Les récits de visite de Prat Ar Rouz
Récit de M. Ogée, ingénieur géographe de Bretagne, vers 1780
"On voit dans la paroisse de Penhars, les vestiges du château de Prat Ar Rouz, qu'on appelle le Temple des Faux Dieux. L'histoire ne parle point de ce château, de sort qu'on ne sait rien, ni de sa fondation, ni de sa démolition, on n'en connaît même pas les possesseurs, quoique la tradition populaire assure que ce lieu était un ancien prieuré habité par les templiers. Mais cette conjoncture ne nous paraît pas assez fondée pour y ajouter foi."
Relevé de Cambry, 1792
"2 tourelles régulières, mais petite, accompagnant la porte à triple cintre plein, aigu, surbaissé. les chapiteaux, sans ordre, sont couverts d'ornements, de fleurons, de têtes barbues, d'un style extraordinaire. La cheminée présente une large pierre de granite qui forme le manteau de la cheminée de la pièce principale. (On y voit) une tête isolée à grande barbe, à large moustache, plein de force et de caractère. Cette tête, est couronnée de fleur de lys. La cheminée qui s'élève sur cette partie présente des montants grotesquement travaillés. Une deuxième salle adossée présente une cheminée. Une lanterne octogonale y réunissait les fumées. Fenêtres, bâtisses, souterrains, grandeur des pièces, peu d'ordre dans la communication."
Récit de De Blois, 1852
"Ce qu'on appelle le temple des faux dieux n'est autre chose que la grande salle du manoir de Prat Ar rouz. Cette terre a donné son nom à une ancienne famille ayant pour arme une croix patté d'azur et qui s'est fondue dans la maison Juch vers la fin du XIVe siècle. Les fenêtres de la salle dont il s'agit sont en ogive et garnies de vitraux peinte suivant l'usage du temps, ce qui l'a fait prendre pour un temple. Le manteau de son énorme cheminée, son tuyau recouvert en lanterne, lui donne quelque ressemblance avec un clocher, les croix pattées ont fait croire que Prat Ar Rouz avait appartenu à des templiers. Mais il faut remarquer que partout ici les croix sont aliées avec le lion de la maison du Juch, et l'alliance de cette maison avec l'héritière de Prat Ar Rouz est bien connue."
Récit de Brousmiche, extrait de "Voyage dans le Finistère", vers 1829
"En sortant de Quimper, pour se rendre à Plonéis, près du grand chemin au milieu d'une taille assez étendue on trouve une vieille maison ruinée qui porte dans le pays le nom de temple de faux dieux.
Jamais rienne ressemblea moisn à un temple que cette masure qui renferme dans ses murailles abattues une des fermes les plus pauvres en bâtiments de toute la Cornouaille. Quelques portes encore debout, une vaste cheminée, des murs d'enceinte dont on peu suivre la trace, font reconnaître dans ces débris une maison jadis fortifiée."
Récit de Marteville, 1853
"Les ruines de Prat Ar Roux méritent de fixer l'attention : c'est un château qu'on attribue au XIIIe siècle, date qui nous semble probable. Son architecture est bizarre et son aspect est pittoresque. On dit que Salomon III y avait sa résidence et on l'a cité d'un acte daté 'in aula Penhars" mais il est difficile d'admettre que cette résidence ait été, comme on l'a prétendu, le vieux château de Prat Ar Rouz, qu'on a à cette occasion travesti en Prat An Roué ou Pré du Roi. Salomon III vivait au IXe siècle et il est certain que ces ruines ne remontent pas au delà du XIIIe siècle."
Récit de Flaubert, extrait de "Par les champs et les grèves", 1918
"Une masure en ruine où l'on entrait par un portail gothique. Plus loin se dressait un vieux pan de mur troué d'une porte en ogive. Dans la cour, le terrain inégal est couvert de bruyère, de violettes et de cailloux. On y distingue vaguement des restes d'anciennes douves. On entre dans un souterrain comblé. On se promène là dedans, on regarde. On descend par un escalier de pierre, on est arrêtés par une nappe d'eau. On regarde et on s'en va."
Récit par De Fréminville, 1832
"Je vis tout simplement les ruines d'un château fortifié du XIIIe siècle. son portail pratiqué dans une forte muraille, revêtue en pierre de taille est une grande arcade gothique en ogive et dont les moulures supportées par de petites colonnes engagées sont d'un bon effet. De chaque côté de cette arcade est une tour ronde dont le couvrement est depuis longtemps tombé et des guirlandes de lierre flottent maintenant sur ces pierres désunies à la place du noble étendard du temple. L'enceinte n'existe plus en partie, elle paraît avoir été carrée. On voit à droite dans la cour intérieure les débris des bâtiments des bâtiments qui servaient de logements. Les portes qui y conduisent sont toutes en ogive ainsi qu'une autre grande arcade qui se voit sur le derrière et qui paraît avoir été une poterne."
La légende de Prat Ar Rouz
La légende du Roi Guinvarch (XIXe siècle - variante de la légende du Roi March)
Le portrait du roi Guinvarch "suclpté en relief, avec sa couronne, ses oreilles pointues et sa barbe étalée, se voyait jadis sur le manteau de cheminée (de Pratanroux).
Très mortifié de ses oreilles de cheval, d'ailleurs toujours soigneusement dissimulées sous sa coiffure, Guinvarch avait menacé son barbier des peines les plus terribles pour peu qu'il s'avisât d'en souffler mot à âme qui vive. Etouffé par ce lourd secret, ce barbier bavard imaginé de le confier à la terre. Il creusa un trou au pied d'une touffe de sureau, et y répété à satiété : Ar Roue Guinvarch deuz diskouarn march (Le Roi Guinvarch a des oreilles de cheval) Peu après , il y eut une aire neuve à Pratanroux. Pour mieux mettre les danseurs en branle, le sonneur cru bon de renouveler l'anche de son biniou, et coupa dans ce but une tige de sureau.
Mais à peine, perché sur sa barrique, a-t-il attaqué l'abaden que de l'instrument s'exhale, sur un ton moqueur le secret redoutable : Ar Roue Guinvarch deuz diskouarn march. Justement, le roi Guinvarch était là, venu en monarque débonnaire pour assister aux ébats de son peuple. Attérré d'abord, puis furieux, il s'élance sur le malencontreux sonneur, le culbute de sa barrique, et appelant ses gardes, leur ordonne de brancher à l'instant ce coupable de lèse majesté. "Pardonnez-moi sire ! balbutie l'infortuné. Je suis innocent. Ce maudit biniou parle tout seul. Voyez plutôt." Incrédule, le roi approche l'instrument de ses lèvres, et aussitôt le biniou de redire, avec des notes stridentes, le distique fatal. De ce jour, ajoute-t-on, nul ne vit plus à quimper le roi Guinvarch. Il s'en alla cacher sa honte près de Pont L'Abbé (...)"
Louis Le Guennec, Histoire de Quimper Corentin et son canton, Le Finistère Monumental, Tome III, Les Amis de Louis Le Guennec, Quimper, 1984.