven le 25 mars, pour l'Annonciation et le 15 août pour l'Assomption.

Dès lors, l'intérêt du pape pour ce lieu de pèlerinage motivera également l'intérêt des grandes familles nobles du territoire : les Rohan en premier lieu et leur puissants vassaux, les Rimaison, dont le fief s'étendait sur les paroisses de Guern, Bieuzy et Pluméliau. Une double intention guide alors la construction de l'édifice : accueillir les très nombreux pèlerins affluant à Quelven pour bénéficier de l'indulgence papale et montrer aux yeux de tous la puissance matérielle et la dévotion des familles nobles qui financent sa construction.

Le grand pardon du 15 août rassemblait avant la Révolution française plusieurs milliers de croyants venant de toute la Bretagne. Un bateau ex-voto du XVIIIe siècle exposé dans la chapelle témoigne de la dévotion des marins de Riantec pour la vierge de Quelven.

Par ailleurs, une foire organisée le 16 août participait à l'émulation économique et religieuse de la paroisse. La municipalité de Guern obtint son déplacement au 14 août à partir de 1873, afin que la foire et le pardon bénéficient au plus grand nombre. Cette corrélation entre temps fort religieux et vie économique fut poussée à son paroxysme en 1882, quand la commune de Guern eut l'autorisation d'organiser trois autres foires autour de la chapelle : le 2 février pour la fête de la Présentation au temple, le 25 mars pour l'Annonciation et le 8 décembre pour la fête de l'Immaculée conception.

L'organisation des foires a progressivement été abandonnée à partir de 1921. Le pardon du 15 août quant à lui a gardé une certaine popularité. Plusieurs centaines de personnes viennent encore à Quelven pour l'Assomption. Ils peuvent assister à une messe en breton le matin et une messe en breton l'après-midi. La tradition de l'ange pyrophore, partagée avec les chapelles Saint-Nicodème de Pluméliau, Saint-Anne de Boduic en Cléguérec, Notre-Dame de Crénénan à Ploërdut et Sainte-Noyale de Noyal-Pontivy, attire encore croyants et curieux pour les festivités organisées toute la journée autour de la chapelle.

La vie du lieu de culte et ses revenus ont permis de faire évoluer la chapelle au cours des siècles. La première phase de construction, dans la seconde moitié du XVe siècle, fait de Notre-Dame de Quelven un édifice gothique flamboyant de grande qualité. Ses liens avec l'architecture de la cathédrale de Vannes sont forts et son influence rayonne sur d'autres chapelles et églises du Morbihan tels Saint-Nicodème de Pluméliau, Notre-Dame de Locmaria à Melrand et Notre-Dame-de-Paradis à Hennebont. Par la suite, les ajouts majeurs sont la scala Sancta construite sur le placître sud dans la première moitié du XVIIIe siècle et la sacristie octogonale accolée au chevet dans le 3e quart du XVIIIe siècle. Enfin, suite à l’effondrement de la tour occidentale en 1837, un nouveau clocher néogothique fut construit dans le second tiers du XIXe siècle.

Enfin, le très riche mobilier de la chapelle confère à l'édifice une identité particulière. Parmi les œuvres majeures conservées en son sein : un bas-relief en albâtre de la fin du XVe siècle représentant le couronnement de la Vierge, une Vierge ouvrante en bois polychrome du XVIe siècle et l'orgue baroque construit dans la seconde moitié du XVIIe siècle.

Objet d´un important pèlerinage marial, la chapelle est mentionnée en 1401 dans le testament de Jeanne de Navarre, épouse de Jean Ier, vicomte de Rohan, qui lui lègue 60 sols. En 1451, Nicolas V accorde une indulgence de cinq ans et cinq quarantaines pour Notre-Dame de Quelven : l´exposé des motifs précise que, jadis richement fondée et admirable dans son architecture, elle menace actuellement ruine, et manque de calices et autres objets du culte. Si l´on tient compte des quelques années consacrées à partir de cette date à réunir le financement, le chantier, mené d´est en ouest, couvre, sinon toute la seconde moitié, du moins le dernier tiers du 15e siècle, et doit s´achever dans les années 1510. Quelques dates jalonnent d´ailleurs son histoire. La sablière du mur nord porte la date 1477. En 1485, la fabrique de la cathédrale de Vannes vend de la pierre de Taillebourg à celle de Quelven. Sur la clé de voûte du bras sud du transept, figurent les armes du cardinal Lorenzo Cibo de Mari, neveu du pape Innocent VIII, qui tint le diocèse de Vannes de 1490 à 1503. Outre le blason ducal, présent à la voûte du chœur et pouvant évoquer la participation financière de François II, les principaux bienfaiteurs de la chapelle sont les Rohan-Guémené et surtout les Rimaison, importante famille locale. Le motif héraldique de la fleur de lys, qui apparaît dans les églises bretonnes après le mariage de la duchesse Anne avec Louis XII en 1499, est présent ici dans les réseaux de la petite baie nord du chœur, des baies du mur est du bras nord du transept et de la travée est des deux bas-côtés. La verrière de la baie n° 3 (collatéral nord), qui illustre le Credo apostolique, est stylistiquement attribuable aux environs de 1500. Enfin, le portail intérieur du porche ouest peut dater des années 1510.

Le choeur est doté de boiseries peintes et dorées en 1696. Pour les grandes célébrations en plein air du pardon du 15 août, on bâtit en 1738 au sud-est de la chapelle l´édifice dit la Scala. Une grande sacristie polygonale est construite en 1760 dans l´axe du chevet. De ce fait, on occulte avec des planches une partie de la maîtresse-vitre, non sans endommager l´architecture ancienne. La mise en place dans le chœur et les chapelles latérales de retables au goût du jour et d´un double rang de stalles se fait là encore au préjudice des colonnes qui recevaient la retombée des voûtes. Le 22 février 1837, la tour s´écroule, frappée par la foudre, et l´histoire de sa reconstruction occupe une partie du 19e siècle. Grâce à une subvention du gouvernement, les travaux, selon les plans dressés par Richard, architecte de Pontivy, sont adjugés en 1841, et la première pierre de la nouvelle tour est posée le 16 mai. En 1843, on a atteint le niveau du départ de la rosace, mais les travaux doivent être interrompus, les fonds étant épuisés. En 1846, la tour n´est qu´à la moitié de sa hauteur, et il faudra attendre 1862 l´achèvement du chantier, d´ailleurs réduit dans ses ambitions par rapport au projet initial, la hauteur de la flèche étant ramenée de 25 à 16 m, et les ouvrages de sculpture supprimés. La chapelle reçoit de nouveaux vitraux en 1868. En 1876, son mobilier du 18e siècle est transféré dans l´église de Guern, et remplacé par des boiseries néogothiques. On retrouva alors sous le plancher la table d´autel primitive en granite, longue de 4 m environ, qui fut mise en place au niveau inférieur de la Scala.

(Philippe Bonnet, enquête thématique régionale architecture gothique, 2008)

Plan et ordonnance intérieur

L´édifice présente un plan en croix latine, avec un transept débordant et un choeur terminé par une abside à trois pans. La nef, de quatre travées, montre des dispositions irrégulières : dotée de bas-côtés dans ses deux travées orientales, elle se réduit dans sa partie ouest à un vaisseau unique, flanqué au nord d´un bâtiment rectangulaire qui servait à entreposer les offrandes et dont le principal accès se fait par l´extérieur, et au sud d´une chapelle et d´un porche. L´ancienne sacristie, de plan rectangulaire irrégulier, voûtée d´ogives, était logée à l´aisselle du bras nord et du choeur, délimitée vers l´est par le premier contrefort de celui-ci. Seuls le choeur, le transept et le bas-côté sud sont voûtés en pierre. La nef, séparée de ses bas-côtés par de larges arcades en arc brisé retombant en pénétration sur des piles cylindriques, est couverte d´un lambris en berceau brisé à entraits engoulés, mais la présence de formerets et de départs de voûtes sur deux piles du côté sud suggère que l´on a renoncé au voûtement en cours de chantier, probablement pour des raisons financières. Tout dénote cependant un parti cohérent, homogène, et la modestie, d´ailleurs toute relative, de la nef ne reflète comme souvent que la hiérarchisation des espaces. Dans la travée est du bas-côté sud a été installée, sans doute dès l´origine, une tribune seigneuriale en pierre portée par trois arcades brisées séparées par des piles polygonales portant les armes des Rimaison. La nef ne possède pas moins de quatre autels, adossés aux piles, qui, ajoutés aux trois autels du choeur et du transept, témoignent de la richesse et de la fréquentation du sanctuaire.

Ordonnance extérieure

Campé sur une éminence, l´édifice est bâti en grand et moyen appareil de granit. L´élévation nord de la nef est, comme souvent, délibérément sacrifiée ; un même pan de toiture couvre le vaisseau central, son bas-côté et l´annexe, légèrement postérieure, qui prolonge celui-ci vers l´ouest, baptisée prison par la tradition, mais dont l´étage, éclairé par une lucarne passante, recueillait plus probablement les offrandes. En revanche, la façade sud, vers laquelle convergeaient les pèlerins, est traitée avec un soin inégalé. Elle présente une succession de cinq pignons scandée par des contreforts amortis par des pinacles. Les baies en tiers-point sont surmontées d´accolades à fleurons assez semblables à celles de la nef de Vannes. Au-dessus d´un cordon mouluré, les pignons des trois travées correspondant aux chapelles sont ornés de niches héraldiques où apparaissent des coquilles Renaissance. Le portail extérieur du porche sud, avec son intrados orné d´un feston d´arcs trilobés, son arc en accolade surmonté d´un fleuron et inscrit dans un gâble, est très semblable à celui du porche ouest de la cathédrale de Vannes (1484-1493), tel qu´on peut le reconstituer. Le portail intérieur, avec ses deux portes en anse-de-panier séparées par un trumeau portant la statue de Notre-Dame de Quelven dans une niche à volets sous un tympan vitré, reproduit également le modèle de son homologue vannetais, qui sera repris sans grandes modifications au début du XVIe siècle dans les deux portails des bras sud (1504) et nord (1518) du transept de la cathédrale et dans le portail du bras sud du transept de Quelven. À l´angle du bras sud et de la nef, une tourelle polygonale surmontée d´un clocheton aux arêtes garnies de crochets, renferme l´escalier conduisant à la tribune seigneuriale et à la coursière extérieure régnant autour du choeur et du transept. Le chevet présente une ordonnance monumentale avec ses trois pans eux aussi couronnés de pignons timbrés d'armoiries, qui s´élèvent en retrait derrière une coursière à balustrade ajourée. Le maître d´oeuvre de Notre-Dame-de-Paradis à Hennebont, dont le chantier débute en 1514, ne fera que raffiner sur ce motif en accentuant la hauteur de ces pignons, en les perçant de petites baies et en leur donnant la forme d´un arc infléchi. Cette formule du chevet à noues multiples, que l´on porte généralement au crédit de la dynastie morlaisienne des Beaumanoir, rompt avec la mode dominante en Bretagne du chevet plat. Elle semble bien connaître à Quelven, vers 1490, une de ses premières expressions dans le diocèse de Vannes. La restauration de la tour est loin d´avoir respecté la doctrine naissante du service des Monuments historiques : alors que le cahier de paroisse décrivait une tour ancienne de même travail que la façade méridionale, c´est-à-dire purement flamboyante, les restaurateurs ont préféré y répandre, du moins dans les parties hautes, un répertoire à dominante rayonnante à base de trilobes et de quadrilobes, inspiré de la tour nord de la cathédrale de Vannes. De la tour originelle, dont la flèche s´élevait à 52 m de hauteur, on peut présumer qu´elle appartenait à une série homogène constituée par Hennebont, Locmaria en Melrand et Saint-Nicodème en Pluméliau, si même elle n´en était pas le prototype. Qu´en reste-t-il au juste, après le désastre de 1837 ? Les maçonneries extérieures de la tour et son portail occidental, copié sur celui du porche sud, datent indiscutablement du 19e siècle, mais l´intérieur du porche a pu conserver des éléments anciens. Si le doute est permis pour les six pseudo-niches concaves au réseau d´intrados trilobé surmonté d´un arc infléchi, ménagées de chaque côté dans les murs latéraux, le portail intérieur, en revanche, paraît authentique, avec ses trois voussures ornées de feuilles de chêne, de glands et d´étoiles à cinq branches tressées. Notre-Dame de Quelven est un des édifices les plus ambitieux et novateurs réalisés dans le diocèse de Vannes à la fin du 15e siècle. Son chantier entretient des rapports incontestables avec celui de la cathédrale, au point que L. de Groër a proposé d´attribuer les deux édifices au même atelier. La chapelle exercera une influence durable dans la région de Pontivy et au-delà.

(Philippe Bonnet, enquête thématique régionale architecture gothique, 2008)

  • Murs
    • granite
  • Toits
    ardoise
  • Plans
    plan en croix latine
  • Étages
    2 vaisseaux
  • Couvrements
    • lambris de couvrement
    • voûte d'ogives
  • Couvertures
    • flèche en maçonnerie
    • toit à longs pans
    • croupe
    • noue
  • Escaliers
    • escalier hors-oeuvre : escalier en vis sans jour
  • Typologies
    chevet Beaumanoir ; tribune seigneuriale ; portail type Vannes ; sacristie d'axe à étage
  • Techniques
    • sculpture
    • vitrail
    • menuiserie
  • Représentations
    • Vierge
    • Apôtre
    • ange
    • Jésus présenté au peuple
    • personnage profane
    • armoiries
    • ornement animal
    • Arbre de Jessé
    • Tétramorphe
  • Précision représentations

    Chien ; volailles ; armes du cardinal Cibo évêque de Vannes.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    chaire à prêcher extérieure
  • Protections
    classé MH partiellement, 1840
    inscrit MH partiellement, 1928
    inscrit MH, 1937/05/13
    classé MH, 2014/01/20
  • Référence MH

Bibliographie

  • Bonniec, Marie-France, Église et Chapelles de la Paroisse de Guern, Lanester, UMIVEM « Patrimoine et Paysages », 2004, 106 p.

  • BONNET, Philippe, RIOULT, Jean-Jacques. Bretagne gothique. Édition Picard. 2010.

Annexes

  • Enquête topographique 1986 :
Date(s) d'enquête : 1986; Date(s) de rédaction : 1986, 2008, 2019