Dossier d’œuvre architecture IA22133622 | Réalisé par
Lécuillier Guillaume (Contributeur)
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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  • enquête thématique régionale, Inventaire des héritages militaires en Bretagne
Domaine de la Tour de Cesson, rue de la Tour (Saint-Brieuc)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Saint-Brieuc - Saint-Brieuc
  • Commune Saint-Brieuc
  • Lieu-dit Pointe de Cesson
  • Adresse 105 rue de la Tour
  • Cadastre BR 1

En mars 2020, la Ville de Saint-Brieuc est devenue propriétaire du Domaine de la Tour de Cesson, site et promontoire d’une superficie de 13,7 hectares dominant la Baie de Saint-Brieuc, le Gouët et l’Anse d’Yffiniac. Ce site est à la fois d’intérêt écologique, touristique, historique, archéologique et patrimonial avec la présence d’une tour médiévale, d'un corps de garde, d'une demeure du 19e siècle (ravagée par un incendie en 2018), d’une ferme et de bunkers de la Seconde Guerre mondiale. La Ville de Saint-Brieuc, réunie en comité de pilotage, a souhaité la mise en place d'un comité scientifique pour éclairer les choix en terme de conservation et de valorisation.

C’est dans ce contexte que la Région Bretagne a été sollicitée en février 2023 par la Ville de Saint-Brieuc pour étudier le domaine. Cette étude a été menée par le service de l’Inventaire du patrimoine culturel, dans le cadre de la thématique régionale sur les héritages militaires (et plus particulièrement sur les vestiges fortifiés de la Seconde Guerre mondiale).

Les Journées européennes du patrimoine 2023 ont été l’occasion de faire de découvrir, en accès libre, une partie du Domaine de la Tour de Cesson, et d’animer des visites guidées sur la thématique des héritages militaires en partenariat avec le service des Archives municipales de la Ville de Saint-Brieuc.

Ce site, vraisemblablement fortifié depuis les époques protohistorique et antique (peut-être par un castellum, fortin occupé par une garnison romaine ?), contrôle le Gouët et l’Anse d’Yffigniac et commande la Baie de Saint-Brieuc.

Pour l'historien Bernard Tanguy (1992), le toponyme "Cesson", "Seson" (11e siècle), "Sexon" (14e siècle) est l’équivalent en roman du breton Saozon, c’est-à-dire Saxon, ce qui dénote une présence saxone ancienne, pour ne pas dire anglaise.

Une tour médiévale reconnue très tôt, mais un château fort oublié

Du puissant château fort mentionné dans la Chanson d'Aquin à la fin du 12e siècle ne subsiste en élévation que la tour-maîtresse construite par Jean IV, duc de Bretagne (1365-1399), vraisemblablement sur une tour plus ancienne (mentionnée en 1306). Cette tour a partiellement été démantelée en 1598. Elle se présente comme l'écorché d’une fortification : murs, pont-levis, escalier en vis, pièces de plan hexagonal, baies à coussiège (banc en pierre) et cheminée sont parfaitement lisibles.

A l’Est de la tour, une masse de terre faisant rempart sur plus de 200 m de longueur peut être identifiée comme la courtine Sud du château. A l'extrémité orientale se trouvait selon le cadastre de 1814 la "tour de la Paurette" (pored en breton signifie falaise). D’autres masses de terre pourraient correspondre aux bastions construits lors de la Guerre de la Ligue (1588-1598) pour protéger la tour et le château fort.

En 1840, la Tour de Cesson figure dans la liste publiée par la Commission des monuments historiques des 1090 "monuments pour lesquels des secours ont été demandés et que la Commission a jugé digne d'intérêt".

A partir de 1852, lors des travaux d’aménagement du domaine par Alexandre Glais-Bizoin (1800-1877), des vestiges de fortifications médiévales et modernes sont partiellement arasés comme le font remarquer plusieurs historiens de l’époque.

En 1886, la Tour de Cesson est classée au titre des Monuments historiques par l’État en raison de son intérêt historique et artistique, mais finalement déclassée deux ans plus tard à la demande de son propriétaire Eustache Ollitrault-Dureste (1834-1919). Ce n’est qu’en 1926 que la tour est inscrite au titre des Monuments historiques. Entre temps, les parties basses de la Tour de Cesson ont été remblayées par Eustache Ollitrault-Dureste et le domaine est passé dans les mains de la famille Combes.

En 1983, c’est la physionomie de la pointe de Cesson toute entière qui change avec la création d’un polder de 13 ha de superficie au pied de la pointe.

Depuis 2021, le domaine de la Tour de Cesson se situe dans le périmètre du site patrimonial remarquable (SPR) de Saint-Brieuc : la demeure construite par Alexandre Glais-Bizoin est classée comme "bâtiment remarquable" tout comme la conciergerie, la ferme et ses dépendances ; la grande dépendance (dite la grange) est classée "bâtiment d’intérêt patrimonial". La pointe de Cesson constitue une réserve archéologique de premier ordre : elle est inscrite dans sa totalité comme zone de présomption de prescriptions archéologiques.

La création du Domaine de la Tour de Cesson et sa transmission

Le Domaine de la Tour de Cesson a été créé par Alexandre Glais-Bizoin (1800-1877) entre 1852 et 1877. Il a ensuite appartenu, de 1877 à 1919, à son neveu par alliance Eustache Ollitrault-Dureste (1834-1919), puis à l'un de ses fils de 1919 à 1921.

De 1921 à 2020, le domaine appartient à la famille Combes qui en fait un lieu de villégiature.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le domaine et la demeure sont réquisitionnés pour loger officiers et soldats. Plus de 1 800 m3 de terre est déplacée pour construire des bunkers à l’extrémité de la pointe dans le cadre du Mur de l'Atlantique. Selon le Rapport Pinczon du Sel réalisé immédiatement après-guerre par la Marine nationale, la demeure, désignée comme le "château", est "endommagée" sans plus de détail.

En 1982, Georgette Combes, propriétaire du domaine décède laissant huit héritiers en indivision.

Le 25 janvier 2018, un incendie ravage la demeure et met en évidence l’état d’abandon du domaine, dont les bâtiments sont régulièrement visités et occupés illégalement.

Suite à une procédure d’état d’abandon manifeste du Domaine de la Tour de Cesson et après une procédure d’expropriation en vue de l’intérêt collectif, la Ville de Saint-Brieuc prend possession des lieux en mars 2020. La superficie des parcelles acquises est de 13,7 ha. Très vite, des travaux de mise en sécurité, de nettoyage et de débroussaillage sont entrepris et font ressortir l’intérêt du domaine tant du point de vue naturel que culturel.

Dès 2021, des visites guidées sont organisées par la Ville de Saint-Brieuc pour le faire découvrir. Ces visites se sont poursuivies en 2022 et 2023 autour de thématique variées : "nature et patrimoine", "peinture et patrimoine", "Bain de forêt"...

Une entreprise de connaissance toujours en cours

En 1893, Julien Trévédy consacre une étude détaillée à la Tour de Cesson dans les Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord.

En 1998, à l’occasion des 400 ans du démantèlement de la Tour de Cesson, Jacques Le Goualher consacre un article à l’environnement de la forteresse médiévale.

En 2022, Anthony Meslé-Carole consacre son mémoire de Master 2 de l'École nationale supérieure d’architecture de Versailles à l’étude du Domaine de la Tour de Cesson tandis que l’association Vivarmor en évalue la biodiversité à la demande de la Ville de Saint-Brieuc. Les étudiants de troisième année de Licence de l’École nationale supérieure d'architecture de Bretagne, accompagnés du Conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement des Côtes-d'Armor, se sont inspirés du Domaine de la Tour de Cesson pour concevoir des projets "imaginaires".

En 2023, la Ville de Saint-Brieuc a lancé une concertation citoyenne pour imaginer collectivement le futur du domaine. Parallèlement, la Région Bretagne a réalisé l’étude du Domaine de la Tour de Cesson dans le cadre de l’Inventaire du patrimoine culturel. Cette même année, Alain et Claudine Lamour ont sorti un ouvrage intitulé "Saint-Brieuc. Le mystérieux domaine de la tour de Cesson".

En 2023-2024, une étude archéologique du site de la Tour de Cesson a été réalisée à la demande de la Ville de Saint-Brieuc par Victorien Leman (Cabinet d'Études Historiques).

Dominant l’embouchure du Gouët, l’anse d’Yffignac et la baie de Saint-Brieuc, le château fort de Cesson est implanté sur la pointe homonyme dite la "Montagne de Cesson" à 70 m au-dessus du niveau de la mer.

Outre la tour, les vestiges du château fort (dont la superficie totale peut être évaluée à 3 ha) et des bastions, le Domaine de la Tour de Cesson se compose d’une demeure (ravagée par un incendie), d’un mur de clôture, d’une entrée monumentale avec portail et conciergerie, d’une entrée secondaire (donnant vers un ancien cheminement), d’une entrée au Sud (ancienne entrée principale), d’une allée principale, d’un jardin d’agrément, d’un belvédère de jardin (dit la "Tour Malakoff"), d’un bassin d’ornement avec fontaine et grotte artificielle, d’une serre, d’un parc, d’une exploitation agricole (la Métairie) avec logis et plusieurs dépendances, des communs et dépendances dits la grange, d’un poulailler et d’un chenil avec niche à chien.

Des éléments ont également été rapportés d’autres sites historiques comme les deux portes de style Renaissance provenant du manoir de Bocenit à Saint-Gilles-du-Méné faisant portes ornementales et un cadran solaire.

Dans le parc se trouve également un ensemble fortifié comprenant onze constructions en béton armé datables de la Seconde Guerre mondiale dont trois bunkers permanents (plans-types 502, 612 et 680) dotés d’une dalle de couverture et de murs périphériques de deux mètres d’épaisseur.

Les parties constituantes du domaine de la Tour de Cesson présentent des styles architecturaux variés, témoins de l’évolution des pensées et de la mode : Gothique, Renaissance, néo-classique, néo-gothique, ornementation en faux bois ou rusticage associé à la technique de la rocaille imitant la nature et ses reliefs.

  • État de conservation
    état moyen, mauvais état, inégal suivant les parties
  • Précision dimensions

    Le Domaine de la Tour de Cesson mesure 13,7 ha de superficie.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune, domaine appartenant à la Ville de Saint-Brieuc.
  • Intérêt de l'œuvre
    site archéologique, vestiges de guerre, à signaler
  • Éléments remarquables
    site archéologique
  • Sites de protection
    abords d'un monument historique, site patrimonial remarquable

Bibliographie

  • LA POIX DE FREMINVILLE (de), Christophe-Paulin (dit le Chevalier de Fréminville). Antiquités de la Bretagne. Côtes-du-Nord. Brest : imprimerie chez J-B Lefournier, (imprimeur-libraire, éditeur), 1837, 416 p.

    p. 203-207
  • BIZIEN-JAGLIN, Catherine, GALLIOU, Patrick, KEREBEL, Hervé. Carte archéologique de la Gaule : pré-inventaire archéologique de la France - 22. Côtes-d'Armor. Paris : Académie des Inscriptions et Belles Lettres / Ministère de l´Education Nationale / Ministère de la Recherche / Ministère de la Culture et de la Communication / Maison des Sciences de l´Homme, Carte archéologique de la Gaule, 2002.

  • MESLÉ-CAROLE, Anthony. "La Tour de Cesson et son domaine (Saint-Brieuc, Côtes d'Armor). Redécouverte d'un patrimoine et explorations paysagères". École nationale supérieure d'architecture de Versailles et CY Cergy-Paris Université, Master 2 Jardins historiques sous la direction de Stéphanie de Courtois, historienne de l'art et Denis Mirallié, paysagiste, patrimoine et paysage, 2022, 184 p. et 95 p. (annexe).

    Archives municipales de Saint-Brieuc
  • ASSOCIATION VIVARMOR NATURE. RAULT, Pierre-Alexis. Indice de qualité écologique. Évaluation de la biodiversité du site du domaine de la Tour de Cesson. Etude réalisée pour la Ville de Saint-Brieuc, février 2022, 60 p. et annexes.

  • KERNÉVEZ, Patrick. "Saint-Brieuc : Tour de Cesson". Tapuscrit inédit, 15 juin 2023.

  • LAMOUR, Alain. LAMOUR, Claudine. Saint-Brieuc. Le mystérieux domaine de la tour de Cesson. Plérin : Imprimerie Roudenn Grafik, autoédition, 2023, 170 p.

    Archives municipales de Saint-Brieuc : 279837
  • LEMAN, Victorien. Cabinet d’Études Historiques. Bureau Nord-Ouest. Le site de la Tour de Cesson, du Moyen Âge à nos jours. Synthèse historique et archéologique. Rohan : non publié, 2024, 96 p.

Périodiques

  • TRÉVÉDY, Julien. "La Tour de Cesson et le fort de Saint-Brieuc". Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, tome XXXI, 1893, p. 47-142.

  • LE GOUALHER, Jacques. "Cesson, l’environnement d’une forteresse médiévale". Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-d'Armor, Histoire et archéologie, tome CXXVII, 1998, p. 195-230.

Documents audio

  • Témoignage de Madeleine Colin recueilli par Yolaine Coutentin, conservatrice des Archives municipales de Saint-Brieuc, 2021.

    Archives municipales de Saint-Brieuc

Annexes

  • Alexandre Glais-Bizoin (1800-1877), propriétaire du domaine de 1852 à 1877
  • Eustache Ollitrault-Dureste (1834-1919), propriétaire du domaine de 1877 à 1919
  • La famille Combes, propriétaire du domaine de 1921 à 2020
  • La question de l'accessibilité du domaine de la Tour de Cesson
Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023
(c) Région Bretagne
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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