Dossier d’œuvre architecture IA56007321 | Réalisé par
Jadé Patrick (Contributeur)
Jadé Patrick

Historien, président de l'Association "1846, La fortification du 19e siècle : connaître et partager".

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  • enquête thématique régionale, Inventaire des fortifications littorales 1830-1870 dans les îles de Bretagne Sud
Fort central, Er Prad (Île-d'Houat)
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Bretagne Sud - Quiberon
  • Commune Île-d'Houat
  • Lieu-dit Er Prad
  • Cadastre AL 320

Le fort central de l'île d'Houat est le grand frère jumeau de celui d'Hoedic. Comme lui, c'est un cas original de fort à caserne de gorge faisant office de réduit insulaire. C'est aussi un bon exemple du lien étroit entre une fortification et son contexte de création, tant géographique que technologique et politique. Pertinent au moment de sa construction pour enlever à la flotte anglaise toute possibilité de se saisir d'un point d'appui sur la façade méridionale de la Bretagne, il perd sa raison d'être quand l'investissement nécessaire pour le maintenir au niveau d'une menace ayant évolué dépasse l'intérêt de sa conservation.

Au cours des guerres de Succession d'Autriche, de Sept Ans et de la Révolution et de l'Empire, les îles d'Houat et d'Hoedic sont régulièrement occupées par les Anglais et leur servent de bases d'opération dans la région. Leurs deux tours à batteries basses construites à la fin du 17e siècle sont détruites en 1746, les forts relevés à leurs emplacements après 1756, en 1795. La réoccupation militaire d'Houat et d'Hoedic est donc envisagée dès le début du 19e siècle. Les commissions de défense et le Comité des fortifications réaffirment cette nécessité en 1818, 1825 et 1836, de même que les officiers du génie en charge des îles dans les années 1820 et 1830. La "Commission mixte d'armement des côtes de la France, de la Corse et des îles" de 1841 se place dans la continuité en demandant la construction dans chaque île d'une redoute-modèle leur servant de réduit.

La Commission attribue au fort d'Houat un armement de trois canons de 30 livres et trois obusiers de 22 cm pour l'action lointaine. La défense rapprochée repose sur quatre canons de campagne et deux canons de montagne. Il est prévu une garnison de 340 hommes.

L'emplacement du fort, sur une hauteur au sud-ouest du bourg, à la place du corps de garde d'observation existant, est choisi dès la rédaction du premier projet fin 1845 pour l'exercice 1846. Le tracé du fort proposé dans ce projet s'inspire de celui des redoutes-modèles mais dans des dimensions bien plus importantes : là où la redoute-modèle n° 1 fait 96 mètres de côté, ce fort carré flanqué par quatre grands bastions très saillants en fait 130. L'ouvrage atteint 220 mètres de côté avec l'enveloppe bastionnée en terre qui doit l'entourer. Ce premier projet très ambitieux est rejeté par le Comité des fortifications, qui fixe le tracé définitif du fort au cours de ses séances des 29 avril 1846 et 8 juillet 1847.

Les travaux commencent en 1847. A la fin de 1854 le gros du fort est construit, sauf le magasin à poudre. Il reste aussi à organiser les extérieurs, ravelin d'entrée et glacis. L'achèvement des travaux a lieu au cours de l'exercice budgétaire 1855-1856. L'aménagement des plates-formes pour l'artillerie lourde est réalisé en 1863. Des tentatives de plantations de pins sont faites à la même époque, en vain.

Les nouvelles conditions crées dans la défense des côtes par les progrès de l'artillerie au cours des années 1860 condamnent les fortifications des îles d'Houat et d'Hoedic. Au début des années 1870, le coût de leur nécessaire réorganisation n'est plus en relation avec les services qu'elle peuvent rendre.

Le fort central d'Houat est désarmé en 1875 et affermé au 1876 au recteur de l'île agissant comme représentant de la section d'Houat de la commune de Palais. Il est déclassé par la loi du 27 mai 1889 et remis aux Domaines le 25 juin 1890. La clause de démolition aux frais de l'acquéreur imposée par le génie rend difficile la vente des forts d'Houat et d'Hoedic. C'est finalement la (nouvelle) commune de l'Île-d'Houat qui achète le fort en 1893, mais sans respecter son obligation de le déraser sous trois ans.

Le fort accueille un temps la mairie et l'école publique.

Pendant la Première Guerre mondiale, un poste de défense contre les sous-marins (PDCSM) armé de deux canons de 90 mm sur affûts de campagne est installé dans le fort.

La caserne sert de carrière de pierres de taille pour la construction du nouveau port de l'île et les maisons du village, et finit par s'effondrer pendant l'entre-deux-guerres.

Le fort est inscrit au titre des Monuments historiques en 2000. Toujours propriété de la commune, il est à l'abandon mais est l'objet d'un regain d'intérêt récent (2017).

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 19e siècle , daté par source, daté par travaux historiques
    • Principale : 3e quart 19e siècle , daté par source, daté par travaux historiques
  • Dates
    • 1847, daté par source, daté par travaux historiques
    • 1855, porte la date, daté par source, daté par travaux historiques
    • 1856, daté par source, daté par travaux historiques
  • Auteur(s)

Le fort central d'Houat est situé au point culminant de l'île au sud-ouest du village.

Il s'inscrit dans un trapèze dont les deux côtés parallèles mesurent 116 et 148 mètres, les deux autres côtés 107 mètres. Il est légèrement plus large que le fort d'Hoedic (côtés parallèles du trapèze : 105 et 135 mètres). Il est flanqué par un petit bastion (dit "bastionnet") à chaque angle. La caserne à l'épreuve occupait le centre de la courtine de gorge. Un fossé sec entoure entièrement le fort. Il n'y a pas de chemin couvert, mais un ravelin triangulaire terrassé couvre la gorge.

Ce tracé trapézoïdal à bastionnets et caserne de gorge est fréquent dans la fortification française du milieu du 19e siècle. Son choix correspond plutôt à des ouvrages faisant partie d'une ceinture fortifiée, et non à un ouvrage isolé. Dans ce cas, la nécessité de se couvrir de tous les côtés fait adopter des casemates logées sous les courtines, comme à Chausey ou à l'île d'Yeu, dont les forts sont également des réduits insulaires. Dans le cas du fort d'Houat, le Comité des fortifications a considéré que le front ouest du fort était peu exposé à des tirs venant du large, ce qui autorisait cette configuration. Le risque de siège en règle est également faible dans un contexte littoral.

Les escarpes ont 10 mètres de haut à l'origine et sont en maçonnerie, avec un léger fruit. Les contrescarpes sont taillées dans le roc. Les parapets des bastions et des courtines sont organisés pour le combat d'infanterie sous la forme de simples murs à bahut doublés d'une banquette en terre (sur les bastions) ou en gradins de maçonnerie (le long des courtines). Les pierres de couverture de ces parapets ont été victimes des prélèvements opérés dans le fort.

L'intérieur du fort est occupé par les importants massifs terrassés du cavalier d'artillerie. Cette masse de terre est disposée en U en retrait des courtines nord, est et sud du fort. Elle est destinée à accueillir une partie de l'artillerie du fort, notamment les pièces lourdes, et à servir de crête d'infanterie. L'accès se fait au moyen de deux rampes. La communication entre le terre-plein du cavalier et le chemin de ronde se fait via un tunnel passant sous le parapet.

Le magasin à poudre prend place au centre du fort, dans la cour. Il est censé être couvert par les terrassements du cavalier.

Le granite local extrait des fossés a été utilisé pour les moellons. Les pierres de taille sont en granite de Trégunc ou en granite de Crac'h.

L'ouvrage est très envahi par la végétation. Un château d'eau est installé sur la face nord du cavalier.

  • Murs
    • granite moellon
    • granite pierre de taille
    • terre
  • Plans
    système bastionné
  • État de conservation
    envahi par la végétation, mauvais état
  • Mesures
    • l : 107 m
    • la : 116 m
    • la : 148 m
    • h : 10 m (escarpe)
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Éléments remarquables
    fort, poudrière
  • Sites de protection
    site classé, zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique
  • Protections
    inscrit MH, 2000/10/30
  • Référence MH

Documents d'archives

  • Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes. Archives de l'Artillerie ; Sous-série 3 W, Opérations militaires : 3 W 32, Documents concernant le 3e arrondissement maritime (Lorient). Projet d'armement des côtes de la France, de la Corse et des îles. Titre III : Projet d'armement des côtes du 3e arrondissement maritime (Lorient), 1841-1843.

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : 3 W 32
  • Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes. Archives du Génie ; Article 12, Avis du Comité : 1 VK 42, Travail de la commission d'armement des côtes sur les frontières maritimes, 1844. Avis du Comité des fortifications du 7 novembre 1844.

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : 1 VK 42
  • Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes. Archives du Génie ; Article 12, Avis du Comité : 1 VK 577. Commission de défense des côtes : tableau faisant connaître le nombre, l'armement et le classement des batteries de côtes des 1er (Cherbourg), 2e (Brest), 3e (Lorient), 4e (Rochefort) et 5e (Toulon) arrondissements maritimes, de la Corse, de l'Algérie et des colonies, 1860-1862.

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : 1 VK 577
  • Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes. Archives du Génie ; Article 12, Avis du Comité : 1 VK 582, Registre des avis du Comité des fortifications sur le crédit général pour la défense des côtes, 1846-1849. Séance du 29 avril 1846, Dépendances de Belle-Ile (Houat-Hoedic).

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : 1 VK 582
  • Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes. Archives du Génie ; Article 12, Avis du Comité : 1 VK 582, Registre des avis du Comité des fortifications sur le crédit général pour la défense des côtes, 1846-1849. Séance du 8 juillet 1847, Dépendances de Belle-Ile (Houat-Hoedic).

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : 1 VK 582
  • Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes. Archives du Génie ; Article 12, Avis du Comité : 1 VK 41, Mémoires généraux sur les frontières maritimes, 1853-1885. Tableau annexé à l'avis du Comité des Fortifications en date du 3 juin 1857, Tableau A des batteries et autres ouvrages défensifs des côtes exécutés depuis 1845 (jusqu'au 31 décembre 1856).

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : 1 VK 41
  • Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes. Archives du Génie ; Article 12, Avis du Comité : 1 VK 41, Mémoires généraux sur les frontières maritimes, 1853-1885. Rapport sur la situation des travaux de défense des côtes à la fin de l'exercice 1861.

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : 1 VK 41
  • Service historique de la Défense, Département Marine, Lorient. Archives de la Place et du Génie de Belle-Île-en-Mer ; Sous-série 4 S3, archives de la Place de Houat-Hoedic : 4 S3 11, comptabilité, règlement définitif, travaux 1857-1874. Direction du Génie de Brest, Place de Houat-Hoedic, Règlement général et définitif des dépenses faites pour les fortifications et les bâtiments militaires de la place de Houat-Hoedic pendant l'exercice 1863, 9 janvier 1864.

    Service Historique de la Défense de Lorient : 4 S3 11
  • Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes. Archives du Génie ; Article 8, Places françaises et d'Algérie : 1 VH 881, Place de Houat-Hoedic, projets et dépenses annuels, 1863-1875. Direction du Génie de Brest, Place de Houat-Hoedic, État sommaire des projets pour 1873-1874, 25 juillet 1872.

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : 1 VH 881
  • Archives départementales du Morbihan. Série Q, Domaines : Q 518 [cote provisoire], Houat, Hoedic, 1890-1903. Lettre du receveur de Palais au directeur à Vannes, 17 septembre 1891.

    Archives départementales du Morbihan : Q 518
  • Archives départementales du Morbihan. Série Q, Domaines : Q 518 [cote provisoire], Houat, Hoedic, 1890-1903. Lettre du bureau des Domaines de Carnac au directeur à Vannes, 27 juillet 1896.

    Archives départementales du Morbihan : Q 518
  • Service historique de la Défense, Département Marine, Vincennes. Archives de la Première Guerre mondiale ; Sous-série SS EE, Etat-major général, 5e section (défense du littoral) : SS EE 22, défense du littoral du 3e arrondissement maritime. Tableau n° 1 annexé à l'instruction du 18 janvier 1918 fixant le statut du personnel mis à la disposition de la Marine par les Départements de la Guerre et de l'Armement, pour le service des ouvrages de côte.

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : SS EE 22
  • Service historique de la Défense, Département Marine, Vincennes. Archives de la Première Guerre mondiale ; Sous-série SS EE, Etat-major général, 5e section (défense du littoral) : SS EE 22, défense du littoral du 3e arrondissement maritime. Inspection des PDCSM de Lorient, inspection des postes de défense passée pendant le mois de juin, 25 juin 1918.

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : SS EE 22

Bibliographie

  • LE POURHIET-SALAT, Nicole. La défense des îles bretonnes de l´Atlantique, des origines à 1860. Vincennes, Service Historique de la Marine, 1983, 375 p.

  • FAUCHERRE, Nicolas, PROST, Philippe, CHAZETTE, Alain. Les fortifications du littoral, La Bretagne Sud. Chauray-Niort, collection : les fortifications du littoral. 1998, 279 p., ISBN 2-910137-24-4.

  • BUTTIN, Henri, BUTTIN Marie-Paule, Hoëdic et Houat : deux postes avancés de la citadelle de Belle-Ile, In CONGRES DE L'ASSOCIATION VAUBAN (5,6,7 mai 1989), Vauban à Belle-Île, Trois cents ans de fortification côtière en Morbihan, Le Palais, Éditions Gondi, 1990, p. 99-111.

Périodiques

  • BUTTIN Pierre, BUTTIN, Henri, Fortifications des îles de Houat et d'Hoedic au XIXe siècle, Melvan, 2015, n° 12, p. 115-150.

  • CHAURIS, Louis, Pierres de construction à Houat, Melvan, 2016, n° 13, p.129-135.

Annexes

  • Importance des îles d'Houat et d'Hoedic pour la défense de Belle-Île, 1808.
  • Notes de Napoléon Ier sur la défense des îles d'Houat et d'Hoedic, 1811.
  • Importance de la défense des îles d'Houat et d'Hoedic, par l'amiral Willaumez, 1840.
  • Propositions de la commission de 1841 pour la défense des îles d'Houat et d'Hoedic.
  • Propositions de la commission de 1841 pour la défense de l'île d'Houat.
  • Propositions de la commission de 1841 pour le fort central de l'île d'Houat.
Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2017
(c) Région Bretagne
(c) Association 1846
Jadé Patrick
Jadé Patrick

Historien, président de l'Association "1846, La fortification du 19e siècle : connaître et partager".

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