Inventaire des manoirs de Quimper
Le cadre de la mission
Les besoins du service de l'urbanisme
L'étude thématique sur les manoirs a été demandée par le service de l'urbanisme dans le cadre de la transformation de la ZPPAUP en AVAP. Un diagnostic patrimonial a été effectué par le cabinet Ponant Stratégies Urbaines afin d'évaluer la pertinence de la ZPPAUP. Seuls les territoires inscrits dans son périmètre et quelques espaces aux abords ont été étudiés. Il est ressorti de cette première étude la nécessité de poursuivre sur un Inventaire des manoirs ruraux. Si le centre urbain est bien connu, les périphéries rurales le sont beaucoup moins. L'étude est l'occasion de mieux connaître ces territoires.
Définition(s) du manoir
De manere en latin, signifiant habiter, le manoir a un sens purement juridique sous l'Ancien Régime. Le terme de manoir est assez difficile à déterminer et son sens évolue au fil du temps. Nul besoin de revenir sur cette question qui a été traitée dans Le manoir en Bretagne, 1380-1600, nous retiendrons simplement la définition fournie par le Thésaurus de l'Architecture : "Au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime dans l'Ouest de la France, demeure à la tête d'un domaine agricole appartenant à un propriétaire de fief, noble ou non, ne possédant pas les droits seigneuriaux permettant d'élever un château munis de défenses importantes : tours, donjons, etc. Le manoir comporte des parties agricoles, plus ou moins étendues, liées au logis."
Le manoir est également défini par ses composantes architecturales. Il s'agit d'un complexe composé de nombreux éléments : le logis, les dépendances agricoles, mais aussi le puits, les fontaines et lavoirs, les moulins, les murets de clôture, les bois, les taillis, les jardins, les allées plantées, etc.
Les résultats de la mission
Le nombre de manoirs répertoriés
En croisant de nombreuses sources, une liste de manoirs a été constituée, mentionnant une centaine de toponymes. Quatre-vingt deux d'entre eux sont considérés comme étant des manoirs, conformément à la définition évoquée plus haut. Parmi la vingtaine de toponymes restant figurent des sites qui ont été rattachés à des manoirs, comme Kerreun à Kervigou et Kervoalic au Bourdonnel (c.f. "Remplois et sites potentiels). On trouve sur ces sites des vestiges en remploi, généralement du XVIe siècle, à proximité des manoirs remaniés aux XVIIe et XVIIIe siècle. D'autres encore sont de simples fermes du XIXe siècle, qui, faute de documentation infirmant ou confirmant la présence antérieure d,un manoir ont été considérése telles.
Sur le terrain, nous avons un édifice appelé "manoir" alors qu'il s'agirait d'un logis de ferme, probablement construit à l'aube du XIXe siècle. Il s'agit de la maison dite "manoir" de Kerrien. Une demeure de maître s'est implantée à proximité. Bien qu'il ne soit pas comptabilisé parmi les manoirs de Quimper, une notice a été créée, et liée à la demeure dite "château" de Kerrien. La possibilité que ce lieu ait été un fief ou un site d'implantation de manoir n'est pas à exclure. Une étude approfondie des sources serait nécessaire pour le déterminer.
En raison de la durée limitée (6 mois) de la mission, le travail de documentation a été assez restreint, et il n'a pas été possible de faire de la prospection sur le territoire Quimpérois. Il est donc possible que d'autres manoirs existent ou aient existé sur Quimper et n'aient pas été répertoriés.
La fourchette chronologique
Les manoirs répertoriés ont été construit du XVe siècle au XVIIIe siècle. Cependant, deux d'entre eux peuvent être antérieur et remonter XIVe siècle, ils 'agit de Pratanroux (Penhars) et de Kervouyec (Kerfeunteun). D'une part, Pratanroux est un site d'installation ancien, qui remonterait au XIIIe siècle, d'après les sources. D'autre part le logis de Kervouyec est constitué d'un escalier en vis intérieur, ce qui nous amène à penser que les dispositions soient antérieur au XVe siècle, mais que le bâti ait été transformé selon les goûts du XVIe siècle.
Nous avons également constaté, sur le terrain, que les manoirs ont été remaniés à différentes époques. Les édifices construits aux XVe et XVIe siècles ont vu leurs façades se transformer aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il arrive aussi que certains manoirs aient des strates de chaque génération (Kergadou à Kerfeunteun).
Parmi ce corpus, huit manoirs Quimpérois ont été construits aux XIVe et XVe siècle, dont six sont conservés et/ou remaniés. La large majorité d'entre eux (cinquante-deux) a été construit aux XVIe et XVIIe siècle, dont vingt-six sont conservés et/ou remaniés. Enfin, dix autres ont été construits au XVIIIe siècle. (Pour ces chiffres, nous prenons en compte la première période de construction).
La conservation
A la Révolution, la majeure partie des manoirs est vendue comme biens nationaux ou biens d'émigrés. Certains sont transformés en hospice (Créac'h Euzen) ou en prison (Kernisy). Au XIXe siècle, les manoirs sont bien souvent transformés en ferme, ce qui entraîne la destruction de certains éléments. C'est particulièrement vrai lorsqu'il faut "moderniser" les fermes. Le discours hygiéniste génère quelques remaniements : percement de fenêtres pour éclairer, transformation et élargissement des ouvertures, etc.
Certains manoirs sont à l'abandon, et se dégradent progressivement au cours du XXe siècle. Après guerres, en particulier lors de la reconstruction, les édifices les plus mal en point sont rasés pour laisser place à des constructions modernes. Dans les années 1970, quand la ville doit faire face à la croissance démographique, d'autres sont rasés pour construire des lotissements, individuels ou collectifs. Les terrains sont achetés ou expropriés ou fur et à mesure, et les manoirs se retrouvent englobés dans le tissus urbain quand ils ne sont pas tout simplement détruits.
Aujourd'hui, ce qui met le plus à mal la conservation de ce type d'édifice est l'absence d'entretien, quand le bâtiment n'est plus habité. La vente de ces ensemble pose également problème, car on risque de diviser les parcelles en plusieurs lots pour pouvoir vendre plus facilement, ce qui nuit à l'unité du manoir.
Les manoirs disparus
Une trentaine de manoir aujourd'hui disparus, et pour certains cela est assez récent (dernier quart du XXe siècle). Parmi eux, deux manoirs sont suffisamment documentés pour bénéficier d'une notice. Il s'agit du manoir de la Forêt et du manoir du Parc. Le manoir de la Forêt, classé au titre des Monuments Historique, a été démantelé en 1943 pour aménager la gare et les voies de chemin de fer. Destiné à être rebâti, cela ne s'est jamais produit. Les pierres ont été déposés sur une parcelle, et les pierres les plus décorées ont été rapidement prélevées. Le manoir a été de nombreuses fois photographié aux XIXe et XXe siècle, ce qui permet d'en faire la description précise.
Le manoir du Parc est moins documenté mais les éléments à disposition permettent d'en faire une description générale. Il a été détruit en 1970 pour faire place à un giratoire.
Les autres manoirs disparus sont cités dans quelques sources. Pour en savoir plus, une travail archivistique approfondi serait nécessaire.
Les manoirs conservés
Avant de déterminer combien de manoirs sont conservés, il est important de définir ce qu'on entend par "conservé". En effet, dans certaines sources consultées, on trouve la mention de certains manoirs considérés comme disparus (tels que le manoir de Penhoat, par exemple) parce que le logis seigneurial a disparu. Or, nous avons émis plus haut l'idée que le manoir se caractérisait par l'ensemble de ses parties constituantes, bâties et paysagères. A partir du moment où les vestiges d'un site sont suffisant pour en permettre la lisibilité, nous pouvons considérer celui-ci comme étant conservé.
On en compte une quarantaine sur les quatre-vingt deux manoirs recensés. Sept d'entre eux sont protégés, soit au titre des monuments historiques (inscription), soit parce qu'ils sont inclus dans le périmètre de la ZPPAUP.
Parmi eux on trouve quinze manoirs qui n'ont conservé que leur logis, cinq ont conservé leur logis et une partie de leurs bâtiments annexes (puits, chapelles, bâtiments de ferme, étables, écuries, etc.), et douze ont conservé le logis, leur bâtiment annexe et leur parcellaire (qui a peu bougé comparé au cadastre napoléonien). Onze d'entre eux n'ont conservé que des dépendances.
Remplois et sites potentiels.
Sur le terrain, nous avons été confronté à des vestiges en remplois. Nous pouvons définir deux types de sites où l'on trouve des vestiges remployés : des remplois à proximité de sites manoriaux et des site manoriaux potentiels.
On trouve parfois à proximité de site manoriaux, dont le logis a été reconstruit au XVII ou au XVIIIe siècle, des vestiges du XVIe siècle. Ceux-ci se situent généralement en contre-bas du manoir. Deux exemples Quimpérois illustrent ce cas de figure.
D'autres vestiges ont été étudiés, sans pour autant que des sources viennent attester de la nature manoriale du site. On ne les considère comme site potentiel qu'en cas de forte présomption. C'est le cas de Pontusquet, où se dresse une ferme du XIXe siècle. En contre-bas on trouve une maçonnerie du XVe-XVIe siècle. En raison de la topographie (site en hauteur et à proximité de l'eau), et du bâti présent (ferme en hauteur et vestige en contre-bas), nous pouvons émettre l'hypothèse d'un site manorial. Un travail archivistique pourrait être nécessaire pour appuyer cette hypothèse.
Les typologies
En terme de logis seigneurial, on trouve plusieurs types d'organisation. Le type le plus ancien est un plan quadrangulaire, avec un escalier compris dans œuvre. Plus tardivement, on trouve des plans quadrangulaires agrémentés d'une cage d'escalier demi hors d’œuvre. Selon la place de l'escalier et l'organisation des pièces, les plans prendront la forme d'un L ou d'une demi croix. Il arrive fréquemment que les plan en demi-croix soient dédoublé à l'arrière pour former un plan quadrangulaire, la tour d'escalier, se trouvant englobée dans la construction.
A l'intérieur, on retrouve le plus généralement une division en deux espaces distincts : l'espace principal, souvent d'une superficie plus importante, prend la fonction de salle, généralement dotée d'une cheminée monumentale sur laquelle figurent des armoiries.
En terme d'organisation spatiale, le complexe manorial se définit généralement par une cour close au centre de laquelle trône un puits faisant face au logis. En retour d'équerre se trouvent des dépendances et le tout est fermé par un mur de clôture percé d'un portail ou d'un porche. A l'arrière du logis ou à proximité se trouve une parcelle large parcelle quadrangulaire (le plus souvent carrée) faisant office de potager et ceint par des murs hauts. Certains parties constituantes, tels que les moulins, les fours, les métairies, et parfois les chapelles, se trouvent éloignée de cet ensemble.
On retrouve fréquemment ce genre d'organisation, en particulier lorsqu'on étudie le cadastre napoléonien lorsque ce n'est pas visible sur le terrain. Seuls certains manoirs conservent un grand nombre de ces éléments (Kergadou, Kerlagatu et Toulgoat notamment.) Ce modèle s'exprime évidemment avec des variations, inhérentes au site d'implantation, à la situation par rapport aux voies de communication, au programme architectural, etc.