L'histoire de carrières et du site de la Fosse-Eyrand

Les carrières

Les premiers écrits relatant l'histoire des carrières aux lieux-dits "La Noë" et la "grève Saint-Michel" datent de 1868, lorsque le conseil municipal d'Erquy procéda à l'adjudication des lieux pour l'extraction des pavés de grès. Un bail fut signé en 1873, renouvelé en 1884. Ce fut dans ces années que furent construits les premiers bâtiments de la Fosse-Eyrand. Les logements étaient destinés aux tailleurs de pierres émigrés, italiens, portugais, qui constituaient la majorité de la main-d'oeuvre. Chaque logement comprenait une pièce principale avec cheminée au rez-de-chaussée, une chambre à l'étage. L'eau était fournie par une fontaine et deux puits.

Exploité à partir de 1850, le site était encore très actif à la fin de la première guerre mondiale. En 1919, les bâtiments hébergeaient trois cents personnes, soit environ quarante à cinquante familles d'ouvriers ; la plupart, originaires d'Italie, travaillaient comme tailleurs de pierres. L'extraction à la main se faisait sans relâche, sept jours sur sept. Les ouvriers étaient rémunérés au nombre de pavés, à la tâche.

Le dernier bâtiment (actuellement nommé "les Embrun") fut construit en 1919. C'est vers 1930 que les carrières cessèrent progressivement leur activité pour fermer en 1938. De 1938 à 1944, les maisons furent occupées par des réfugiés puis par l'armée allemande ; entre 1944 et 1954, le site fut pratiquement abandonné.

La transformation du site en centre de vacances

En 1954, le site de sept hectares et les cinq bâtiments furent achetés par le diocèse de Mayenne et une association privée pour y installer une maison familiale de vacances. Des travaux d'aménagement se succédèrent pour rendre les bâtiments en conformité et permettre l'accueil de groupes. Des ouvertures furent pratiquées au rez-de-chaussée et à l'étage, avec une galerie extérieure pour distribuer l'ensemble. Le sous-sol d'un bâtiment annexe fut aménagé pour servir de cuisine, réfectoire, réserve et salle de moniteurs. Une rampe d'accès à la mer, pour les personnes handicapées complétait ces premiers travaux.

Plus récemment, de nouveaux aménagements allaient multiplier la capacité d'accueil de la résidence de vacances pour les classes de mer et les appartements réservés aux familles. La création d'une nouvelle station d'épuration et d'une piscine couverte allaient conforter la vocation du site, tout en prenant en compte la qualité de l'environnement maritime pour les vacanciers.

Le grand bâtiment en entrant (dit "les Embruns") n'existait pas encore. Il fut construit par des ouvriers italiens après la guerre 1914-1918, pour y loger leurs familles. La carrière comptait alors plus de 300 tailleurs de pierre, qui produisaient des pavés de grès rose. Ces pavés étaient expédiés depuis le port des Hôpitaux et le quai Barrier vers Paris et les villes de Bretagne. Au premier plan de la photographie, on peut remarquer la forge servant au ferrage des chevaux, qui entraînaient les wagonnets sur la voie Decauville longeant le littoral jusqu'au lieu d'expédition. Après 1945, la Fosse Eyrand fut abandonnée. Cependant, en 1954, le diocèse de Mayenne rachetait le site pour y implanter une colonie de vacances.

Témoignages autour de la carrière de la Fosse Eyrand et du quartier des Hôpitaux : Pierre Péron, Roberte Martin

Témoignage de Pierre Péron, ancien directeur de la Maison familiale de la Fosse-Eyrand :

Les bâtisses sont d'anciennes habitations des carriers (corons). Les habitants possédaient jardins attenants et animaux. L'architecture a subi une évolution au début du 20ème siècle : les encadrements des fenêtres les plus anciens sont en grès rose et les plus récents (après 1914) en briquettes. Il y avait une forge, une boulangerie (le bureau du contremaître était dans la partie haute). Contrairement aux carrières d'Erquy (trop escarpées), on utilisait les chevaux à la Fosse-Eyrand et un treuil.

Il y avait des carriers permanents et des occasionnels (pêcheurs de leur état). Environ 150 carriers travaillaient dans cette carrière et y habitaient. Les conditions de travail étaient très dures : les carriers pouvaient attraper la silicose et devenir sourds à cause du déminage.

La carrière appartenait à la même société que La Carquois et celle du cap d'Erquy (la Société des Carrières de l'Ouest). Les moellons de la Fosse Eyrand étaient plus friables. La carrière de la Carquois fournissait des pavés, des mosaïques et des gravillons, transportés en train.

Les monticules de débris ont servi à la construction du barrage de la Rance entre 1961 et 1965.

Témoignage de Roberte Martin

Madame Roberte Martin, née Allain, est fille d'un ancien carrier ayant travaillé à la Fosse Eyrand puis à Fréhel. Elle habite la Moinerie.

Son père Robert Allain fut embauché aux carrières très jeune, au titre d'"épinceur de mosaïque" pour "débosser" la pierre. Plus tard, il taillait et coupait la mosaïque, appelée alors "paquet de tabac". Ces pavés mesuraient 26 x 26 cm sur 14 cm d'épaisseur. Il taillait et coupait également les moellons destinés à la construction des maisons.

Tous les carriers habitant la Moinerie ou les Hôpitaux, partaient travailler à pied à Pléhérel, en passant par les Sables-d'Or. Les maisons de pêcheurs des Hôpitaux n'avaient pas de fondations ; elles étaient montées sur la roche, appelées "tertres de pierre", c'est-à-dire lieux où on travaillait la pierre sur d'anciennes carrières individuelles. Une massette, un burin et un poinçon ont été trouvés dans une étable.

En 1952, le salaire de l'épinceur de mosaïque était de 97 francs de l'heure. "Les gens gagnaient peu mais vivaient assez bien, car ils avaient peu de besoins, comparé à aujourd'hui", dixit Roberte Martin.

Robert Allain était un très bon ouvrier et il recevait donc très souvent des "primes de rendement" car il travaillait vite et bien. Il a reçu la médaille du meilleur ouvrier à Paris avec félicitations.

Pendant la guerre 1939-1945, les carrières de la Fosse Eyrand, alors inexploitées, devinrent le terrain de jeu des enfants, qui utilisaient les wagons comme moyen ludique de transport.

20042208174NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 1 E 494.

20042208704NUCB : Collection particulière

20042208703NUCB : Collection particulière

20042208737NUCB : Collection particulière

20042208738NUCB : Collection particulière

20042208739NUCB : Collection particulière

20042208740NUCB : Collection particulière