Le quartier Villeneuve, situé au sud de la gare de Rennes, trouve ses origines à la fin du 19e siècle. Implanté autour d’un ancien manoir et de ses terres, il est caractéristique du contexte d’expansion urbaine de la ville aux tournants des 19e et 20e siècles, et des réflexions hygiénistes globales concernant le logement, la salubrité et l’accessibilité pour les populations ouvrières. Dès 1857, l’arrivée du chemin de fer favorise l’urbanisation des faubourgs sud, répondant à l’arrivée massive d’une population rurale venant travailler en ville. Le développement et la structuration de ce quartier sont également dus aux activités liées à l’Arsenal (mentionné dès 1854), puis aux constructions de la prison départementale en 1898, de l’église paroissiale Sacrés-Coeurs en 1908 et de la caserne Margueritte en 1911, mobilisant largement les populations ouvrières.
Le quartier est défini par sa forte cohérence architecturale : les maisons présentent une homogénéité tant dans les formes employées que dans les matériaux mis en œuvre. Comme le laisse entendre son nom, Villeneuve accorde une place importante à la vie de proximité par la construction d'équipements publics (le square, la crèche, l’école de filles…) et par la vie commerciale qui s’y développe (de nombreux services et des épiceries sont aménagés afin de répondre aux besoins quotidiens des habitants).
Révéler l’identité sociale du quartier : le profil des habitants et des commanditaires
Les chiffres des recensements de 1921 (1 976 habitants) et de 1936 (2 405 habitants, soit 2,44% de la population rennaise) traduisent la forte progression démographique observée à Rennes entre 1830 et le début du 20e siècle. Par exemple, sur cette même période, la rue Hector Berlioz passe de 9 à 39 habitants. Les rues les plus à l’est, comme celle d’Auguste Comte, connaissent une forte densification. Le quartier Villeneuve s’est principalement construit pour les Rennais et habitants des communes alentour : sur les 2041 habitants recensés en 1931, 1476 d’entre eux sont originaires d’Ille-et-Vilaine, soit plus de 72%, dont 40% nés à Rennes.
Les classes moyenne et populaire accèdent à la propriété au début du 20e siècle, notamment par la création de la Société française des habitations à bon marché (SFHBM) en 1889 et la loi Ribot de 1908 qui souhaite démocratiser l’accès à la propriété foncière des classes ouvrières. Sur les groupes socioprofessionnels des commanditaires du quartier identifiés (55%), la moitié correspondent à la classe moyenne, 41,7 % à la classe populaire, et seulement 2,1% à la classe aisée. En prenant uniquement en compte les ouvriers et les employés, indépendamment des trois classes sociales déterminées, ils représentent 69,4% de l’ensemble des commanditaires du quartier.
Entre 1921 et 1936, les habitants des classes populaire et moyenne représentent entre 89% et 97,5% de l’ensemble de la population du quartier. Si l’on distingue les deux classes, on constate que la classe populaire qui comprend les ouvriers représente entre 34,8% et 49,7% (selon les années), tandis que la classe moyenne représente entre 43,4% et 54,5%. La majorité de ces travailleurs est employée par des grands employeurs rennais, industriels et de services, comme les chemins de fer, l’Arsenal ou les imprimeries (présentés dans le volume I, p. 170-178 ; volume II, p. 121-146), et quelques employeurs de proximité. Concernant la classe aisée, bien qu’elle ne représente qu’une petite part de la population du quartier (en moyenne 2,4%), elle triple sur la période de l’Entre-deux-guerres, passant alors de 1,2% en 1921 à 3,3% en 1936. Cette classe spécifique est composée de plusieurs personnalités présentées dans le volume II (p. 110-121). La place des femmes dans le quartier a également été analysée (volume I, p. 157-169), et leur émancipation s’observe par un taux d’activité particulièrement élevé : sur la totalité de la population féminine du quartier, plus de 62% d’entre elles ont un emploi en 1921, contre 42,3% à l’échelle de la France.
Photographe à l'Inventaire