Dossier d’œuvre architecture IA56132441 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, Inventaire des lotissements et villages de vacances du tourisme balnéaire en Bretagne
Lotissements "Le Domaine de Guidel" et "Le Parc de Guidel", anciennement village de vacances du Comité central d'entreprise d'Air France, Scubidan (Guidel)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Bretagne
  • Commune Guidel
  • Lieu-dit Scubidan
  • Adresse
  • Dénominations
    village de vacances
  • Appellations
    Village de vacances du C.C.E d'Air France
  • Destinations
    lotissement

La construction du village de vacances d’Air France à Guidel s’est étendue sur seize années, au rythme de quatre phases de travaux successives, visant à améliorer constamment le confort des vacanciers.

Après plus de quarante ans d’exploitation, le Comité Central d’Entreprise (CCE) d’Air France, confronté à d’importantes difficultés financières, se voit contraint de céder une partie de son patrimoine immobilier. En 2014, le village de Guidel est ainsi vendu à la société TIKVA de Guidel, créée spécialement pour cette opération et présidée par Yoav Peretz. Cette société, présentée comme « un groupement d'investisseurs ayant pour objectif d'acquérir, rénover et valoriser des domaines fermés », poursuit son expansion en rachetant le Domaine du Dourdy en 2015, puis le village de vacances du Mans à Tréboul en 2016.

À Guidel, d'importants travaux de modernisation sont entrepris sur les logements, dont une partie est mise en vente en tant que résidences privées. Le reste du site continue d’accueillir des vacanciers selon des formules locatives estivales jusqu’en 2016. Face à une forte demande d’acquisition après seulement deux saisons estivales, les investisseurs décident d’ouvrir la vente à l’ensemble du domaine.

A la date de cette enquête, l’ancien village de vacances du CCE d’Air France est officiellement scindé en deux copropriétés distinctes : le Domaine de Guidel et le Parc de Guidel.

Genèse d’un village de vacances Air France en Bretagne

Le 20 juin 1963, une demande de permis de construire émanant du Comité Central d’Entreprise d’Air France reçoit l’avis favorable de Louis de Montagner, maire de Guidel. Le terrain retenu pour le futur village de vacances se situe de part et d’autre du chemin rural n°62, à environ 1,5 kilomètres du bourg du Pouldu et à moins de 2 kilomètres de la toute jeune station du Bas Pouldu-Guidel Plage. Il s’étend sur un peu plus de 9 hectares en observant une pente dans le sens sud-nord, dont la déclivité s’accentue à mesure qu’elle se dirige vers le ruisseau qui en borde la limite nord. Dépourvus de constructions, la pinède et les pommiers qui l’ombragent présentent d’intéressantes zones de verdure.

 Le dessin du projet est confié à Jacques Olivier (1913-2004), un architecte du pays dont la carrière trouve son élan dans la Reconstruction de Lorient. Celui-ci prévoit la construction d’un vaste pavillon central et cinquante bungalows d’habitation. Le bâtiment collectif, placé à proximité des axes de circulation dans la partie sud-est du site, se développe selon un plan en L et contient le logement du directeur, une infirmerie, un réfectoire et une cuisine. Un petit volume à plan carré contenant l’intendance (épicerie, salle du personnel, vestiaire et local à vin) s’ajoute en saillie sur l’aile ouest. En façade, la vaste toiture à double pente d’ardoises semble contenir l’ensemble des fonctions et descend à l’affleurement de la traverse haute des menuiseries. Placés à distance régulière, seules de petites lucarnes triangulaires (outeaux) permettent de ventiler les combles. De cette assemblage, résulte une impression de massivité et d’ancrage au sol.

Les 50 bungalows, orientés à l’unisson selon un axe sud-est/nord-est, se répartissent en cinq “hameaux” parmi les pommiers. On en distingue deux types - petits et grands modèles – dont l’architecture reprend celle du bâtiment central : des volumes à plan rectangulaire à toiture basse à double pente d’ardoises. La disposition intérieure comprend une salle de séjour avec cuisine, des toilettes, deux chambres au rez-de-chaussée et une chambre en galerie à l’étage. Là encore, seuls quelques outeaux apportent un éclairage léger à l’étage.

Qu’il s’agisse d’une prise de mesures économiques ou d’un choix délibéré de prestation, seul le pavillon central est finalement construit en 1963. De son inauguration jusqu’à 1966, le village vacances d’Air France de Guidel ne fonctionne qu’en formule « village de toiles ».

Vers un véritable village de vacances

A mesure que s’étoffe la notoriété du village, les commodités prévues en 1963 s’avèrent insuffisantes pour satisfaire aux besoins récréatifs de vacanciers toujours plus nombreux. A cette époque, le développement d’une politique nationale des loisirs comme composante de l’identité individuelle, intervient comme un facteur majeur dans le développement de nombreux centres et villages de vacances. Au village d’Air France de Guidel, cela se traduit dans un second projet d’aménagement, porté par le bureau d’étude du CCE.

L’objectif affiché est double : construire des bungalows en dur pour remplacer le village de toiles et développer sur place l’offre de loisirs pour adultes et enfants. Le plan masse, signé par l’architecte Pierre Stangaciu (1933-2022), est ambitieux et consiste à créer un accueil mieux identifié, une zone de loisirs avec ses moyens d’accès, une crèche et un jardin d’enfants, une zone d’habitation sous forme de hameaux avec ses différents services, dessertes, parkings et sanitaires collectifs et enfin, l’aménagement du bois de pin pour la promenade.

Cœur du village, le centre des loisirs articule l’ensemble et fait face à la façade est du bâtiment existant dont la galerie promenoir du rez-de-chaussée permet de mener les vacanciers du réfectoire aux activités. Le futur centre de loisirs, composé de plusieurs pavillons, comprend une grande salle de spectacles de 300 places, un bar, une discothèque (banque de disques et espace d’audition et d’enregistrement), une bibliothèque, un foyer des jeunes, des locaux pour l’administration, une salle de réunions avec un coin cheminée, un foyer féminin, des salles d’activités diverses (peinture, maquette, etc), un terrain de sport polyvalent, un bassin d’eau, une crèche et la garderie d’enfants et son jardin.              

Les logements sont répartis en trois hameaux de 250, 214 et 144 lits. Ils se composent de plusieurs plateformes étagées, autour desquelles s’organisent des cellules disposées en quinconce et se chevauchant partiellement. Cette configuration permet de moduler la capacité d’accueil (de 2 à 20 lits) tout en optimisant les espaces, adaptés aussi bien aux familles qu’aux colonies de vacances. L’usage d’un mur bas en dévers et d’une toiture à mono-pente confère à chaque cellule une atmosphère intime et chaleureuse. Répartis par zones, les sanitaires collectifs, laveries et cuisines complètent la zone d’hébergement. La réalisation de l’ensemble prévoit l’emploi d’une association de matériaux modernes et traditionnels : béton en soubassement, murs en parpaing, charpente en bois naturel et toitures en ardoise.

Finalement, seule la partie consacrée aux loisirs est réalisée lors de cette seconde phase de travaux. Les bungalows de toile restent l’unique modalité de logement pendant encore quelques années.

Yves Guillou et la finalisation du projet

Au début des années 1970, la généralisation du confort domestique impose l’adaptation des centres et villages de vacances aux nouvelles pratiques de vie. À Guidel, cette évolution se traduit par une troisième phase de travaux. Bien que validé lors du dépôt du permis de construire en 1966, le projet initial de logements dessiné par Pierre Stangaciu n’est finalement pas retenu. La charge de concevoir la nouvelle proposition en revient finalement à Yves Guillou (1915-2004).

Ce Breton, né dans les Côtes-d’Armor d’un père entrepreneur exploitant d’une carrière de pierre, jouit déjà d’une solide réputation parmi ses pairs. Ce contexte familial et géographique forge très tôt dans la carrière d’Yves Guillou une attention particulière aux matériaux locaux et au site de construction. Profondément attaché aux paysages littoraux bretons, il développe une approche fondée sur l’harmonie avec le site : ses constructions cherchent à dialoguer avec le relief, la végétation et les éléments bâtis préexistants. La pierre locale, extraite de carrières régionales, ainsi que l’ardoise, omniprésente dans la tradition constructive bretonne, deviennent des marqueurs récurrents de son œuvre. Guillou accorde également une importance centrale à l’horizontalité, principe qu’il développe dans une deuxième partie de sa carrière et qu’il considère comme une ligne conductrice capable d’amortir l’impact visuel des constructions. Cette horizontalité s’exprime tant dans les lignes de faîtage basses que dans l’allongement des volumes bâtis, souvent fractionnés pour mieux épouser la topographie du lieu. Magistralement démontrée dans la construction de nombreuses maisons particulières sur le littoral vannetais, cette démarche trouve à Guidel le terrain idéal pour une traduction à grande échelle.

Le nouveau projet rompt complètement avec les esquisses précédentes, tout en s’intégrant harmonieusement à l’existant. Celui-ci programme la réalisation de 450 lits, répartis en deux hameaux : un premier accueille des vacanciers en formule “logis” (sans pension, comprenant donc une cuisine privative), avec 51 unités de 2, 4, 6 ou 8 lits ; le second est réservé à la pension complète, avec 48 “gîtes”. Dans chaque hameau, les unités se déploient en 7 îlots indépendants regroupés autour d’un bâtiment d’activités communes (lessive, repassage, etc.). L’originalité de l’ensemble réside dans l’élément de base de cette composition architecturale : une cellule à deux lits dont le plan reprend la forme d’une portion plus ou moins tronquée d’un dodécagone régulier. La juxtaposition de ces modules selon des arcs concaves ou convexes permet une variété quasi infinie de combinaisons. Le plan-masse n’en donne que quelques exemples, mais la structure permet une grande souplesse de mise en œuvre. Ce système rompt avec toute monotonie linéaire, affirmant la personnalité de chaque cellule. Chaque baie dispose ainsi d’une orientation et d’une vue propres, dans un dialogue incessant entre intérieur et extérieur. Dehors, les concavités des îlots permettent de créer des accès discrets, à l’abri des regards.

Bâties de plain-pied, les constructions s’implantent au plus près du relief, s’insérant dans les replis du terrain pour limiter leur impact visuel. Cette disposition permet au regard de glisser sur les toitures-terrasses vers les champs, au-delà du vallon. Dans ce secteur côtier de Guidel, à une époque où le caractère rural reste fortement marqué et défendu par son maire, le projet doit s’inscrire dans une logique de continuité paysagère. L’architecture proposée par Yves Guillou répond à cette exigence par une mise à l’échelle maîtrisée et un choix rigoureux des matériaux. La pierre locale, utilisée en soubassement ou en éléments de parement, assure un ancrage au sol, tandis que l’ardoise employée généreusement en façade affirme une filiation directe avec les modes constructifs traditionnels. Ce recours assumé aux matériaux vernaculaires contribue à l’intégration du bâti, tout en portant la marque reconnaissable de l’architecte.

Yves Guillou apporte également son concours à la transformation de l’amphithéâtre à ciel ouvert en salle de spectacle couverte. Une vaste toiture à pans multiples, dont les versants descendent en pente douce jusqu’au sol, vient coiffer l’édifice. Elle s’appuie sur une façade nord-ouest entièrement vitrée, tandis qu’au nord-est, des murs de soubassement en pierre ancrent solidement la construction dans le dévers du terrain. De l’autre côté de la rue, dans la zone sud-ouest, la parcelle restante est aménagée pour maintenir une zone de camping. Yves Guillou y conçoit un bâtiment collectif regroupant les espaces de vie partagés : sanitaires, laverie, zone de vaisselle et abri barbecue. Contrairement aux volumes bas et fragmentés des logements en dur, cette construction adopte un vocabulaire architectural plus traditionnel, hérité de ses premières réalisations. Les toitures y sont pentues et couvertes d’ardoises, affirmant une insertion plus directe dans le paysage rural environnant.

Salué par la critique lors de sa réception, le village de vacances d’Air France à Guidel séduit rapidement une clientèle fidèle, de plus en plus nombreuse au fil des saisons. En 1979, pour répondre à cet engouement, cinq nouveaux îlots sont ajoutés par Yves Guillou dans la partie nord du site. Après de nombreuses années d’activité, Air France cède finalement le village vacances de Guidel en 2014. A la date de l’enquête d’Inventaire, seuls les logements subsistent ; les espaces collectifs ainsi que le bâtiment du camping ont été démolis afin de laisser place à la construction de résidences collectives.

  • Couvrements
  • État de conservation
    inégal suivant les parties
  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à étudier

Bibliographie

  • Archives modernes d'architecture en Bretagne, bulletin de liaison de l'association, n°12 - spécial Yves Guillou -, juin 2004, 16 pages

  • DIEUDONNE, Patrick, Bretagne, un siècle d'architectures, Dinan : éditions Terre de Brume, 2001, 256 p.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel)
Date(s) d'enquête : 2025; Date(s) de rédaction : 2025