Dossier thématique IA22132489 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, Inventaire des daviers à goémon en Bretagne
Les daviers à goémon en Bretagne

Dossier non géolocalisé

La récolte du goémon sur les côtes bretonnes est attestée au depuis le Moyen-Âge mais est très certainement une pratique plus ancienne. Elle avait surtout pour but de répondre à des besoins domestiques. Le goémon était alors surtout utilisé comme engrais, placé dans les champs, comme aliment donné aux animaux ou remplaçait le bois de chauffage trop rare et trop coûteux dans certaines régions de la Bretagne.

 

Sa récolte sur les plages est encadrée par la loi à partir de 1691, année de rédaction d’une première ordonnance prononcée par Colbert. Celle-ci avait notamment pour but de maîtriser les conflits que la récolte du goémon engendrait entre les habitants, signe de l’activité importante que cela représentait.

 

Si les cendres d’algues sont utilisées dès la fin du 17e siècle pour produire du verre en raison de leur importante teneur en soude, ce n’est qu’à partir du siècle suivant, au 18e siècle que c’est une activité qui s’industrialise en Bretagne. En plus de la soude, c’est également l’iode, découverte au début du 19e, siècle qui intéresse. L’iode est essentiellement utilisé à des fins médicales ainsi que dans le domaine de la photographie. La récolte du goémon devient une activité économique importante, elle a lieu sur toutes les côtes bretonnes mais les côtes du Finistère nord se distinguent et c’est surtout entre la rade de Brest et a Baie de Morlaix qu’il est récolté, la mer d’Iroise et plus largement le Léon se révélant particulièrement riches en algues. 

 

Toutefois, ces algues sont parfois rendues inaccessibles aux charrettes par les falaises escarpées bordant le littoral. Il a alors fallu trouver des moyens de contourner ces obstacles afin d’accéder à cette ressource indispensable et très abondante.

 

Pour cela, des treuils à goémon ont été mis en place à divers endroits du littoral breton à partir du 19e siècle, permettant de remonter le goémon qui s’amassait en grande quantité au pied des falaises. Ces treuils à goémon nécessitaient la stabilisation de la falaise pour sécuriser le travail. C’est pourquoi des murs de soutènement en pierre sèche étaient construits. Le bord de la falaise pouvait alors être creusé jusqu’à atteindre la roche puis un mur composé de pierre sans liant était érigé, directement sur ce socle stable. Un remblai de terre et de pierre assurait généralement la cohésion entre le mur de soutènement et la falaise. Suite à l’abandon des daviers et à l’écroulement des murs en pierre, ce remblai, à vif est désormais souvent le dernier témoin de la présence de ces murs et des systèmes de levage du goémon qui leur étaient associés. En effet, ces murs se trouvent souvent dans des zones exposées aux intempéries et à une érosion importante, notamment causée par le recul du trait de côte en raison de la montée des eaux. 

Ces murs en pierre sèche sont aujourd’hui bien souvent les derniers marqueurs de ces activités qui ont cessé entre la fin des années 1950 et le début des années 1960.

  • Période(s)
    • Principale : 19e siècle, 20e siècle

La construction de ces murs relève d’un savoir-faire important, en témoignent la grande qualité de la maçonnerie que l’on observe dans la plupart des cas ainsi que la méthode de montage de ces murs. En effet, à flanc de falaise, ceux-ci nécessitaient la décente des constructeurs du mur dans des demi tonneaux le long de la paroi et pour eux, de maçonner au-dessus du vide.

On remarque généralement trois typologies de mur :

-          Dans la plupart des cas ces murs sont verticaux

-          Dans de rares cas, ils pouvaient être surplombant, aucun n’a été retrouvé lors de cette étude, certainement en raison de l’équilibre plus précaire qu’ils présentent et donc du risque d’éboulement plus important

-          On trouve quelques cas où ils sont obliques, avec un fruit plus ou moins important. Dans ce cas, ils peuvent être en forme de goulotte pour permettre de traîner la charge de goémon contre la paroi sans prendre trop le risque de la faire retomber au pied de la falaise

 

On les trouve essentiellement dans le Léon entre Plougonvelin et Plouarzel, dans le sud du Cap Sizun et à Clohars-Carnoët dans le Finistère sud mais on trouvait aussi ces dispositifs à Belle-Île (pas de restes repérés), à Quiberon (un reste de mur de soutènement rejointoyé repéré), à Groix (4 murs de soutènement repérés) ainsi qu’à Porspoder (pas de restes repérés).

Si ces murs en pierre sèche sont communs, on trouve tout de même différentes typologies de systèmes de levage selon les zones géographiques.

 

I.                    Les daviers à goémon à Plougonvelin, Ploumoguer, Plouarzel et au Conquet

 

Les daviers (ou davieds en breton) sont le dispositif que l’on trouve en plus grand nombre. C’est un dispositif de levage que l’on trouve au sommet des falaises du Finistère nord, dans le Léon, sur les communes de Plougonvelin, Ploumoguer, Plouarzel et du Conquet.

Ce dispositif nécessite l’installation d’une pierre plate fendue au sommet du mur en pierre sèche. Dans cette fente est installée une pièce courbée en bois d’orme amovible. Dans la partie supérieure de cette pièce en bois est placé un réa fixé par un axe en bois ou en métal. Un câble est passé dans le réa, il est relié à un cheval à une de ses extrémités et à un support léger en bois en forme de V à l’autre extrémité, descendant dans la grève et permettant de fixer la charge de goémon. Ce système de levage, retrouvé dans le Léon, au bord de la mer d’Iroise, serait inspiré des systèmes de levage que l’on trouve sur les bateaux.

 

En 1774, dans une enquête sur la pauvreté dans le diocèse, le recteur de la paroisse de Saint-Mathieu à Plougonvelin indique que le ramassage du goémon est une pratique courante dans sa paroisse mais qu’elle est compliquée par la topographie des lieux, sans pour autant indiquer par quel moyen il est récolté. En 1845, l’artiste Charles Lesage réalise un croquis de la Pointe Saint-Mathieu où l’on discerne ces dispositifs de levage pour la première fois. En 1886, dans sa description des littoraux français, Valentine Vattier d’Ambroyse affirme que les roches au sommet des falaises ont été percées, elle n’évoque pas les murs en pierre sèche, mettant en avant leur discrétion dans ces paysages rocheux.

Ces daviers sont la propriété de fermes du secteur, qui ne sont parfois pas directement au contact du littoral et qui sont les seules à avoir les droits d’exploitation. Le ramassage du goémon par le moyen de daviers n’est donc pas soumis aux mêmes règles que la récolte du goémon sur les plages, ouverte à tous les habitants de la commune.

Leur usage à Saint-Mathieu décline avant le Seconde Guerre mondiale sans disparaître, ils sont utilisés jusqu’à ce que l’on voit des tracteurs remplacer les chevaux pour remonter les charges. Ils sont progressivement abandonnés entre la fin des années 1950 et le début des années 1960.

 

II.                  Les vir a vod dans le sud du Cap Sizun

 

Concernant le Cap Sizun, dans les communes d’Audierne, de Primelin et d’Esquibien, les systèmes de levages sont appelés vir a vod et sont beaucoup plus élaborés. En effet, la récolte du goémon par le biais de ces systèmes de levage y aurait débuté à la fin de la décennie 1900 selon un témoignage oral recueilli par Pierre Arzel mais la peinture de Georges Clairin conservée au Musée d’Histoire de Saint-Brieuc semble plutôt indiquer une utilisation de ces dispositifs au Cap Sizun dès le dernier quart du XIXe siècle. 

Ils sont composés d’une partie fixe composée d’un tambour et de manivelles permettant de tendre un câble entre le haut du mât et la grève ainsi que d’un mât en bois sur lequel était fixé une poulie où passait la corde. Ce mât pouvait être fixé droit ou légèrement incliné sur des pierres dressées que l’on retrouve encore en grand nombre dans le Cap Sizun. La charge de goémon était acheminée sur la falaise dans un panier coulissant le long de la corde tendue et tiré par un cheval.

A Plogoff, chaque famille avait une aire de récolte définie au pied des falaises, y compris celles qui ne possédaient pas de cheval.

 

III.                Les kroug à Clohars-Carnoët

Des dispositifs de levage du goémon existaient aussi dans le sud du Finistère à Clohars-Carnoët. Ils y sont désignés comme des kroug (potence en breton).

Ces dispositifs, au contraire de ceux du Finistère nord, pouvaient être communautaires. Leurs usagers possédaient leur propre poulie amovible qu’ils installaient dans la fourche du kroug qui est une importante pièce en bois qui pouvait être dotée d’un système de bascule pour les plus sophistiquées d’entre elles. La charge de goémon était fixée à un patin en bois qui glissait le long de la paroi rocheuse qui pouvait être creusée comme on le remarque à plusieurs reprises sur le littoral de la commune. Les kroug de Clohars-Carnoët ont été installés et utilisés à partir du XIXe siècle.

Bibliographie

  • Les Goémoniers, Douarnenez, Le Chasse-marée – Editions de l’Estran, 1987.

    Bibliothèque universitaire. Université Rennes 2 : XH 392 ARZ
    p. 152 à 163

Périodiques

  • « Les anciens daviers de montée des algues dans les falaises de Plougonvelin, du Conquet et de Ploumoguer (Finistère) » dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère Tome CXIII, 1984.

    Bibliothèque universitaire. Université Rennes 2 : ZP 180349
    p. 187 à 204
  • « Les daviers léonards, anciens aménagements littoraux en péril » dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 2001.

    Bibliothèque universitaire. Université Rennes 2 : ZP 180349
    p. 195 à 212
  • « Sur le goémon de rive » dans Les cahiers de l’Iroise, n°21-2 (Avril-juin 1974)

Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023