EVEILLARD Jean-Yves ; MALIGORNE Yvan. "Colonnes de Jupiter en Bretagne : Trois exemples attestés". Revue archéologique de l'ouest, tome 13, 1996, p. 157-168.

(Source : "Persée : Portail de revues scientifiques en sciences humaines et et sociales".)

"La Bretagne occidentale offre l'originalité, dans la mesure où il faut aller chercher l'exemple le plus proche à 550 km vers l'est, à Vienne-en-Val (Loiret), de posséder quatre groupes de Jupiter à l'anguipède (fig. 1). Trois sont situés dans un rayon de 10 km autour de Quimper : ce sont ceux de Briec, Landudal et Plomelin (Finistère). Le quatrième provient de Plouaret (Côtes-d'Armor), à 20 km au sud de Lannion. Ces groupes taillés dans un granité local sont de dimensions supérieures à la moyenne et d'un poids considérable. L'exemplaire de Guélen en Briec (Finistère) pèse dans son état actuel 1200 kg et J. Trévédy (1886, p. 40 et 57) estimait son poids initial à 2000 kg environ. Comme ces sculpture étaient le plus souvent placées au sommet de colonnes, nous nous sommes demandés si cette solution technique avait pu être retenue pour les exemplaires bretons. Lors de leur découverte ou de leur publication, des blocs taillés ont parfois été signalés, mais leur forme n'est pas suffisamment significative pour affirmer qu'ils avaient fait partie d'un support. Or, pour la première fois, sur le site d'où provient l'un de ces groupes, celui du Buzudic en Landudal, a été mise au jour il y a quelques années la partie supérieure d'une colonne (Eveillard, 1995).

La Bretagne orientale n'a pas livré de groupe équestre semblable, mais il revient à L. Pape d'avoir émis l'hypothèse que la belle colonne monolithique du "Jardin des antiques" à Corseul avait, elle aussi, supporté à l'origine un cavalier au géant anguipède (Pape, 1971 et 1995).

Cette colonne n'ayant jamais donné lieu à une étude complète, nous en avons entrepris un examen approfondi. Nous lui avons ajouté celui d'une autre colonne atypique, située à une courte distance de la précédente, à Saint-Méloir-des-Bois (Côtes-d'Armor).

C'est à la présentation de ces trois éléments qu'est consacré cet article. Il ne vise donc pas à constituer un inventaire exhaustif, mais d'abord à fournir des description aussi complètes que possibles, puis à tenter une approche inédite des monuments à Jupiter dans la Bretagne romaine [...] ".

EVEILLARD Jean-Yves. "Sur quelques aspects originaux de la sculpture en pierre de l'Armorique romaine". Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 105, numéro 2, 1998. Regards sur l'Armorique romaine. p. 71-86.

(Source : "Persée : Portail de revues scientifiques en sciences humaines et et sociales".)

Résumé

"La sculpture en pierre de l'Armorique romaine est peu connue et il y est fait rarement référence dans les ouvrages de synthèse portant sur l'ensemble de la Gaule. Deux raisons à cela : sa relative rareté et l'absence d’œuvres prestigieuses. Le premier caractère semble dû au manque de bonne pierre à sculpter. II est possible que le bois ait servi de matériau de substitution, mais nous n'en tenons pas encore la preuve. De même les importations d’œuvres finies en marbre ou en calcaire ont dû contribuer à pallier cette pénurie. Parmi les œuvres fabriquées sur place, pour la plupart en granite, un fragment important de corps masculin découvert à Corseul (Côtes-d'Armor), une tête de Plogonnec (Finistère), quatre cavaliers au géant anguipède et la stèle de Bécherel (Ille-et-Vilaine) nous ont paru significatifs pour porter un premier jugement sur cet art en Armorique".

[...]

"La tête de Plogonnec appartient à la région quimpéroise où ont eu lieu d'autres découvertes qui suscitent un grand intérêt. En effet, sur les quatre groupes du "cavalier au géant anguipède" connus en Basse-Bretagne, trois ont été trouvés dans un rayon de 10 km autour de Quimper. Comme on le sait, il s'agit d'un type sculpté extrêmement caractéristique de la Gaule romaine à partir du second siècle de notre ère. Il est très répandu dans l'est de la France et en Rhénanie (note 41). On le rencontre également de manière sporadique dans d'autres régions (note 42). Les exemplaires de Basse-Bretagne traduisent par conséquent l'intégration de l'Armorique aux courants artistiques qui traversèrent la Gaule. Deux sont très mutilés : ceux de Briec et de Landudal ; le troisième, à Plomelin, est dans un meilleur état de conservation. Malgré les importantes mutilations nous avons pu constater qu'ils présentent entre eux certaines différences et ne reproduisent pas un modèle unique. Par exemple, à Briec et à Plomelin le cavalier est habillé, à Landudal il est nu. Mais nous sommes davantage frappé par les similitudes : la massivité due vraisemblablement l'emploi du granite, la même solution originale qui a consisté à faire supporter le poids du cheval et de son cavalier par une volute décrite par les jambes enroulées du géant anguipède. Ces particularités les différencient du quatrième exemplaire breton trouvé à Plouaret (Côtes-d'Armor) (note 43) et encore plus de ceux des régions situées au-delà de l'Armorique. Leur localisation groupée autour de la même ville n'est sans doute pas non plus l'effet du hasard.

Ajoutée à l'homogénéité qui a présidé à leur conception, elle induit avec certitude l'existence à Quimper d'un atelier dont serait également issue la belle tête de Plogonnec. La découverte dans le même périmètre de plusieurs éléments architectoniques (à Kervadiou en Plomelin, à Garnilis en Briec, à Moguérou en Gouézec), éléments qui atteignent une qualité d'exécution tout à fait remarquable ne fait que renforcer cette conclusion" .

[...]

Notes

(41) G. Bauchhenss, Jupiter gigantensâulen, Stuttgart, Éditions Limesmuseum Aalen, 1976.

(42) C. Sterckx, « Le cavalier et l'anguipède », Partie III, (XVH Essai d'inventaire), Ollodagos, VI, 1,1994, p. 31-159.

(43) L. Pape, « L'Armorique gallo-romaine », dans Histoire de la Bretagne, dir J. Delumeau, Toulouse, Éditions Privât, 1969, fig. p. 113.