L’étude topo-thématique centrée sur la commune des Iffs s’inscrit dans le cadre plus large d’une étude thématique sur le patrimoine lié à l’histoire toilière de la Bretagne. Du 15e au 18e siècle, l’industrie des toiles en Bretagne, organisée en manufacture dispersée, joue un rôle essentiel dans l’économie de la Province. Cette activité, majoritairement domestique et rurale, mobilise presque tout le territoire breton, depuis la culture et la transformation du lin et du chanvre jusqu’à la fabrication, le commerce et l’exportation des fils et des toiles. Un patrimoine varié et riche témoigne de cette longue période. Cette étude vise à mieux comprendre les acteurs impliqués, les richesses générées et l’impact de cette activité sur les territoires ruraux et urbains.
Alors que certaines zones de production toilière sont bien documentées, d’autres sont moins bien définies. La commune des Iffs appartient à cette catégorie. Située à proximité de Bécherel et du port de Dinan, en liaison avec le port d'exportation de Saint-Malo, elle peut s'enorgueillir d'un riche patrimoine privé. Daté principalement du milieu du 16e au 18e siècle, ce bâti. Daté principalement du milieu du 16e au 18e siècle, ce patrimoine semble témoigner de l’enrichissement des marchands de fils et/ou de toiles, dans une région où le commerce de ces produits constituait une source de revenus majeure.
Cette enquête d’Inventaire s’inscrit dans la continuité d’une première enquête topographique menée en 1986 et d’un Inventaire réalisé dans le cadre du label « Communes du Patrimoine Rural de Bretagne » en 2024. Elle a pour objectif de réinterroger le patrimoine de la commune à la lumière de l’histoire toilière bretonne. À travers l’analyse des archives, de la bibliographie et du bâti, cette opération ambitionne d’apporter un éclairage nouveau sur une zone encore peu étudiée.
Périmètre d’étude
Commune du canton de Bécherel, centre clé du commerce des fils de lin et de chanvre, les Iffs présentent peu de patrimoines directement identifiables à l’histoire toilière. Elle fait partie de ces communes, où aux 16e et 17e siècles, il existait une porosité entre les activités agricoles, le tissage et le commerce des toiles et des fils, rendant difficile l’identification des maisons de marchands et des lieux qui leur étaient associés. D’un côté, les habitats modestes de cultivateurs et artisans ont souvent été remaniés ou détruits. De l’autre, les maisons des notables ont mieux résisté au temps, bien qu’elles offrent peu d’indices directs sur leur lien avec l’histoire toilière. Dès le 19e siècle, la conjoncture économique a contribué au déclin des manufactures rurales. Le manque de ressources a paradoxalement permis de conserver de nombreuses maisons anciennes tout en conduisant parfois à leur dénaturation. Des éléments décoratifs, tels que des cheminées, ont été vendus, et les rénovations entreprises par des propriétaires citadins en quête de confort ont parfois altéré ce patrimoine.
Dans cette commune, déjà partiellement inventoriée, les liens avec l’histoire toilière sont souvent supposés sur la base des dates de construction. L’étude inclut le bourg et les écarts des Iffs, prenant en compte l’organisation spatiale du bâti par rapport aux voies de communication, au réseau hydrographique et à la hiérarchie entre les bâtiments. Trois ou quatre maisons du bourg sont concernées et une vingtaine de maisons éparpillées dans la campagne pourraient être liées à l'activité toilière, bien que ces chiffres soient probablement sous-évalués.
Méthodologie
L’enquête repose sur un recensement quasi exhaustif des édifices privés de la commune. Bien que la plupart des bâtiments anciens aient un lien probable avec l’histoire toilière, il est souvent difficile de les identifier formellement sans croiser plusieurs sources.
Cette étude s’appuie sur quatre principaux axes de recherche :
- Recherche en archives : Le dépouillement des archives a permis de relier la commune des Iffs à l’histoire toilière. Des documents départementaux, cantonaux et communaux ont aidé à comprendre l’évolution de cette activité, tandis que des archives nominatives (recensements de population, registres paroissiaux et d’état civil) ont permis d’identifier les productions et les acteurs locaux impliqués (tisserands, fileuses, marchands). Le cadastre ancien de 1827 et ses états de sections ont permis de localiser d’anciens lieux-dits probablement liés à cette activité.
- Sources documentaires : Des ouvrages tels que celui de Paul Banéat sur l’Ille-et-Vilaine ou le Dictionnaire historique et géographique de la Province de Bretagne de Jean Ogée ont offert un contexte historique et géographique essentiel. Bien que les Iffs soient rarement mentionnés, ces sources ont apporté des informations sur l’économie régionale et sur les interactions entre les communes voisines, donnant des pistes pour interpréter le patrimoine local.
- Rencontre avec les acteurs locaux : Les échanges avec les élus et les habitants de la commune ont joué un rôle clé. Ces rencontres ont permis d’identifier des bâtiments anciens, de recueillir des récits et de repérer des éléments architecturaux significatifs, tels que des cheminées sculptées ou des linteaux datés. Ces témoignages ont complété les lacunes des archives et orienté les visites de terrain vers des édifices potentiellement liés à l’histoire toilière.
- Analyse du bâti : Le patrimoine des Iffs, bien que riche, offre peu d’indices explicites sur son lien avec l’histoire toilière. L’étude du bâti s’est donc axée sur l’analyse des typologies architecturales récurrentes. En les comparant aux données archivistiques, un ensemble de constructions anciennes, souvent richement décorées et probablement liées aux marchands de toiles ou de fils, a été identifié.
Cette étude, menée dans le cadre d’un stage de spécialité à l’Institut national du patrimoine entre août et décembre 2024, s’est appuyée sur les 17 notices d’Inventaire réalisées dans le cadre du label des CPRB, a créé quatre dossiers et en a enrichi un existant. Une couverture photographique illustre également cette enquête.
Elève-conservatrice du patrimoine (INP - promotion Champollion) en stage au service de l'Inventaire du patrimoine de Bretagne du 19 aout au 20 décembre 2024.