CONDITIONS DE L´ENQUÊTE
L´enquête de terrain, réalisée en mai 2009, intègre les résultats d´un recensement du patrimoine effectué entre 1968 et 1972 par le service régional de l´Inventaire sur l´ensemble du canton de Châteaulin ; la comparaison des données respectives permet d´entrevoir l´évolution du bâti au cours des quarante dernières années.
Ce dossier collectif vise deux objectifs : appréhender une « famille » d'édifices représentés en grand nombre et dégager les caractères communs ou spécifiques à cette famille. Reflétant une sélection raisonnée sous forme d´échantillonnage, certains éléments, jugés représentatifs et pas ou peu dénaturés, ont été traités en dossiers individuels.
Environ 50 maisons ont été répertoriées et cartographiées. Au sein de ce corpus, neuf maisons ont fait l'objet d'un dossier individuel alors que 41, simplement repérées, ont été systématiquement illustrées à la suite de ces observations générales. Hors agglomération et en absence d´habitat rural sur la commune, peu d´éléments ont été retenus, à l´exception de quelques maisons à Guily Glas ou Lanvaïdic (voir dossier « Présentation de la commune »).
La synthèse qui suit concerne donc uniquement les maisons urbaines, c'est-à-dire les maisons situées dans l´agglomération.
CONTEXTE HISTORIQUE ET ÉCONOMIQUE
La nature du site caractérisé par un relief accidenté et l´ancien espace portuaire est à l´origine d´une structure urbaine particulière qui se développe d´une manière linéaire le long de la rivière ou de part et d´autre de la route descendant vers le port. Le manque de terrain définit un parcellaire naturellement limitée puisque située en flanc de colline, avec affleurements schisteux à l´arrière des constructions. L´aménagement de terrasses accessibles par des escaliers palliait parfois à l´absence de jardins. Ces terrasses sont aujourd´hui boisées alors que des documents anciens (dessin de 1812, cartes postales des années 1900) les montrent dépourvues de végétation.
L´habitat urbain de Port-Launay est intimement lié à l´évolution du port et du canal de Nantes à Brest. Ce sont, pour l´essentiel, les marchands et négociants qui sont à l´origine des constructions. Bien que situé en retrait par rapport aux quais, le bâti le plus ancien encore en place remonte au 17e siècle (23, rue du Docteur Cozanet ; 10, rue des Frères Pennec). Les archives des années 1760 attestent, le long des quais, la proximité entre le logis des négociants et leurs magasins. Jacques Cambry souligne l'aisance que connaissent les négociants de Port-Launay avant la Révolution dont les maisons, les magasins sont étalés sur le rivage, au bas d'une colline, dans une position assez riante. Le nombre de constructions, ou reconstructions, de maisons au 18e siècle n'est pas négligeable réel, mais l´élan marquant se situe plus tard, entre 1840 et 1900. La plupart des maisons aujourd´hui en place remontent à cette période, en corrélation directe avec l´activité portuaire et un pic démographique (1329 habitants en 1866).
Comme souvent en milieu urbain, les chronogrammes sont rares. On en relève néanmoins quelques uns : 1741 (27, quai Amiral Douguet), 1764 (13, quai Jacques Pouliquen), 1777 (4, quai Amiral Douguet), 1808 (5-6, route de Brest), 1815 (16, quai Jacques Pouliquen).
LES COMMANDITAIRES
Les inscriptions figurant sur les bâtiments révélant parfois le nom d´un bâtisseur sont exceptionnelles mais s´affichent au 4, quai Amiral Douguet (NICOL) et 27, quai Amiral Douguet (MARC GUEDES). Des travaux historiques mentionnent un certain nombre de marchands ou négociants en tant que constructeurs ou acquéreurs de maisons et d´entrepôts. C´est le cas, entre autres, pour le 21, rue du Docteur Cozanet construit vers 1850 pour Joseph Marzin, négociant et maire de la commune.
COMPOSITION D´ENSEMBLE
Les maisons s´élèvent le long des quais, autour de la place principale ou le long des rues du docteur Cozanet et des Frères Pennec. Elles forment des alignements donnant directement sur la voie et sont, le long des quais, aspectées à l´ouest. Situées à l´arrière et surplombées par la colline, les cours sont accessibles par un passage central et permettent, dans certains cas, d´atteindre également les ailes en retour d´équerre servant d´entrepôts et de celliers (1, quai Amiral Douguet). Entrepôts, fours à pain ou puits étaient placés dans ces espaces très restreints ; un four à pain subsiste au 4, quai Amiral Douguet, un puits au 10, quai Jacques Pouliquen.
MATÉRIAUX ET MISE EN OEUVRE
Les données géologiques du secteur et l´importation de pierres par bateau sont à l´origine de la diversité des maçonneries. Située sur le territoire même de Port-Launay, la carrière de Guily Glas, aujourd´hui abandonnée, fournissait des moellons de schiste pour le gros œuvre et l´ardoise pour les toitures. La kersantite, roche magmatique (et non granitique) de teinte gris foncé extraite au fond de la rade de Brest, la microdiorite quartzique de couleur dorée et marbrée de cernes concentriques d´hydroxyde de fer provenant de Logonna et le granite de Locronan sont largement utilisées, soit pour des parements en pierre de taille dont les exemples les plus spectaculaires se situent au 9, quai Jacques Pouliquen (microdiorite quartzique), au 1, rue du Docteur Cozanet (kersantite) ou au 16, quai Jacques Pouliquen (granite). Pour l´encadrement des baies, les chaînages d´angle et les corniches, la kersanite domine. Le recours au grès arkosique, pierre talqueuse extraite de la région de Pleyben, est exceptionnel ; il a toutefois été magistralement mis en oeuvre, en 1808, au 5-6, route de Brest, alors que l´encadrement des baies est en granite.
Toutefois, la majorité des maisons, construites en moellons de pierre, est couverte d´enduits blancs ou, depuis peu, colorés.
STRUCTURE ET ÉLÉVATIONS
Les maisons urbaines de Port-Launay se divisent en trois types. Le premier, le plus ancien, est aussi celui dont ne subsistent que deux témoins (23, rue du docteur Cozanet, 10, rue des Frères Pennec). Il s´agit de bâtiments à deux niveaux abritant, au rez-de-chaussée, caves et celliers, alors que l´étage, accessible par un escalier extérieur en maçonnerie, sert de logement. Ce type de maison était probablement, avant les reconstructions plus tardives, assez répandu ; en témoigne le dessin de 1812 où figure une telle maison donnant sur l´actuel quai Amiral Douguet.
Le deuxième type correspond au modèle à un étage, avec trois, quatre ou cinq travées ; il est en place dès le milieu du 18e siècle (1, 4 et 27, quai Amiral Douguet), devient largement dominant tout au long du 19e siècle et représente la majorité des maisons urbaines de Port-Launay.
Le troisième type n´est, en réalité, qu´une variante du précédent duquel il se distingue par un étage supplémentaire qui, pourtant, lui confère un gabarit bien différent. De telles maisons à l´allure d´immeubles de rapport se situent autour de la place du Général de Gaulle et le long des quais ; des réalisations marquantes subsistent aux 9, 10 et 16, quai Jacques Pouliquen.
COUVERTURES
Les maisons urbaines de Port-Launay sont généralement coiffées d'un toit à longs pans, en raison, notamment, des alignements dans lesquels elles s´inscrivent. Les toits à croupes sont minoritaires mais existent, soit en absence de mitoyenneté comme aux 18 et 21, rue du Docteur Cozanet, soit en cas de maisons d´angle comme aux 1 bis, place du Général de Gaulle ou au 3, route de Pleyben.
L´emploi de l´ardoise comme matériau de couverture dans cette région qui connaissait, par le passé, une forte production locale, est général.
DISTRIBUTION INTERIEURE
Quatre maisons ont fait l´objet de plans au sol schématiques (1 et 4, quai Amiral Douguet, 10, quai Jacques Pouliquen, 21, rue du Docteur Cozanet). L´impossibilité d´accéder à un nombre plus important d´édifices et surtout les transformations successives intervenues au cours du temps n´autorisent pas d´établir, dans bien des cas, les fonctions et les distributions d´origine.
L´usage du rez-de-chaussée comme espaces destinés au commerce et au stockage des marchandises ne fait cependant aucun doute, les étages étant réservés à l´habitation. Ces fonctionnalités sont, entre autres, encore bien lisibles au 10, quai Jacques Pouliquen. Certains couloirs de distribution, pièces et cours conservent leur sols couverts de dalles de schistes (1 et 4, quai Amiral Douguet, 10, quai Jacques Pouliquen).
Quelques maisons abritent leurs escaliers d´origine ; c´est, parmi d´autres, le cas au 4, quai Amiral Douguet (escalier tournant à retour à mur d´échiffre, avec marches et paliers en bois ou en schiste) ou encore au 1, quai Amiral Douguet (escalier tournant à retours en bois, avec rampe d´appui à balustres).
CONCLUSION
Les maisons urbaines de Port-Launay traduisent une économie florissante liée à l´activité du port aux 18e et 19e siècles. Elles sont inscrites dans un site remarquable et forment, malgré des différences de gabarit, de qualité et de matériaux mis en oeuvre, un ensemble rare dans le département et unique au sein d´un ensemble urbain cohérent mais fragile. Etayées par des recherches plus approfondies, leur sauvegarde et leur mise en valeur s´imposent. Une attention toute particulière devrait être apportée aux percements des rez-de-chaussées et des combles, aux matériaux et formes des huisseries et aux teintes des enduits.
Photographe