Emblématique de l’avènement d’une civilisation des loisirs, l’architecture balnéaire évoque d’emblée dans l’imaginaire collectif le faste et l’éclectisme des villas et casinos des grandes stations balnéaires. Séduite par le pittoresque cossu de ce type d’architecture, la recherche s’est longtemps cantonnée aux pratiques et architectures des classes sociales les plus aisées. Mais de nombreux pans de la villégiature balnéaire reste encore en marge de la connaissance et des études consacrées au sujet.
A partir de 1936, la généralisation des congés payés permet aux salariés de jouir d’une liberté encore méconnue et transforme le rapport des masses à l’espace côtier. Au cours des années 1950, l’épanouissement du tourisme balnéaire occasionne un morcellement privatif des territoires de bord de mer selon une logique de libre occupation du littoral. Côtoyant les stations balnéaires bourgeoises, baraques, cabanes et cabines s’égrènent en front de mer en marge de toute conception urbanistique. Bien souvent qualifiées de « verrues architecturales », ces constructions modestes souffrent encore d’un manque de reconnaissance sur le plan patrimonial.
Aire d’étude
Sur la façade maritime de Saint-Brieuc, une centaine de cabanons et de cabines s’arriment aux falaises et aux rochers de la plage du Valais. Répartis en trois hameaux aux noms évocateurs, les cabanons de la Cité Baby, de la Côte des Belles et du Petit Monaco se concentrent sur une aire allant de la pointe de Cesson à l’extrémité sud de la grève du Valais à flanc de côte. Le corpus observé comprend 107 cabanons : 26 sur la Côte des Belles, 12 au Petit Monaco, 49 sur la Cité Baby et 20 sur le Domaine public maritime. Néanmoins, une observation plus fine du territoire appelle à réviser ce premier constat. En effet, lorsqu'un résident entre en possession d'une parcelle voisine de la sienne, les cabanons sont regroupés sous une seule entité pour former un agglomérat. Suivant cette lecture, le corpus comprend alors 97 cabanons (dont 8 agglomérats) : 24 sur la Côte des Belles, 12 au Petit Monaco, 41 sur la Cité Baby et 20 sur le Domaine public maritime.
Enjeux et objectifs
Edifiés dans les années 1900 pour les plus anciens, les cabanons du Valais se développent par vagues successives tout au long du XXème siècle. Depuis la fin des années 80, le durcissement de la législation concernant l’aménagement et la protection des littoraux bouleverse le fonctionnement du site qui s’autogère depuis presque un siècle. Aujourd’hui en irrégularité au regard de la Loi Littoral, le statut juridique des cabanons du Valais remet en cause leur existence. Convaincue de l'intérêt de garder trace de ce patrimoine, l’opération d’Inventaire des cabanons des lotissements du Valais est réalisée dans le cadre d’un master recherche en Histoire, Théorie et Critique de l’Architecture (Université Rennes 2).
La dimension précaire des constructions et les situations juridiques parfois complexes qu’elle engendre constituent l’un des volets majeurs de l’approche. L’étude vise à révéler l’intérêt patrimonial du site dans la compréhension de l’histoire des pratiques balnéaires à Saint-Brieuc en s’appuyant sur une lecture typo-chronologique des cabanons.
Méthodologie
La particularité de l’étude tient à l’aspect précaire de ce type d’architecture dont presque aucune trace ne subsiste dans les archives. Le travail s’organise donc selon une méthodologie proche de celle employée pour l’opération d’Inventaire des Baraques de la Reconstruction en Bretagne. Suite au recensement systématique des cabanons du Valais, un travail de collecte documentaire et de témoignages mené auprès des habitants des cabanons permet de documenter les notices créées lors de la phase de recensement. En complément, une couverture photographique illustre l'étude.
