La commune de Bécherel présente une topographie marquée, qui a entrainé des développements et des aménagements urbains dans une ceinture contrainte au fil des siècles. Elle est en effet perchée sur un promontoire, à flanc de colline, et domine le vallon de la Cocheriais, en bordure de la route qui relie Rennes et Dinan. Décrite en 1944 par le géographe André Meynier comme un petit massif de collines, la commune s’étend sur 55 hectares et son tissu aggloméré se compose d’une ancienne ville close médiévale et de deux faubourgs à ses extrémités, à l’est et à l’ouest.
Dès le XIIe siècle, Bécherel nourrit une relation étroite avec les activités marchandes et productives, qui trouvent écho dans l’architecture et l’urbanisme, et sont traduites dans la toponymie des lieux : place des halles, place du marché aux grains, champ de foire aux bestiaux, etc. A partir du XIXe siècle, l’activité industrielle florissante et l’arrivée du train bouleversent les usages marchands et obligent les municipalités successives à moduler, composer, transformer ou figer le patrimoine.
Quatre grandes périodes de développement illustrent la vie du territoire :
- Une période médiévale marquée par le caractère fortifié de la ville (jusqu’au XVe siècle). En 1124, Alain de Dinan reçoit en partage la terre de Bécherel et y fait élever, dominant la vallée, un château en pierre autour duquel se développe la cité. Sa fondation est ainsi relativement tardive. La ville fortifiée comportait plusieurs portes, menant vers le château qui occupait la moitié de la surface du territoire enceint. Le rempart était probablement ponctué de neuf ou dix tours, même si seulement les vestiges de cinq d’entre elles sont encore visibles aujourd’hui.
- Une période marquée par l’activité toilière (du XVe au XVIIIe siècle). Grâce à la culture et au tissage du lin et du chanvre, Bécherel est prospère. Le fond de vallon, occupé par une succession d’étangs, permet le rouissage et l’enceinte fortifiée protège les négociants de toile et les marchands qui viennent vendre et s’approvisionner au marché hebdomadaire sous les halles. Plusieurs édifices (maisons de tisserand et de marchand) témoignent encore de cette activité. Le blocus continental imposé par Napoléon et la concurrence du coton entrainent néanmoins le déclin de cette culture.
- Une période marquée par l’activité industrielle (du XIXe au XXe siècle). La réalisation d’un chemin de grande communication en 1843 et l’implantation d’une gare de tramway pendant la première moitié du XXe siècle bouleversent l’économie locale et accentuent le développement du faubourg Berthault et de la ville nouvelle dite la « ville basse ». Une tannerie ouvre ses portes en 1839 à l’initiative de la famille Jehanin et ne les referme qu’au moment de la Seconde Guerre mondiale. Une fabrique de galoches lui est d’ailleurs associée. En 1914, c’est une laiterie qui s’implante et fonctionne jusqu’en 1971.
- Une période de développement touristique et culturel (à partir de 1975) avec la structuration d’une Cité du Livre, accueillant les métiers du livre d’occasion. Dans les années 1960-1970, dans un contexte de ralentissement de l’activité industrielle et de fermetures d’établissements, la Mairie impulse une nouvelle politique d’attractivité touristique. En 1975, un syndicat intercommunal d’aménagement touristique est créé, et en 1978, la commune est labélisée Petites Cités de Caractère. Implantée à Bécherel depuis 1986, l’association Savenn Douar (« le tremplin », en breton) émet les premières idées de valorisation de la ville autour des métiers du livre, et c’est la première Fête du Livre, en 1989, qui donne naissance à « Bécherel, Cité du livre ». En 2011, la communauté de communes porte la création d’une Maison du Livre et du Tourisme, située à l’extrémité ouest du faubourg Berthault, qui devient un équipement culturel de Rennes métropole et un espace permanent de découverte du livre et des écritures.
En complément de l’Inventaire topographique réalisé en 1983, l’étude en 2022 des traces patrimoniales des activités artisanales, industrielles et commerciales permet de comprendre l’évolution du bâti au travers des aménagements nécessaires à l’adaptation des activités au cours du temps. L’étude questionne ainsi les marqueurs du travail et du savoir-faire sur le territoire.
Méthodologie :
Un état des lieux archivistique est réalisé à partir du cadastre napoléonien et du cadastre actuel, des matrices cadastrales, des recensements de population, de plans et cartes postales anciennes (dont collections privées), des écrits, des témoignages d’habitant.e.s, des autorisations d’urbanisme.
Des observations in situ, documentant les édifices ainsi que les devantures, enseignes, dispositions des baies (porte cochère, arcade…) et outils de travail (notamment le mobilier), sont réalisées. La description systématique de ces dernières s’appuie sur le vocabulaire spécifique de l’Inventaire.
Les boutiques, les ateliers d’artisan, les devantures, les magasins de stockage et les sites industriels sont catégorisés et différenciés, permettant de comprendre les interrelations entre le commerce, la production, la transformation, le stockage des marchandises et le lieu d’habitation des commerçants sur le territoire. La dénomination « maison à boutique » n’existant pas dans le vocabulaire de l’Inventaire, une double dénomination « maison » et « boutique » est utilisée pour les édifices concernés.
L’étude recense les édifices témoignant d’activités artisanales, commerciales et industrielles, connues à ce jour, et telles que primo référencées dans les sources archivistiques analysées.
Périmètre d’étude :
L’étude se concentre sur le tissu bâti de la commune de Bécherel, composé de l’ancienne ville close médiévale, du faubourg de la Quintaine (allant jusqu’à La Barre, inclus) et du faubourg Berthault. Elle inclut également 6 notices se rapportant à la commune voisine de Longaulnay en raison de liens étroits et de continuité thématique. Elle s’intéresse à l’architecture et au mobilier encore présent qui témoigne des activités artisanales, commerciales et industrielles originelles.
Cette étude est réalisée dans le cadre du Master 2 Restauration et Réhabilitation du patrimoine bâti de l’Université Rennes 2, entre mai et décembre 2022, via une collaboration avec le service de l’Inventaire du patrimoine culturel de la Région Bretagne. Il en résulte 122 notices de recensement. Des dossiers d’études individuels ou collectifs sur une dizaine de sites et/ou de thématiques seront également créés ou enrichis. Elle donne également lieu à une conférence « En quête d’inventaire à Bécherel : conter les maisons à boutiques » lors des Journées européennes du patrimoine 2022, et à la rédaction d’un mémoire « L’influence des activités commerciales, artisanales et industrielles sur le patrimoine bâti et l’aménagement urbain, au fil des siècles : l’exemple de Bécherel », accessible en annexe. Une couverture photographique illustre également cette enquête.