Extrait du manoir en Bretagne

Bâti sur un site boisé, le manoir n´a pas de rôle stratégique, mais une fonction résidentielle. Un aveu de 1703, publié en annexe, décrit cet ensemble dont la disposition générale marque encore aujourd´hui une séparation très nette entre la cour seigneuriale et la basse-cour.

De tracé polygonal, les douves circonscrivent une cour seigneuriale. Dans l´espace ainsi délimité, le logis détermine deux sous-espaces : au nord le jardin, au sud la cour autour de laquelle s´alignent les écuries et la chapelle.

Dès 1590, les éléments de fortification qui ont en grande partie disparus assuraient la défense de la cour. Du pavillon appelé en 1703 « corps de garde » ne subsiste aujourd´hui qu´un portail, percé d´une porte cochère et d´une porte piétonne. Son revers est épaulé par deux contreforts percés de canonnières. Deux ponts-levis s´appuyaient sur ce corps de garde, tandis qu´un troisième servait « a passer par sur le dit fosser pour aller au grand jardin ».

Rejetés hors du périmètre des douves, les bâtiments agricoles - four, boulangerie - disposés en équerre, bordent la basse-cour. Un passage d´entrée surmonté d´une pièce à feu est placé dans l´axe transversal du manoir.

Le domaine répond à sa vocation agricole par la configuration spécifique de son plan que révèlent divers attributs seigneuriaux tels que le colombier et la chapelle.

Le logis

Le parti architectural donne à voir une organisation spatiale cohérente et fonctionnelle. La distribution du rez-de-chaussée s´effectuait à partir de la salle et de la tour d´escalier. Au 15e siècle, la salle s´ouvrait directement sur la cour, comme cela se pratiquait dans la majorité des manoirs bretons. Partant de la salle basse, un escalier droit conduit à une pièce, située au-dessus d´une cave semi-enterrée. Un guichet, placé haut sur le mur de refend, permettait d´observer l´activité de la salle basse. La répétition de cet élément de surveillance dans la tour d´escalier autorise à penser que cette salle recevait un usage à caractère public : réception, justice. La seconde pièce du demi-étage est de plain-pied par rapport à la première. Les deux pièces en suite du demi-étage forment un logement, complété d´annexes reléguées dans les deux tours. La tour nord-est enferme, à chaque niveau, des latrines. Les pièces de la tour sud-est, équipées de cheminées, sont reliées entre elles par un escalier en vis, logé dans une tourelle en surplomb. Ces tours renfermaient également deux pièces à feu au niveau des combles.

Les pièces de service, cuisine et arrière-cuisine, occupent l´aile en retour. Elles communiquent avec les autres pièces : salle et caves, par la tour d´escalier qui constituent un passage obligé. Au deuxième niveau, les divisions sont analogues. La tour est l´axe distributif qui commande les deux chambres du logis nord, la salle haute et le logement. Une coursière en encorbellement, aujourd´hui détruite, permettait de relier les chambres du logis postérieur aux latrines. Il est à noter que la salle haute ne communique pas directement avec le logement.

A l´origine, quatre lucarnes (rétablies dans la restauration actuelle) venaient rompre la ligne du toit en façade principale. L´absence de cheminée et la configuration de la charpente excluent toute occupation résidentielle des combles. Contrairement à quelques manoirs bretons où les lucarnes éclairent des salles hautes sous charpente destinées à la représentation seigneuriale, celles du Boisorcant semblent correspondre à un programme uniquement décoratif.

L´analyse architecturale met en évidence deux campagnes de construction pour cet édifice d´apparence homogène. Des éléments ornementaux et architecturaux permettent de cerner ces deux périodes.

La première campagne concerne les deux salles occidentales et la tour d´escalier. Elle doit remonter aux années 1430-1440 et serait donc l´oeuvre de Placidas du Pé.

Julien Thierry est le maître d´ouvrage de la seconde campagne de construction. Le profil des cheminées confirme une postériorité d´environ un demi-siècle.

La cheminée la plus remarquable est indiscutablement celle de la pièce centrale du premier étage. Les armoiries de la famille Thierry figurent au centre du linteau, tandis qu´une frise d´hermines et de fleurs de lys court le long de la hotte. La réunion de ces deux emblèmes date l´ouvrage puisqu´elle le situe après le rattachement du duché à la France, soit après 1491.